Joqueviel & Cathala : la transmission de la mégisserie familiale à l’ordre du jour

Depuis quelques années la mégisserie graulhetoise Joqueviel & Cathala aspire à transmettre son entreprise. Retour sur cette quête de pérennité d’un savoir-faire, avec son Directeur Général, Serge Cathala qui, aux côtés de son frère Francis, dirigent la pépite tarnaise depuis une quarantaine d’années.

Quel bilan dressez-vous de vos recherches de transmission de la mégisserie ?

Trouver un repreneur n’est pas aisé. Nous comptons des clients à travers le monde, y compris en Chine. Des clients étrangers sont venus nous rendre visite, à Graulhet, pour découvrir notre structure, et des salariés chinois ont même manifesté leur intérêt pour sa reprise. Mais la plupart du temps, les étrangers sont réticents à investir en France (taxes, syndicats, normes…).

Les peaux tarnaises de Joqueviel & Cathala sont toutes réalisées en tannage végétal, à l’origine du savoir-faire de l’entreprise familiale, la basane issue du délainage réalisé, dans la région à Mazamet.

Pour quelle raison la première offre de reprise de l’entreprise n’a-t-elle pas abouti ?

La première proposition de reprise venait d’un collègue qui dirigeait une entreprise du cuir. Le dossier avait bien avancé jusqu’à la première élection du Président américain Donald Trump… qui a fait échouer la vente parce qu’il avait imposé des taxes assez importantes ! 30% supplémentaires sur les produits en provenance de Chine, cela revenait à une taxe totale de 36%… Soudain, le marché s’est effondré, personne ne voulant payer ces 30% supplémentaires. Nos exportations vers la Chine auraient drastiquement été frappées par cette taxe, car la Chine réalise une grande partie de la confection des vêtements destinés à la vente aux États-Unis et nous faisions partie de cette triangulaire commerciale entre la France, la Chine et les États-Unis. Aujourd’hui, même si le Président américain est revenu avec son lot de surprises douanières, nous sommes aussi maintenant très présents sur les marchés européens et asiatiques.

Votre métier si spécialisé, à Graulhet, s’inscrit dans un ancrage local très fort, cependant l’ouverture vers l’international est clé.

C’est la raison pour laquelle le repreneur potentiel doit être une personne ouverte sur le monde. Je suis aussi persuadé qu’un profil d’un professionnel doté d’expériences variées à l’étranger pourrait convenir. Dans notre métier, il est nécessaire de pouvoir communiquer aux quatre coins du globe et donc de parler certaines langues étrangères. Je recommande aux jeunes de réaliser des stages à l’international. Après un certain temps et de l’expérience, certains auront peut-être de l’appétence pour gérer tous les aspects d’une entreprise : technique, social et… l’administratif ! Car aujourd’hui, la transmission d’une entreprise peut s’avérer compliquée par son seul aspect administratif. Mais heureusement chez Joqueviel & Cathala, nous avons du personnel qualifié et professionnel sur tous ces aspects.

À la reprise de la société avec votre frère en 1985, vous aviez d’ailleurs entrepris d’orienter Joqueviel & Cathala sur le marché international…

Mon père est resté sur un mono-produit, la basane, très longtemps, jusqu’à l’arrivée de mon frère et moi dans l’entreprise, au début des années 1980. Notre père nous avait imposé l’obtention de notre Brevet de Technicien Supérieur à l’école de la tannerie à Lyon, puis nous avons continué d’apprendre sur le terrain. Nous sommes allés au-delà du travail du tannage, nous avons mis en place la teinture et la finition des peaux. Aujourd’hui, nos cuirs sont principalement destinés aux sacs et vêtements pour une clientèle étrangère, à hauteur de 85% à 90%. Nous avons la chance de travailler sur des produits de niche, dans le sens où ils sont issus de notre savoir-faire du tannage végétal et nous avons la capacité structurelle et l’habilité technique de nous adapter aux tendances des marchés de la mode d’aujourd’hui mais surtout de demain.

Le mégissier Joqueviel & Cathala a fait évoluer son savoir-faire : du tannage végétal à la teinture et à une variété de finitions, parmi lesquelles un cuir stretch à tannage végétal ou un cuir bubble actuellement tendance.

Quel profil de repreneur imaginez-vous à présent ?

Aujourd’hui, je privilégierai la piste d’un repreneur technicien du cuir, plutôt que celle d’un novice, peut-être moins à même de s’adapter au réel de la vie d’une mégisserie. Nous sommes des artisans, à notre manière, qui évoluons et innovons dans le respect de normes industrielles nationales et européennes. Le cuir, on l’a dans la peau. La matière, il faut la toucher. Il faut la vivre. Ce métier permet sans cesse de faire des découvertes. Nous créons à longueur de temps. C’est un beau métier. Nous ne travaillons pas à la chaîne. L’idée de « travailler comme d’habitude » n’existe pas dans notre mégisserie car chaque peau est différente. Il suffit que l’eau soit un peu plus acide ou que d’autres paramètres soit modifiés pour que votre article final soit différent, dans un cadre où les contrôles qualité s’imposent, bien évidemment.

Vous insistez d’ailleurs sur cette nécessité de partager un langage commun entre artisans mégissiers et la personne qui prendra la relève.

Je suis persuadé que des personnes pourront perpétuer cette manière de travailler le cuir. Peut-être une personne expérimentée, passée par d’autres d’entreprises du cuir, et qui souhaiterait, désormais, se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Cela pourrait représenter une belle opportunité professionnelle pour un salarié ayant actuellement un poste à responsabilité. Ce serait une configuration idéale.

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Rédaction Stéphanie Bui

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