Filière Française du Cuir : quels défis et enjeux majeurs ?

La Filière Française du Cuir dresse un bilan économique positif de l’année 2021. Ses exportations ont ainsi progressé de 24% par rapport à 2020, première année de pandémie, et +9% vs 2019. La majorité des secteurs bénéficie de cette croissance et retrouve des niveaux de performance d’avant crise : +44% pour les exportations de cuirs et peaux bruts (troisième exportateur mondial), +30% pour la maroquinerie, +17% pour la tannerie-mégisserie, +14% pour la chaussure… « Le rebond annoncé à la fin du dernier trimestre 2020 s’est poursuivi durant l’année 2021. La maroquinerie est plus que jamais la locomotive de notre filière, caractérisée par les remarquables performances des grands groupes de luxe, indique Frank Boehly, Président du Conseil National du Cuir (CNC). Ces bons résultats sont encourageants et permettent à la filière d’aborder les grands enjeux de demain avec dynamisme alors même que la période connaît encore des incertitudes liées à la crise sanitaire. » Sans toutefois occulter les défis qui attendent les professionnels du secteur.

RECRUTER ET FORMER

Si tradition et innovation font la paire au sein de la filière et contribuent à la performance et la compétitivité des entreprises de l’industrie du cuir sur la scène internationale, le recrutement et la formation constituent l’un des enjeux majeurs de l’avenir de la filière qui compte 12 800 entreprises et 133 000 salariés pour un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros, dont 13 milliards réalisés à l’export. « Et quoi de mieux que d’ouvrir les ateliers et les usines pour faire connaître les métiers du cuir et attirer les talents de demain ? », s’interroge Clémentine Colin Richard, nouvelle Présidente de la Fédération Française de la Chaussure (FFC). « Ce tourisme industriel permet de tisser des liens avec le public et de (re)créer des vocations dans l’univers de la chaussure. La haute technologie et la transition numérique contribuent également à l’attractivité de ces métiers. » Celle qui est également administratrice de la PME familiale Richard-Pontvert (marque Paraboot) basée dans l’Isère, a rappelé les enjeux du Made in France : en 2020, quatorze millions de paires ont été fabriquées sur notre territoire, impliquant près de 4 000 emplois. « La filière a mis en place plusieurs dispositifs d’aides financières pour soutenir les entreprises qui se lancent et celles qui tentent de se maintenir. » Parmi lesquels l’incubateur ADC (Au-Delà du Cuir) qui accompagne les nouveaux entrepreneurs sur le territoire français, Faire De Lance (FDL) en faveur d’une production hexagonale, le fonds d’investissement de la filière Cuir Invest ou encore le fonds de garantie et de prêt créé au sein de l’IFCIC (Institut pour le Financement du Cinéma et des Industries Culturelles) qui facilite l’accès au financement bancaire des jeunes créateurs de mode. La FFC, elle, a par ailleurs initié un service d’accompagnement aux solutions de financement à moyen et long terme, Financer la Chaussure. Clémentine Colin Richard a tenu néanmoins à attirer l’attention sur le Crédit d’Impôt Collection (CIC) qui « permet aux industriels de maintenir leurs savoir-faire dans l’Hexagone et de valoriser la création française. 80% des entrepreneurs du secteur l’utilisent et pour les trois quarts d’entre eux le plafond est atteint, ce qui ne permet pas de faire appel à de nouvelles aides pour moderniser leur outil industriel ou même relocaliser. D’où l’appel à sortir ce crédit d’impôt de la règle des minimis. »

INFORMER ET VALORISER

Edgard Schaffhauser, Président Exécutif de la Fédération Française de la Maroquinerie (FFM), a mis en lumière la diversité des profils recherchés, rappelant que les perspectives d’emploi sont nombreuses et les métiers du cuir accessibles à tous et à tout âge, regrettant la méconnaissance des métiers. En effet malgré le rayonnement de la maroquinerie française à l’international, 3 000 postes sont à pouvoir chaque année et les entreprises peinent à recruter. Dans le but de faire découvrir les métiers et les formations du secteur, pas toujours adaptées à la demande actuelle des entreprises, la FFM participe notamment, aux côtés des équipes du Conseil National du Cuir, au salon L’Aventure des Métiers à Paris et au Mondial des Métiers à Lyon. Le CNC et l’ensemble de la filière souhaitent ainsi développer, pour tous les jeunes s’engageant dans ces professions, une « Formation générale cuir » complétée par des spécialisations sur le terrain selon les besoins de l’activité. Cela passe notamment par le développement des Certificats de Qualification Professionnelle (CQP). « La formation représente effectivement un enjeu crucial », renchérit Christophe Dehard, Président de la Fédération Française des Cuirs et Peaux (FFCP). Premier maillon de la filière, cette industrie, qui valorise et recycle 160 000 tonnes de peaux par an en France, a vu l’an dernier une vingtaine d’hommes et de femmes d’une douzaine d’entreprises être formés au métier de classeur de peaux.

