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Apporter des solutions de recyclage et de revalorisation adaptées aux acteurs du luxe. C’est la vocation de L’Atelier des Matières, engagé dans l’économie circulaire et l’upcycling. Sa Directrice Générale, Nativité Rodriguez, défend avec ferveur la transformation profonde et durable de l’industrie de la mode. Échanges autour de la croissance intelligente.
Vous dirigez depuis 2021 l’Atelier des Matières, fondé par Chanel deux ans plus tôt. Quels sont ses missions et ses objectifs ?
Notre activité se résume ainsi : recycler, recréer, reproposer. L’Atelier des Matières est le fruit d’une vision pionnière impulsée par Chanel dans le but de bâtir des filières de revalorisation et d’innovation de nouvelles matières circulaires.Notre mission est d’accompagner nos clients dans l’écoconception grâce à des solutions sur mesure, adaptées à leurs besoins. Nous sommes capables en effet de déployer, à une échelle industrielle, la revalorisation des matières non utilisées et de produits finis invendus, depuis la collecte jusqu’au développement d’une nouvelle matière première recyclée. L’objectif de L’Atelier des Matières est simple : ne pas surexploiter les ressources de la terre, limiter notre empreinte carbone, tout en préservant la qualité des produits.
Comment fonctionne l’Atelier des Matières ?
Le siège est situé près de Paris, dans l’Oise. Nous comptons vingt personnes avec notamment une équipe intégrée de R&D travaillant sur la préparation de la matière, essentielle à un recyclage de qualité, ainsi que sur de nouvelles filières de revalorisation, jusqu’au développement de nouvelles matières premières recyclées. Produits et matières sont réceptionnés par notre atelier, où ils sont rigoureusement triés à la main. Ils sont désassemblés et envoyés dans l’une des 40 filières de recyclage mises en place par nos partenaires. Ceux-ci s’occupent de la revalorisation. L’offre de recyclage permet – sans minimum de volume – de revaloriser des produits finis invendus, tels des souliers, des sneakers, de la maroquinerie, des accessoires ainsi que des matières inutilisées comme les stocks dormants, les chutes de production… Les nouvelles matières issues du processus de transformation sont de grande qualité et non réplicables. Elles peuvent donc être réutilisées pour le développement de nouvelles collections circulaires. La traçabilité complète tout au long de la chaîne de transformation, la confidentialité ou encore le respect des normes règlementaires font partie de nos garanties. L’Atelier des Matières propose enfin des produits finis écoresponsables : des carnets, des housses d’ordinateur, des sacs et enveloppes pour remplacer, par exemple, les emballages à usage unique. Tous ces produits sont made in France et personnalisables.
L’Atelier des Matières collabore avec des « valoristes ». Pouvez-vous préciser ?
Ce sont nos experts « maison », spécialistes en matières naturelles, synthétiques et cuir. Ils savent analyser les produits et matériaux, les trier par composition, couleur, les désassembler. Toutes ces étapes méticuleuses requièrent une vraie expertise. Nos valoristes sont des employés en insertion, que nous formons pendant plus de six mois à l’analyse des matières et au désassemblage. Grâce à cette formation, ils acquièrent des compétences techniques précieuses tout en contribuant à un processus de recyclage durable et efficace. Notre engagement est donc à la fois environnemental et social.
À qui s’adresse L’Atelier des Matières ?
L’Atelier des Matières est ouvert à tous les acteurs de la mode et du luxe souhaitant avoir une approche responsable du cycle de vie de leurs produits et matières, textiles comme cuir. Nous nous adressons à une clientèle BtoB : marques, fabricants, fournisseurs de matières, créateurs.
L’Atelier des Matières revalorise diverses matières recyclées, dont le cuir. Quelle place occupent la matière cuir et ses produits ?
La revalorisation du cuir est un véritable enjeu. Nos clients l’ont bien compris. Nous avons donc créé des filières de revalorisation des produits finis et des chutes, avec des solutions innovantes et déployables à l’échelle industrielle. Un exemple significatif est ce que nous appelons le talon circulaire. Lors de la recherche de composants alternatifs au plastique pour l’un de nos clients, nous avons mis au point, avec nos partenaires, un compound à partir de chutes de cuir de production et d’un polymère recyclé. Ce client a déjà intégré cette innovation aux talons et renforts de plus de 40 000 paires de chaussures. Cette solution a plusieurs atouts. Le talon circulaire permet non seulement de réduire les déchets mais également de diviser par quatre les émissions carbone tout en limitant l’utilisation de plastique.
La circularité est un défi en construction. Quel est l’état, selon vous, des filières actuelles de recyclage ?
Aujourd’hui nous devons agir pour préserver notre planète. Les limites planétaires étant atteintes, le modèle linéaire qui consiste à extraire, fabriquer, jeter, conduit à une extraction excessive des ressources naturelles. Dans ce contexte, une transformation profonde et durable de l’industrie de la mode s’impose. Nous devons accélérer la transition circulaire. Selon le dernier rapport conjoint de la Circle Economy Foundation et de Deloitte, l’économie circulaire gagne en popularité mais n’est pas encore à la hauteur de ses ambitions. La quantité mondiale de matières circulaires utilisées a connu une baisse, passant de 9,1 % en 2018 à seulement 7,2 % en 2023. Cette période a été marquée par une consommation massive de ressources, avec plus de 500 gigatonnes de matériaux utilisés. Les gouvernements, les entreprises et les consommateurs sont des acteurs clés de ce changement pour encourager les pratiques écoresponsables. Les gouvernements peuvent mettre en place des politiques incitatives pour réduire l’impact environnemental et les déchets générés, comme la CSRD ; les entreprises peuvent adopter des pratiques durables et les consommateurs peuvent faire des choix écoresponsables. Pour réussir cette transformation circulaire et pérenne, il est crucial d’investir dans l’innovation et la création de nouvelles filières de revalorisation. L’un des grands défis des entreprises est de développer des solutions vertueuses et déployables à l’échelle industrielle. Nous devons progresser dans la préparation de la matière, en utilisant des technologies avancées comme l’IA pour automatiser les processus et dans le recyclage des matériaux. C’est pourquoi nous investissons, depuis le début, dans des programmes de R&D, visant à construire des filières de revalorisation intégrées pour les cinq principales matières naturelles : le cuir, le coton, la soie, la laine, le cachemire. Ces initiatives garantissent qualité, désirabilité, réduction de l’impact et viabilité économique.
Quels sont les projets spécifiques à venir ?
Nous poursuivons nos recherches dans le traitement de désassemblage des produits finis pour permettre une identification précise des matières et des compositions, notamment avec des programmes d’IA. Nous travaillons notamment sur de nouvelles matières recyclées à partir de produits finis en cuir. Elles donneront lieu à différents usages et finitions. C’est le cas du Vernatio, qui est notre cuir reconstitué à partir de produits finis en cuir. Il est utilisé comme renfort dans la chaussure ou comme couverture de carnets de notes. Nous souhaitons proposer à l’avenir d’autres matières pour le secteur de l’art de vivre, notamment.
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Rédaction Nadine Guérin
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