Boucharenc met un pied dans la chaussure de sécurité sur-mesure

La fabrication d’une chaussure de sécurité sur-mesure nécessite de 10 à 30 heures selon la conformation du pied du destinataire, soit à peu près le même délai que pour les chaussures orthopédiques.

L’entreprise familiale jusqu’ici spécialisée dans les chaussures et semelles orthopédiques investit le créneau de la chaussure de sécurité sur-mesure. 

Rencontre décisive

Boucharenc entame d’un bon pied une nouvelle activité pionnière en France : la chaussure de sécurité sur-mesure. « Face à la demande sur ce type de besoin, nous avons décidé de nous lancer. Car nous avions déjà le savoir-faire et la connaissance du sur-mesure grâce à notre activité historique », explique Romain Paulhac, cogérant, avec sa mère Marie-Line, de l’entreprise fondée par son père dans les années 60.
Basée en Lozère, Boucharenc se concentrait jusqu’ici sur la fabrication de chaussures et semelles orthopédiques sur-mesure. Avec une croissance de 10% de son chiffre d’affaires depuis cinq ans, l’entreprise familiale aurait pu se contenter de rayonner localement.
C’était sans compter sur une rencontre décisive. « Nous avons réalisé des chaussures orthopédiques pour une personne qui nous a expliqué avoir été licenciée car elle ne supportait plus les chaussures de sécurité standards dans son entreprise. Cela a été l’élément déclencheur. Il y a deux ans, j’ai commencé à travailler sur ce projet qui prend forme aujourd’hui », poursuit-il.

Boucharenc produit ses chaussures de sécurité sur-mesure dans son atelier historique de Saint-Chély-d’Apcher, mais envisage un nouveau bâtiment selon le développement de l’activité.

Pionnière en France

Son entreprise avait certes une petite expérience des chaussures de sécurité sur-mesure. Mais en cas de demande, elle piochait dans le catalogue d’une entreprise hollandaise, la seule en Europe avec une concurrente allemande, à proposer ce type de produits, fabriqués au Portugal. « Je sélectionnais des modèles standards et je ne pouvais pas choisir les composants. Pour répondre aux besoins en France, je me suis dit que je serai plus à l’aise en gérant toute la chaîne de valeur. »
Pour se distinguer, Romain Paulhac a choisi l’option qualitative. Le prix de telles chaussures étant d’abord lié à la main-d’œuvre – « entre 10 et 30 heures de fabrication selon la conformation du pied du destinataire, à peu près le même délai que pour les chaussures orthopédiques » -, il estime « que le delta prix pour passer du moyen au haut de gamme n’est pas énorme » et juge plus pertinent de lancer des modèles haut de gamme.
Il choisit les meilleurs composants : en France, du cuir de la tannerie Arnal (Aveyron) pour les dessus et dessous de doublure et des lacets de la société Le Tresseur (Puy-de-Dôme) ; en Italie, ses moules pour les semelles extérieures chez Frasson et en Espagne, il source ses semelles anti-perforation.

Les chaussures de sécurité sur-mesure de Boucharenc seront non seulement souples et respirantes mais aussi réparables.

