La réparation au cœur de l’actualité
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Créée il y a trois ans par Simon Mandin, rejoint début 2022 par Anaïs Mellet, tous deux spécialistes de la chaussure, l’agence d’éco-conception La boîte Bienfaite aide les acteurs de la mode à utiliser des matières souples comme le cuir pour optimiser leur profil durable. Ils nous éclairent sur les spécificités de leur démarche.
Simon Mandin : Je travaille depuis 22 ans dans le secteur de la mode. Après avoir ouvert un concept-store à Nantes, je suis devenu commercial chez Rautureau Apple Shoes (marques Schmoove, Spring Court, No Name…) de 2007 à 2010, puis en indépendant pour les marques Pointer Chaussures et Gant pendant un an et demi. Mais alors que j’avais déjà beaucoup travaillé avec des usines, je me suis rendu compte que je ne maîtrisais pas assez l’aspect technique de la fabrication des chaussures. J’ai alors suivi une formation au stylisme-modélisme de la chaussure au Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) à Cholet. Je l’ai validée par un stage chez LGM à Carquefou, où j’ai développé des collections de chaussures pour le compte de Cyrillus, les Galeries Lafayette, Besson ou La Redoute, fabriquées majoritairement en Inde et au Portugal. J’ai aussi travaillé sur leur premier concept d’économie circulaire, soit une chaussure sous la marque propre Sand Print, à base de tissus recyclés, de cuir Raynaud Jeune et incorporant de la poudre de coquille Saint-Jacques dans la semelle. Cela a été le début de ma réflexion, qui m’a mené à la création de l’agence La boîte Bienfaite. Au départ, j’ai accompagné la société Serrano (marque SoBask), qui dispose d’une usine historique dans le Pays basque. Il y a 14 mois, Anaïs m’a rejoint et nous avons formalisé la structure début 2022.
Anaïs Mellet : J’ai pour ma part un profil commercial, depuis une dizaine d’années dans l’industrie de la mode. J’ai rencontré Simon au salon Bread&Butter en 2010 alors que je venais d’intégrer G-Star Footwear. J’ai ensuite rejoint la marque de chaussures américaine Toms en 2015 puis créé mon agence, Oh My Slow (diffusant Supra, Hi-Tec, Scotch & Soda chaussure, EMU Australia et Doughnut) et enfin Clarks. J’ai eu la chance de partir en voyage humanitaire en Afrique du Sud avec la marque Toms en 2017. Cette dernière est en effet à l’origine du concept du « One for One » : pour chaque paire de chaussures vendue, Toms fait don d’une paire à un enfant dans le besoin avec des ONG partenaires. Ce voyage a été une prise de conscience pour moi, et depuis, j’ai beaucoup évolué dans ma manière d’être, tant personnelle que professionnelle. Ce déclic m’a donné l’envie de devenir actrice de la transition écologique et de rejoindre Simon début 2022 pour développer l’agence.
AM : Nous sommes une agence d’éco-conception spécialisée dans les matières souples à faible impact. Notre mission consiste à apporter des solutions aux marques et enseignes de mode pour réduire la part pétrochimique dans leurs collections, grâce à notre expertise dans les différents usages et applications de nouveaux matériaux. Du fait de nos parcours respectifs, nous avons une spécialisation sur le marché de la chaussure. Mais notre expertise des matières innovantes et biosourcées nous permet aussi de travailler avec des marques de différents secteurs : maroquinerie, accessoires, prêt-à-porter… Nous accompagnons les marques, soit pour faire évoluer leurs produits vers une version éco-conçue, soit pour créer des collections capsules porteuses d’autres valeurs, avec une possible production française ou européenne. Nous sommes complémentaires des agences d’éco-conception qui proposent des accompagnements sur les différents impacts environnementaux. L’impact des matières premières sur un produit peut en effet faire varier cet impact de 40%. Notre expertise permet aux marques de mieux appréhender toutes ces nouvelles matières et leurs propriétés. Aujourd’hui les matériaux innovants arrivent plus vite que les réglementations sur notre marché, c’est un problème ! Notre rôle est ainsi de transmettre nos savoirs et d’aider les marques à imaginer de nouveaux usages et décloisonner leurs habitudes.
SM : Pour nous, le cuir est la meilleure matière pour concevoir des chaussures et nous la mettons en avant. Nous nous intéressons aux meilleures pratiques de tannage et privilégions les tanneurs européens, notamment français. Nous formons d’ailleurs sur le sujet les écoles de mode, activité que nous comptons développer en 2023 et 2024.
