Le cuir se fait, dans le design, tantôt sulfureux, tantôt évocateur de voyage. Matériau qui fait passer des messages de disruption ou de continuité, il est une matière-symbole que les designers manient de décennies en décennies, de siècles en siècles, avec, semble-t-il, toujours cette même jouissance créative. Démonstration avec deux pièces, toutes deux réalisées par des signatures incontournables, Philippe Starck et le fabricant de valises haut de gamme Rimowa, qui poussent très loin le savoir-faire, ce mix d’innovation et de tradition, ce jeu de bascule et de relecture de codes esthétiques de toujours, capitonné pour l’un, rainé pour l’autre.
Toujours édité par Cassina, c’est une sulfureuse inspiration qui prédomine la création de ce mobilier en cuir capitonné et acier, imaginé par le malicieux Philippe Starck (né en 1949), superstar du design qui a eu droit sa rétrospective à Beaubourg en 2003. Et justement, au début des années 2000, c’est l’influence « porno chic » qui déferle alors sur la mode et s’étale sur le papier glacé des magazines et dans les campagnes de publicités suggestives, attitudes défiant la morale. La création joue clairement la carte de la provoc’. Dans le design, Philippe Starck conçoit cet étonnant canapé aux lignes et volumes faussement classiques, et pensé, avec ses proportions généreuses pour les ébats amoureux, confiera le designer. Sur le site web de Starck, on peut lire cette note d’intention qui ne laisse de place aux doutes : « Il y a les femmes et les hommes. Il y a le jour et la nuit. Les hommes la nuit ne sont pas toujours pareils que le jour, les femmes aussi d’ailleurs. Lumière et Ombre. Publique, Privé, Montré, Caché. Mère et Amante. Élégance ou Passion. Paradoxe. Oui ». Un meuble pouvant ainsi, être interprété comme en filiation directe avec cette longue – même si discrète – tradition de meubles érotiques, particulièrement en vogue dans les maisons closes raffinés ou boudoirs des courtisanes du XIXe siècle…
Preuve, s’il en était besoin, de l’esprit malicieux qui prédomine bien souvent les créations de Starck, designer qui s’accapare autant l’imagerie kitsch et les matériaux industriels – comme par exemple tout son travail sur le mobilier XVIIIe repensé en polycarbonate pour Kartell – ou les techniques artisanales et matières intemporelles tels que le cuir, comme ici avec cette collection de sofas « Privé » tout en capitonnage, mais aussi les incontournables chaises « Costes », le spectaculaire fauteuil « Lou Read », tous deux édités par Driade, ou encore le fauteuil aux lignes éminemment eighties « Techno » pour Maletti. Starck faisant ainsi la démonstration d’un cuir, toujours complice du design, adaptable quel que soit les époques, quel que soit les styles et influences !
Objet culte du voyageur, et marqueur de statut comme le fut un temps le sac de luxe, la valise est aujourd’hui cet objet de désir, aux côtés des bagagistes et autres malletiers, acteurs historiques du secteur, ou de ces marques de mode qui ont développé leurs lignes de voyages. Rimowa s’est longtemps singularisé par une approche hyper technique et qualitative. C’est ainsi la marque dont les valises en aluminium accompagnent les voyageurs les plus exigeants, des valises à la « carrosserie » rutilante comme les carlingues des avions, un domaine alors en plein essor dans les années 1920, et dont elles sont devenues les indispensables compagnons de route. Fondée en 1898 en Allemagne, à Cologne, la marque élabore des bagages particulièrement robustes, résistants à l’humidité, à la poussière, au feu, s’adaptant aussi bien aux climats tropicaux qu’au grand froid… C’est à la suite d’un incendie de l’usine en 1937 que les dirigeants constatent que c’est l’ensemble des stocks de matières premières constituant les bagages de cette époque, à commencer par le principal, le bois, qui sont détruits, seul à avoir résisté le stock d’aluminium. Vient donc l’idée à Richard Morszeck, qui inspire d’ailleurs à la marque son nom actuel (RIchard MOrszeck et WArenzeichen, ce dernier signifiant marque déposée en allemand), fils de Paul Morszeck, l’un des deux fondateurs de la marque, de ne produire des bagages qu’entièrement conçus en aluminium. Aujourd’hui, les articles Rimowa sont toujours produits essentiellement en Allemagne. C’est au début des années 2000 que la marque produit ses premières valises en polycarbonate, réduisant drastiquement le poids de ses bagages et répondant aussi aux nouveaux usages et façon de voyager, ce qui donne aussi un nouvel essor à la marque, même si la gamme « Classic » en aluminium et poignées cuir demeure la référence iconique.
En 2016, l’entreprise rejoint le groupe LVMH. Elle accélère ainsi son développement et devient rapidement la référence du bagage du voyageur exigeant, de l’esthète discret… Même si la marque s’adjoint l’image de célébrités, tels Roger Federer ou Virgil Abloh, elle développe aussi les collaborations avec des plasticiens, designers ou maison de luxe, comme Dior, Alex Israel ou encore Charlotte Stockdale et Katie Lyall, les fondatrices du label Chaos… poursuivant ainsi sa mutation vers un positionnement encore plus « mode », à l’image de ce dernier lancement, qui ouvre une nouvelle ère dans l’histoire de la marque, en introduisant le matériau cuir, jusque-là utilisé pour les détails et finitions, avec cette gamme de valises, taille cabine, « Distinct ». C’est en développant une technique innovante de revêtement du cuir, un cuir ici subtilement grené, que ces bagages ont pu reproduire les rainures parallèles, véritable signature stylistique du fabricant qui apparaît sur les modèles dès 1950. Ces nouvelles valises, qui ne manqueront pas de séduire esthètes en quête de singularité, de luxe et savoir-faire, reprennent le design de la « Classic Cabin » et sont proposées dans trois coloris intemporels – le bleu marine, le noir et le vert olive – et en deux tailles avec des finitions et coins en aluminium anodisé ton sur ton, et reprenant l’ensemble des innovations techniques et services propres à ses produits (verrous TSA, roulettes Multiwheel, garantie à vie…). Une façon pour Rimowa de se positionner, plus encore s’il le fallait, comme label de luxe, et incluant le cuir comme comme l’un de ces nouveaux matériaux de prédilections dans son vocabulaire… Ou quand le cuir se fait autant matières à voyager qu’à innover !
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Rédaction Florent Paudeleux
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