Des modèles réparables

Les modèles imaginés se démarquent à deux titres. « Ils seront très respirants et souples, fait aujourd’hui rare dans la chaussure de sécurité. Autre innovation, ils seront tous réparables. Nous pourrons remplacer un cuir abîmé sans perdre l’homologation de la chaussure », précise le cogérant, insistant sur la révolution engendrée. « Aujourd’hui, les entreprises achètent des chaussures de sécurité les moins chères possible et jetables au bout de six mois. Les nôtres seront bien plus durables. »
Les entreprises accepteront-elles d’investir ? Romain Paulhac n’en doute pas.  « Quand une entreprise emploie un chauffeur livreur de 55 ans qui connaît les adresses des clients par cœur, c’est une catastrophe de le licencier pour le remplacer par quelqu’un qu’il va falloir former pendant six mois. C’est, de loin, préférable de lui acheter une paire de chaussures de sécurité sur-mesure ! » Convaincu de la pertinence de son idée, qui plus est « a du sens et rend service », Romain Paulhac s’est lancé dans l’aventure. Le plus ardu a été la démarche d’homologation : la société doit en effet obtenir à la fois une certification ISO 13485 (pour les chaussures de sécurité) et une autre sur les dispositifs médicaux, dont se contentent les chaussures orthopédiques. « Nos chaussures sont en cours d’homologation par le Centre Technique du Cuir (CTC), chargé des différents essais. « Si ces certifications sont contraignantes, elles sont aussi gages de qualité, de traçabilité, de suivi et d’amélioration continue », observe-t-il.

Nouvellement recrutée par Boucharenc, l’équipe de huit personnes dédiées aux chaussures de sécurité va être formée par CTC.

La formation confiée à CTC

Autre obstacle à surmonter : recruter et former une équipe dédiée. Fin mars, Boucharenc commence à communiquer sur ses besoins de recrutement auprès de France Travail et sur les réseaux sociaux. Avec succès :  68 candidats se présentent. France Travail présélectionne alors, grâce à la méthode MRS (Méthode de Recrutement par Simulation), 22 personnes ayant notamment des compétences manuelles. Romain Paulhac va en retenir huit dans ce panel varié, de 23 à 60 ans, « un peu plus de femmes que d’hommes », alors qu’il aimerait, dans l’idéal, constituer une équipe paritaire. Celle-ci viendra étoffer les effectifs actuels, soit 35 salariés.
La formation in situ, du 2 juin au 1er août, est confiée, elle aussi, à CTC pendant les deux premiers mois. Quatre formateurs professionnels viendront de différents coins de France. « C’est une nouveauté chez nous. Jusqu’alors, pour les chaussures orthopédiques, notre formation se faisait en interne sous forme de tutorat et de binôme. Mais je voulais tenter une autre démarche car celle-ci ralentit notre croissance. Les tuteurs doivent en effet aussi réaliser leur propre production quotidienne », reconnaît Romain Paulhac.

Objectif France

Le dirigeant a par ailleurs apprécié le prêt par le même CTC des machines (à coudre, à parer, à poser les rivets, etc.) nécessaires pour la formation. Et l’entreprise vient de recevoir son propre matériel, en provenance majoritairement d’Italie. Sa nouvelle production se fera dans l’actuel atelier, basé à Saint-Chély-d’Apcher. En cas de succès, la construction d’un nouveau bâtiment, avec une ligne dédiée, est envisagée d’ici deux ans.
Avec les chaussures de sécurité sur-mesure, Boucharenc compte bien élargir à l’Hexagone son périmètre aujourd’hui localisé, pour les chaussures orthopédiques dans les 200 kilomètres aux environs de la Lozère. « En France, nous serons les pionniers sur cette niche, et j’espère bien les leaders », souligne le membre actif de la Fédération Française des Podo-Orthésistes (FFPO).
Ailleurs dans l’Hexagone, Boucharenc réalise déjà un peu de sous-traitance pour son activité historique (15% du chiffre d’affaires). Romain Paulhac compte davantage la « développer avec la chaussure de sécurité sur-mesure ».
La prochaine étape ? Présenter la nouvelle offre aux médecins du travail et aux “préventeurs”, chargés en entreprise de la sécurité et de la santé au travail, en commençant par les régions Occitanie et Auvergne Rhône-Alpes.
En 2024, Boucharenc a réalisé un chiffre d’affaires de 2,2 millions d’euros, en croissance de 10%. « Nous ne progressons pas autant en rentabilité car nous réinvestissons ce que nous gagnons. » Car chez Boucharenc, pas question d’avoir les deux pieds… dans la même chaussure.

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Rédaction Sophie Bouhier de l’Ecluse

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