Robert Mercier, l’artisan artiste

Maroquinier de formation, Robert Mercier a acquis un solide bagage chez Louis Vuitton, Hermès, Celine. Dès 2010, la haute couture lui offre un laboratoire d’expérimentation unique en son genre, grâce auquel ses créations en cuir moulé constituent de vraies pièces d’exception. Mais l’amoureux du cuir aime volontiers repousser ses limites. Après deux expositions remarquées, Robert Mercier prend un virage résolument artistique.

maroquinier Robert Mercier-objets art cuir marque Gienah
Le maroquinier Robert Mercier crée des objets d’art en cuir à travers sa marque Gienah - Photo © Sonia Sieff.

Il a beau dire que sa rencontre avec le cuir est le fruit du hasard, Robert Mercier est né à Issoudun, l’un des berceaux du cuir depuis la fin du XVIIIème siècle. La ville d’Indre défend aujourd’hui la réindustrialisation du territoire grâce à son pôle maroquinier. C’est précisément au lycée professionnel d’Alembert que l’adolescent se familiarise avec la matière en apprenant les fondements du métier de maroquinier. « Le cuir a une nature mémoire. C’est un matériau vivant, comme le bois, dit-il. Il y a d’ailleurs des points communs dans leur mise en œuvre. » L’idée de fabriquer des malles lui occupe rapidement l’esprit. Un stage lui ouvre les portes des ateliers Louis Vuitton à Asnières, où il sera engagé aux Commandes Spéciales. C’est là qu’il affine sa « créativité technique, indispensable pour trouver des solutions derrière chaque pièce ». Entre-temps, il a effectué son service militaire à la Garde Républicaine. L’atelier Sellerie Harnachement lui fait découvrir une autre facette du savoir-faire du cuir. Sa nature curieuse, sa soif d’apprendre, son penchant pour les gestes manuels le prédisposent à intégrer ensuite Hermès, où il passera quatre années. « J’ai appris à travailler une grande variété de peausseries, précise t-il. Je suis déjà pointilleux par nature. Chez Hermès, la rigueur est extrême. » Il manquait à son parcours la pratique du bureau d’études. C’est l’étape suivante qui mène le modéliste prototypiste au sein de la maison Celine. Il y met au point des collections de sacs et découvre les coulisses des défilés.

Au service du luxe

Chez lui, l’excellence de l’artisan d’art et la liberté de l’électron libre font la paire. « Je suis attaché au travail traditionnel, poursuit-il. Mais j’ai besoin de le bousculer. » Durant sa formation à Issoudun et dans les ateliers des manufactures de luxe, Robert Mercier n’a jamais cessé de créer, en parallèle, des pièces uniques, comme ces étuis précieux qu’il a conçus pour une guitare, un képi ou une coupe à champagne. Ce rapport intime à la matière se prolonge naturellement dans son atelier, en solitaire, où il s’exerce au cuir moulé. « J’ai collecté un stock de cuirs, explique-t-il, mais j’utilise de préférence du cuir français de vache à tannage végétal que je moule avec de l’eau sur mes propres matrices. » Sa technique va rapidement faire des merveilles sur la scène internationale de la haute couture. Un premier buste moulé pour Jean Paul Gaultier, le drapé sculptural développé chez Balmain, Schiaparelli, Loewe… La frénésie de la haute couture rythme la dernière décennie. S’enchaînent les robes à l’audace visuelle de Björk, Beyoncé ou Kim Kardashian qui font le tour de la planète. À l‘image de cette troublante robe Balmain, en cuir d’agneau nude, donnant l’illusion parfaite d’avoir été immergée dans l’eau. Le travail dans l’urgence stimule l’artisan. C’est sans compter sur les ressorts de la créativité et le désir de reconnaissance auquel aspire tout artisan.

De l’ombre à la lumière

En 2021, la Joyce Gallery accueille la première exposition de Robert Mercier sous les arcades du Palais Royal. « The Hitch Bag Collection » tire son inspiration de sa passion pour le cinéma, spécialement pour les films d’Alfred Hitchcock. Des accessoires atypiques, photogéniques, dévoilent un imaginaire singulier, puissamment évocateur. Un sac « œil » voisine avec une étonnante boîte à bijoux, exacte réplique de l’hôtel Bates du film Psychose. Le créateur, qui se voyait menuisier avant de découvrir le cuir et la mode, a sculpté lui-même le décor en bois avant de le gainer entièrement à la main. Cette transformation de la matière totalement maîtrisée est une constante à laquelle il veut désormais se consacrer. Son champ d’expression est étendu : sacs, accessoires, vêtement, mobilier. L’exposition « Objets sensuels », en janvier dernier, en a donné un aperçu supplémentaire. C’est à l’initiative de Métiers Rares avec The Craft Project que la fine fleur des métiers d’art français et 22 de leurs savoir-faire ont été présentés sur le chantier de rénovation de l’hôtel Meurice à Paris. « J’ai voulu montrer que la danse vitale menée par l’artisan avec sa matière engage chacun de ses sens dans une expérience totale », déclarait en préambule l’organisatrice Raphaëlle Le Baud. Aurélien Fouillet, auteur de « La vie des objets. Les Métiers d’art, une écosophie pratique », lui donne raison. « L’artisan d’art remet au premier plan la sensualité des choses dans une époque où elle a besoin de se réincarner. Il propose un modèle pour retrouver un lien charnel avec le monde qui nous entoure. En cela, l’artisanat symbolise l’avenir. » Les créations d’art de Robert Mercier reflètent une approche sensible, décalée, poétique, qui met les sens en éveil : maillot de bain Daphné en vachette et basane à effet bois, bustier Oops ! avec ses cornets de glace qui « célèbre la maladresse humaine » ou encore les crânes gainés, thème récurrent depuis des années… « L’artisanat va continuer à nourrir mon inspiration, dit l’artiste. Le travail autour du corps est central chez moi. Je veux aussi explorer la vanité, la mythologie grecque sans oublier des fonctionnalités possibles. Je fabrique moins des vêtements que des objets. »

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Rédaction Nadine Guérin 

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