« La reliure pour nous, industriels, c’est une ouverture au monde de la culture »
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Juliette Assemat féminise le métier de bottier en Haute-Savoie. Son enseigne Souliers d’aujourd’hui fait le bonheur de clients particulièrement demandeurs de confort.
En matière de chaussure, le sur-mesure n’est pas forcément synonyme de luxe et d’élitisme. Il peut aussi être motivé par la qualité, la durabilité et le confort. C’est l’approche choisie par Juliette Assemat pour développer son activité dans une région où, il est vrai, les conditions prêtent davantage au pragmatisme qu’à la coquetterie. Sensibilisée au métier de bottier par un stage découverte d’une semaine chez un artisan aveyronnais en 2013, celle-ci s’est orientée vers les Compagnons du Devoir sitôt son Baccalauréat ES en poche. « J’étais attirée par les métiers manuels et désirais être indépendante, déclare la jeune artisane. La chaussure m’intriguait plus que les sacs et le cuir m’a immédiatement fascinée. » Après un apprentissage chez un cordonnier à Montmartre, elle entame son Tour de France par une année dans un atelier d’orthopédie à Angers suivie de douze mois à Apt dans un autre spécialisé dans l’orthopédie féminine. Elle pousse cette orientation par une année en Bavière dans une entreprise spécialisée dans la semelle orthopédique. L’étape suivante à Genève, un cordonnier spécialiste de la réparation de chaussures de luxe lui apporte une sensibilité à l’esthétique de la chaussure qu’elle ne demandait qu’à développer. Lorsqu’elle termine son parcours en 2019, elle intègre le Centre de Santé du Pied à Grenoble où elle se forme à la conception en trois dimensions, en particulier de semelles pour personnes handicapées. Un cursus particulièrement formateur pour l’optimisation du confort.
Alors début 2022, elle décide de se lancer à son compte et quitte son emploi à Grenoble. Elle rachète le stock et l’outillage du cordonnier aveyronnais chez qui elle avait fait ses premiers pas. Et en septembre de la même année, elle ouvre son échoppe de bottier dans la petite ville de Sallanches en Haute-Savoie. « C’est une vallée dynamique, avec une fréquentation touristique française et étrangère, indique la jeune bottière. Au début les habitants de la région étaient un peu sceptiques mais j’ai réussi à acquérir une clientèle dotée d’un certain pouvoir d’achat et qui a des difficultés à se chausser confortablement dans le commerce. » Grâce au bouche-à-oreille, elle a réalisé plus de 120 paires depuis son installation, à 55% pour hommes et 45% pour femmes, de toutes catégories sociales. Et si la majorité sont des locaux habitant la vallée, quelques-uns viennent de Grenoble, Paris ou de la Suisse voisine. En entrée de gamme, Juliette Assemat propose de la demi-mesure pour environ 500 euros. Pour le sur-mesure, compter plus ou moins 2 000 euros, selon que le modèle est réalisé d’après une forme en stock (en une quinzaine d’heures) ou qu’il l’est d’après une forme sur-mesure, cousu machine ou cousu main (en 25 ou 50 heures). « J’ai constitué un catalogue des différents modèles que je peux proposer et quelques-uns sont exposés dans ma boutique. Mais j’ai aussi réalisé des modèles à la demande », explique notre interlocutrice. Sa production comporte des derbies, des brodequins et des bottines, fourrées pour l’hiver et, pour l’été, des sneakers en toile. « Je vais développer une ligne de sneakers en cuir », précise-t-elle.
Même si elle monte souvent les modèles sur des semelles Vibram, région montagneuse oblige, le cuir reste essentiel dans son travail. « Je travaille sur stock. Ce n’est pas facile de trouver des fournisseurs qui acceptent de vendre des peaux à l’unité ou en petites quantités. Pour les souliers pour hommes, j’utilise beaucoup de veau sourcé chez Arnal et pour les chaussures pour femmes, du veau de chez Mastrotto. J’achète les petites peaux en agneau, en chèvre pour les doublures, et en veau à tannage végétal chez Icart à Graulhet. Pour les doublures fourrées, je me fournis chez Rial. Et pour les semelles, les renforts et les trépointes, je me fournis chez Garat qui est spécialisé dans les cuirs durs », énonce la bottière qui confesse un penchant pour les peaux souples, au finissage naturel. Depuis l’été dernier, elle a rejoint la Chambre Syndicale Nationale des Bottiers (CSNB). « Cela me permet de rencontrer d’autres bottiers indépendants ou salariés dans de grandes maisons et d’évoquer l’avenir, d’anticiper certaines difficultés comme la fourniture des formes en bois pour lesquelles il ne reste plus que deux sociétés en France », expose cette professionnelle prévoyante. Si elle a jusqu’à maintenant décliné les propositions de sous-traitance, elle n’exclut pas, à l’avenir, d’y répondre favorablement, pour pallier un creux éventuel dans son activité. Mais d’ici cinq ans, elle se voit suffisamment bénéficiaire pour embaucher une personne afin de la seconder pour l’accueil des clients, la vente des produits d’entretien et le sourcing des accessoires. Des vœux qui devraient être exhaussés pour cette artisane consciencieuse qui ne compte pas ses heures.
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Rédaction François Gaillard
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