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L’amour de la matière habite l’artiste autodidacte Jean-François Perena. Le cuir, chez lui, s’harmonise avec un grand nombre de matériaux bruts. Ses bijoux, primitifs et précieux à la fois, sont exposés à la galerie parisienne Meubles et Lumières jusqu’au 21 décembre.
Le Madrilène Jean-François Perena se dit « bricoleur d’émotions ». Formé à la sculpture et à la peinture, il découvre à Barcelone les architectures d’Antoni Gaudí, qui le fascinent. Spécialement, le parc Güell et ses mosaïques colorées, composées à partir de débris de céramique ou de verre. L’art de la « récup » et la géométrie abstraite sauront nourrir les futurs bijoux du créateur. Les premiers sont réalisés en cuir dès les années 70. Jean-François Perena a rapidement l’intuition qu’il est « la matière de tous les possibles. « Le cuir peut gainer, être sculpté. Il me permet d’explorer cette relation entre le corps et l‘objet parure, une vraie seconde peau », explique-t-il. La solidité du cuir lui apparaît aussi comme une évidence lorsqu’il examine les courroies de transmission d’un moteur ou d’un harnais de cheval en cuir de sellerie. Le croupon de vache, avec sa double nature brute et douce à la fois, s’impose. Taillé en deux couches, moulé et encollé, il joue un rôle central dans la construction de ses bijoux parures.
Les petits « objets de poche » en cuir des débuts ont évolué, au fil des décennies, en d’imposants volumes aux assemblages spectaculaires. Pour les réaliser, Jean-François Perena collecte depuis toujours toutes sortes de matériaux. L’atelier dans la Drôme où il s’est installé au cours des années 80 en regorge… Pas moins de 200 matières différentes, insolites, voire énigmatiques, qui donnent à son « labo » d’artisan des airs de cabinet de curiosités ! La peau de couleuvre voisine avec la dent de dauphin, la carapace de tatou avec l’acier, le bois de palissandre avec la corne de buffle, l’œil de tigre avec le plexiglas… Les cuirs de poissons (esturgeon, carpe, perche du Nil, thon…) lui permettent aussi de diversifier l’emploi de matières recyclées qu’il affectionne. « Je travaille les pièces animales, minérales, végétales, composites, explique l’artiste. Je ne fais aucune hiérarchie entre elles. Les seules que je n’utilise pas sont l’or, l’argent, le diamant, trop contraignants. » Son apologie du « matériau pauvre » l’inscrit, de fait, dans la lignée des paruriers qui, entre 1950 et 1980, ont accessoirisé la haute couture et influencé la joaillerie. C’est en artisan libre et prolifique que Jean-François Perena a choisi sa voie, celle du bijou sculptural, comme champ artistique à explorer.
En cinquante ans, il a constitué un répertoire ornemental très singulier. « J’aime parer le corps et apporter de la matière autour », précise t-il. Les collectionneurs de ses pièces uniques sont variés, internationaux. Jean-François Perena multiplie les expositions dans les musées et galeries à Genève, Vienne, Zürich, Luxembourg, Paris… La dernière en date, dans la capitale, à Saint-Germain-des-Prés, porte bien son nom, « Au-delà du Raisonnable ». Ses bracelets généreux, ses bagues surdimensionnées et surtout ses colliers plastrons – ses pièces phares – repoussent les limites des matières. Tour à tour polies, modelées, vernies, plaquées, gainées, elles combinent les textures entre elles, lisses, souples ou encore rugueuses. Certaines, même, entretiennent une illusion totale. À l’image du cuir façon bois ou pierre, qui ne se révèle que par le toucher. Ou la feuille d’or sous plexiglas, qui a l’éclat du métal précieux. Au final, la composition prend l’effet d’une marqueterie artistique, à l’harmonie visuelle, à la poésie insolite évidentes. Chaque parure dégage une beauté étrange qui séduit.
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Rédaction Nadine Guérin
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