Le cuir français à l’épreuve des tensions douanières américaines
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L’intelligence artificielle (IA) bouleverse l’industrie du cuir, de la maroquinerie et du luxe. Capable de générer des motifs, de proposer des formes inédites ou de simuler des textures, l’IA s’impose comme un outil stratégique pour les industriels du cuir, accélérant la création et ouvrant de nouveaux horizons esthétiques. Mais cette révolution technologique soulève une question cruciale : à qui appartiennent les designs générés par l’IA ? Entre enjeux de propriété intellectuelle et différences de jurisprudence selon les régions du monde, décryptage d’un débat clé pour l’avenir du secteur.
L’intégration de l’IA dans le processus créatif transforme la manière dont les maisons de maroquinerie, et plus largement les industriels du cuir, abordent le design. Grâce à des IA génératives comme Dall-E ou Midjourney, il est désormais possible de créer en quelques secondes des motifs originaux, d’imaginer des collections entières ou de tester des concepts auprès de collaborateurs et clients avant même la production physique. Cette capacité à générer rapidement une multitude de propositions permet de mieux coller aux tendances, de réduire les coûts de développement et d’éviter la surproduction, enjeux majeurs pour un secteur soumis à une forte pression sur l’innovation, la rentabilité et la durabilité. Mais l’IA ne se contente pas d’accélérer la création : elle permet aussi d’explorer des univers visuels inédits, de mixer des inspirations venues du monde entier et de repousser les limites de la créativité humaine. Pour les marques, c’est l’opportunité de se différencier sur un marché mondialisé, tout en optimisant leur processus industriel et leur time-to-market.
La question de la titularité des droits sur les créations générées par l’IA est aujourd’hui au cœur des préoccupations des industriels du cuir. La jurisprudence évolue rapidement, et il n’y a pas de réponse homogène au niveau des différentes juridictions.
En France comme dans l’Union européenne, la protection par le droit d’auteur suppose que l’œuvre porte « l’empreinte de la personnalité de l’auteur », ce qui rend l’intervention humaine indispensable pour revendiquer un droit sur un design généré par l’IA : l’IA n’étant considérée que comme un simple outil, à l’instar d’un appareil photo, la protection n’est possible que si l’utilisateur a joué un rôle actif et déterminant – en définissant précisément les instructions (prompts) et en orientant le résultat final -, tandis que, si la part de l’humain est jugée trop faible[1] ou purement automatique, la protection peut être refusée. Cela peut par exemple être le cas des créations générées spontanément par l’IA. La caractérisation de l’originalité supposera dès lors une analyse au cas par cas des créations, en tenant compte, selon la méthode retenue, de la technologie d’IA employée, de l’ampleur de son intervention, ainsi que de la marge de manœuvre laissée à l’utilisateur.
Le rapport 2025 de l’EUIPO, « The Development of Generative Artificial Intelligence from a Copyright Perspective », éclaire ces enjeux en analysant comment les modèles d’IA exploitent des œuvres protégées lors de leur entraînement et en détaillant les mécanismes juridiques existants, notamment l’exception de text and data mining (TDM) prévue par la directive CDSM, qui permet aux ayants droit de s’opposer à l’utilisation de leurs œuvres (opt-out) via un dispositif machine‑readable.
Il insiste sur la nécessité de solutions techniques robustes pour rendre ces choix effectifs à grande échelle et sur l’importance de la transparence des outputs – renforcée par l’AI Act, qui impose la traçabilité, vérification et signalement des contenus générés par IA – tout en confirmant que la protection par le droit d’auteur reste conditionnée à l’apport créatif humain. Enfin, pour accompagner les titulaires de droits, les industriels et les développeurs d’IA dans ce nouvel environnement, l’EUIPO annonce la création d’un « Copyright Knowledge Center » d’ici fin 2025, doté d’outils pratiques et de ressources stratégiques pour sécuriser et gérer leurs actifs, notamment dans la filière cuir.
[1] À noter qu’il a néanmoins été considéré qu’une « œuvre de l’esprit même créée à partir d’un système informatique peut bénéficier des règles protégeant les droits d’auteur, à condition qu’elle laisse apparaître même de façon minime l’originalité qu’a voulu apporter son concepteur » (Cour d’appel de Bordeaux, le 31 janvier 2005, RG n° 03/05512).
La Chine a franchi une étape majeure en novembre 2023 : le Beijing Internet Court a reconnu pour la première fois la protection par le droit d’auteur d’une image générée par IA, estimant que le demandeur avait fourni un investissement intellectuel suffisant dans la création du prompt et le choix du décor[1]. Le tribunal a clairement distingué le rôle de l’utilisateur – assimilé à l’auteur – de celui du développeur de l’outil d’IA, qui n’a pas d’intention créative propre. Cette décision, pionnière au niveau mondial, pourrait inspirer d’autres juridictions et renforcer la sécurité juridique pour les industriels du cuir utilisant l’IA en Chine.
Aux États-Unis, la position reste plus restrictive. L’U.S. Copyright Office et les tribunaux fédéraux ont jusqu’ici refusé de reconnaître un droit d’auteur sur des œuvres générées par IA lorsque la contribution humaine est jugée mineure ou purement technique[2].
Cependant, la porte n’est pas totalement fermée : si l’auteur peut démontrer une implication significative dans le processus créatif, une protection pourrait être envisagée à l’avenir, notamment à la lumière des évolutions récentes[3].
Pour les industriels du cuir, ces incertitudes juridiques représentent à la fois un risque et une opportunité :
L’IA s’impose comme un partenaire créatif incontournable pour l’industrie du cuir, offrant un levier d’innovation et de différenciation sans précédent. Mais la question de la propriété des designs générés reste complexe, dépendant fortement du rôle joué par l’humain dans le processus et des évolutions de la jurisprudence internationale. Pour les industriels, il s’agit désormais de conjuguer créativité, maîtrise technologique et vigilance juridique afin de tirer pleinement parti du potentiel de l’IA tout en protégeant leur patrimoine immatériel.
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[1] Beijing Internet Court, 21 novembre 2023, Li v. Liu.
[2] L’U.S. Copyright Office retient en effet le critère du « rôle actif » de l’humain comme fondement pour déterminer l’applicabilité du droit d’auteur aux œuvres générées par l’intelligence artificielle (US Copyright Office, 21 février 2023, Zarya of the Dawn).
[3] L’Office américain a en effet reconnu qu’une œuvre composée uniquement d’éléments générés par l’IA pouvait être protégée seulement parce que l’auteur humain avait démontré son implication dans des opérations pourtant secondaires comme la sélection, l’agencement, l’inpainting, etc. (USCO, 30 janvier 2025, A Single Piece of American Cheese).
Rédaction Laurent Nowak, Associé, CPI Marques, Dessins & Modèles, Wendy Lam – Experte CPI Marques, Dessins & Modèles – Cabinet Plasseraud IP
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