Tanneries cuir
Face à l’émergence de matériaux d’origine végétale et à la désinformation portant sur l’utilisation détournée de la dénomination cuir, la filière milite pour une appellation européenne - Photo © FFTM - Metropolitan Influence - V. Colin.

ACCOMPAGNER ET COMMUNIQUER

Particulièrement mobilisée sur la thématique RSE – économie des ressources, bientraitance animale, traçabilité, bien-être au travail… -, la filière encourage et accompagne les entreprises dans leur démarche sociétale et environnementale. Pour ce faire, elle a développé un certain nombre d’initiatives comme l’outil DiagRSE Cuir, qui évalue gratuitement l’engagement RSE de l’ensemble des acteurs.
Autre cheval de bataille, la défense et la revalorisation de la matière cuir. Face à l’émergence de matériaux d’origine végétale et à la désinformation portant sur l’utilisation abusive ou détournée de la dénomination cuir, Jérôme Verdier, Président de la Fédération Française de la Tannerie Mégisserie (FFTM), a tenu à rappeler que « le cuir est un sous-produit de l’industrie agro-alimentaire transformé par le tannage en une matière première durable. Malmenée ces dernières années, son appellation est encadrée en France par le décret n°2010-29 du 8 janvier 2010 ». La FFTM, avec le CNC et COTANCE (Confédération des Associations Nationales de Tanneurs et Mégissiers de la Communauté Européenne), militent pour une législation harmonisée à l’échelle européenne afin de lutter contre une concurrence déloyale et l’usurpation de cette terminologie pouvant créer une certaine confusion dans l’esprit des consommateurs (NDLR – à ce jour, seuls la France, l’Italie et le Portugal disposent d’un telle réglementation). Les résultats d’une étude menée par l’Observatoire Économique du Conseil National du Cuir auprès d’un échantillon représentatif de la population française sur la perception du cuir confirment les idées reçues. Ainsi 54% des 18-24 ans pensent que les animaux sont élevés pour le cuir et 31% déclarent qu’il ne s’agit pas d’une matière d’origine animale.

DIGITALISER POUR MIEUX COMMERCER

Premier employeur en France, le commerce est confronté à une triple problématique qui impacte fortement son activité ces dernières années : la baisse régulière des dépenses des ménages consacrées à l’équipement de la personne (en 30 ans, la part dans leur budget est passée de 10% à 3%), l’essor du e-commerce (qui représente aujourd’hui 20% contre 5% il y a 15 ans) et la hausse régulière des loyers (en 30 ans de 8% à 20% du chiffre d’affaires magasin). Si la filière réclame depuis des années une refonte de l’Indice des Loyers Commerciaux (ILC) qui ne cesse d’augmenter, elle attire également l’attention sur l’importance de la digitalisation pour les entreprises de distribution. « Face aux nouveaux modes de consommation, le secteur, en grande difficulté, a besoin de se moderniser mais ne dispose pas des ressources nécessaires », alerte Frank Boehly, Président de la Fédération des Enseignes de la Chaussure (FEC), regrettant que « le plan de relance n’ait prévu aucune mesure spécifique d’aide au financement. Il en va de la préservation du commerce de proximité et de la sauvegarde des emplois ».
Les défis sociaux et environnementaux auxquels la Filière Française du Cuir doit répondre feront l’objet de débats à l’occasion de la quatrième édition du Sustainable Leather Forum (SLF), rencontre annuelle consacrée aux bonnes pratiques des professionnels du secteur. Rendez-vous est pris le 12 septembre prochain au Palais Brongniart à Paris.

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Rédaction Laëtitia Blin

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