AM : La chaussure la plus écologique à nos yeux est une Paraboot en cuir ! La durabilité amène le consommateur à moins consommer, c’est la base même de l’écologie. De leur côté, les matières alternatives aux cuirs sont rarement recyclables et nous n’avons pas assez de recul sur leur durabilité. Et il faut définir au mieux leurs usages avec les informations dont nous disposons actuellement.
SM : Nous travaillons avec une dizaine de tanneurs européens dont la moitié sont français (Cuirs du Futur, Tanneries du Puy, d’Annonay, Raynaud Jeune…). Nous leur demandons à tous au moins une labellisation LWG (Leather Working Group), le minimum exigé par les marques et les enseignes. Nous favorisons le tannage végétal, même si celui-ci n’est pas 100% exempt de chrome. Nous pouvons nous tourner vers l’étranger, par exemple le Portugal pour l’embossage, quand le savoir-faire fait défaut en France. Mais nous pouvons aussi mettre en valeur un artisanat de mode hexagonal en le détournant, par exemple en proposant un cuir d’agneau plissé.
SM : Nous accompagnons marques et tanneurs partageant nos valeurs pour mettre en lumière le cuir via des produits originaux, comme récemment un ciré réalisé avec le cuir Stormy de la tannerie Raynaud Jeune présenté sur le salon Première Vision Leather en février dernier. Anaïs et moi avons plein d’idées à la minute mais nous ne pouvons hélas pas tout mettre en œuvre faute de temps ! En ce moment, nous travaillons avec les deux créateurs de la société Recycuir, qui cherchent à transformer en nouvelles applications (dalles isolantes, chaussures…) les déchets de cuir d’une maison de luxe, issus de sa production de maroquinerie.
SM : Dès la création de La boîte Bienfaite, je me suis rapproché de l’architecte Éléonore Hucliez, qui avait créé en 2020 une Matériauthèque à Nantes, baptisée “La Mat”, proposant des matériaux rigides aux acteurs design et habitat. La boîte Bienfaite s’est installée dans la même manufacture collaborative et solidaire qu’elle (ICI Nantes) et a pris en main le développement d’un espace dédié aux matériaux souples au sein de la Matériauthèque. Celle-ci accueille désormais plus de 3 000 matériaux, dont environ 10% de cuirs (ovin, bovin, mais également les cuirs marins de la tannerie Ictyos).
AM : Les clients de La boîte Bienfaite évoluent essentiellement dans le moyen-haut de gamme, avec des profils extrêmement divers, allant des créateurs au démarrage de leur entreprise, qui n’en sont encore qu’à leurs prototypes, aux enseignes nationales. Toutes ces marques ont pour point commun de devoir monter en compétences dans le domaine des matériaux innovants. D’une façon générale, notre agence est un peu comme un « thermomètre » du marché qui identifie les carences au niveau des matières. Ce qui nous a amenés à créer Elasthome, une gamme d’élastomère biosourcé valorisant les ressources annuellement renouvelables”.
SM : 100% made in France, Elasthome est à 80% d’origine végétale, issu du résidu de la canne à sucre ou d’huiles végétales comme l’huile de palme durable. Nous colorons ensuite cette matière avec des déchets agro-alimentaires, à l’instar de ce que j’avais fait chez LGM avec les résidus de la coquille Saint-Jacques.
SM : Ces réglementations vont très clairement dans le bon sens à nos yeux. Nous sommes favorables à un encadrement plus strict car nous sommes las du greenwashing à outrance. Il est important que le consommateur puisse s’y retrouver ! Nous nous appuyons en effet sur la science pour réaliser des ACV (analyse du cycle de vie) chiffrées des matériaux que nous proposons à nos clients. Or, la loi française autorise une société qui développe des chaussures, intégrant seulement 2% d’algues, ou des semelles à 99% à base de composants pétrochimiques et 1% de lin, à affirmer qu’elles sont biosourcées ! Soit à utiliser les mêmes arguments que nous pour notre matière Elasthome, pour lesquelles nous recourons à 80% à des composants d’origine végétale et à 3% à des déchets agro-alimentaires ! Les règles actuelles sont aujourd’hui faussées et il faut donc les changer… Le gouvernement doit accompagner nos industries pour faciliter cette vertueuse transition écologique que nous portons !
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Rédaction Sophie Bouhier de l’Ecluse
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