Une gestion des risques très encadrée
L’ensemble de la filière est soumis à la règlementation Reach sur les produits chimiques qui ne cesse d’évoluer et de se renforcer. Ainsi dorénavant les sociétés doivent prouver l’innocuité des substances qu’elles fabriquent ou importent du site de production jusqu’à l’utilisation par les consommateurs. Avec plus de 23 000 substances chimiques identifiées, produites ou importées supérieures à une tonne par an, l’Europe dispose de la plus grande base de données au monde via l’Agence Européenne des Produits Chimiques – ECHA -. L’industrie française du cuir ne cesse d’améliorer ses procédés pour limiter les émissions de substances polluantes dans l’eau et dans l’air. Pour les tanneries-mégisseries, le traitement des effluents représente un enjeu majeur. Cotance, la confédération européenne des associations nationales de tanneurs et mégissiers, indique dans son dernier rapport social et environnemental de l’industrie européenne du cuir (SER 2020) que, depuis 2012, la consommation énergétique des tanneries-mégisseries a été réduite d’environ 12% alors que la consommation d’eau a diminué de 10%.
Transparence et traçabilité
En 2018, 43 millions d’euros de peaux et de cuirs bruts de bovins, veaux et ovins ont été importés en France. « Il est donc fondamental d’assurer leur traçabilité à l’échelle internationale pour diminuer les risques liés à l’utilisation de substances chimiques interdites dans la production du cuir. » La France est à la pointe grâce au marquage au laser de chaque peau mis au point par CTC. Le comité professionnel de développement économique de la filière chaussure, maroquinerie, ganterie et mode cuir mène en effet d’importants travaux de recherche pour doter le secteur d’un système de traçabilité des cuirs opérationnel sur toute la supply chain. En 2020, près de 70% des peaux françaises ont été tracées, essentiellement celles de veaux et de jeunes bovins. Cette année c’est l’intégralité des peaux qui pourra bénéficier de ce système de traçabilité.
Éco-conception, circularité…
« Par essence, notre filière est une activité de recyclage puisque les peaux sont un déchet de l’industrie agro-alimentaire, rappelle Frank Boehly. C’est l’une des plus avancées en matière de développement durable et responsable : traçabilité, traitement des déchets, innocuité, ancrage territorial… Sans cette industrie, 7 millions de tonnes de peaux devraient être chaque année incinérées ou placées en décharge à travers le monde avec un impact environnemental, économique et énergétique considérable. » Selon une estimation de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 800 000 tonnes de déchets solides de cuir par an seraient produites par l’industrie. Un volume à l’origine de la multiplication d’initiatives et de recherches visant à les recycler et les valoriser. Les secteurs de la tannerie et de la fabrication de chaussures, maroquinerie et ganterie s’engagent à transformer ces déchets en de nouveaux matériaux. Certaines entreprises sont déjà particulièrement avancées dans cette démarche d’upcycling tel le Groupe Eram qui a inscrit l’économie circulaire dans sa « raison d’être ». Sa nouvelle marque de sneakers Sessile, fabriquée dans son usine française de Montjean-sur-Loire, est ainsi conçue à partir de composants recyclés ou recyclables. Les marchés de la seconde main ou de la location constituent également un axe de valorisation. Avec l’Atelier Bocage, la marque Bocage a imaginé un service de location de chaussures en ligne qui permet de réduire l’empreinte environnementale en allongeant la durée de vie des produits. Ce cercle vertueux va de pair avec l’envie de plus en plus prégnante de consommer mieux et autrement.
L’attractivité des métiers du cuir et des territoires
Riche de ces atouts, la Filière Française du Cuir souhaite communiquer sur ses savoir-faire et ses traditions. « La filière fait face au défi d’attirer les jeunes générations dans ses métiers, grâce notamment à la formation. » Elle peut s’appuyer sur un réseau de 165 écoles qui forment à 100 métiers du cuir, du CAP à Bac+5. Les groupes du luxe participent activement à la promotion de ces activités via des programmes éducatifs. C’est le cas de l’Institut des Métiers d’Excellence LVMH qui favorise l’employabilité des apprentis. La Chaire Sustainability, créée conjointement par l’IFM et le groupe Kering, œuvre, elle, à créer un pôle de recherche et d’enseignement de haut niveau dans le secteur de la mode en intégrant l’ensemble des aspects de la RSE. Grâce à son maillage territorial, la filière peut compter sur différentes initiatives créatives en région qui réunissent différents acteurs (entreprises, élus, partenaires…). La Nouvelle Aquitaine travaille ainsi sur le projet FECNA – Filière Excellence Cuir Nouvelle-Aquitaine – visant à améliorer la qualité des peaux et de la viande ainsi que la traçabilité. En Dordogne le réseau d’entreprises ResoCUIR a pour objectif de structurer la filière à travers la mise en réseau d’un écosystème local – un pôle cuir – porteur de projets collaboratifs innovants. « Je sais combien la filière du cuir rivalise déjà d’ingéniosité pour répondre aux défis des crises que traversent nos sociétés » avait souligné Olivia Grégoire, Secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, en clôture de SLF 2020…dont la prochaine édition se tiendra le 13 septembre à Paris Bercy. Rendez-vous est pris.
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