Où en est la Filière Française du Cuir en matière de RSE ?

En cette période pandémique, le Conseil National du Cuir (CNC) a étoffé sa feuille de route pour une filière plus durable. État des lieux et tour d’horizon des enjeux clés de cette démarche RSE.

Le premier bilan de la crise sanitaire

« Après une année 2020 chaotique, la Filière Française du Cuir s’est fortement mobilisée et a plutôt bien résisté, en particulier ses puissantes locomotives, les grandes maisons du luxe qui profitent du rebond asiatique », a rappelé Frank Boehly, son président (NDLR – selon le cabinet Bain & Company, les dépenses liées aux produits de luxe en Chine continentale ont progressé de 48% en 2020 pour atteindre près de 44 milliards d’euros). Néanmoins « nos entreprises sont plus que jamais fragilisées par la crise économique issue de la crise sanitaire. En moyenne l’ensemble du secteur a connu un recul de 18% l’an dernier. Les prévisions 2021, comparées à l’année 2019, tablent sur une baisse d’activité de -10 à -15%. Chaque secteur présente néanmoins des disparités. L’année 2020 a vu le chiffre d’affaires du secteur de la tannerie-mégisserie chuter de 22% et de -25% pour la fabrication de chaussures et la distribution d’articles en cuir. Fortement tournée vers l’export, la maroquinerie a mieux résisté avec une baisse de -15%. Cette année très particulière confirme que toutes les entreprises de notre filière sont à la fois unies et dépendantes les unes des autres ».

Les défis de la filière

Rassemblant 12 800 sociétés, de l’élevage à la distribution en passant par le tannage et la fabrication, l’organisation interprofessionnelle, qui regroupe 21 fédérations ou syndicats, entend réaffirmer ses engagements éthiques et responsables. Elle édite ainsi une nouvelle version de son Livre Blanc issu des travaux de synthèse du Sustainable Leather Forum (SLF) qui a réuni en septembre dernier à Paris près de 250 participants venus témoigner de leurs avancées en matière de RSE (bientraitance animale, réduction de l’empreinte carbone…). Fruit d’un travail collaboratif, ce document répertorie les bonnes pratiques et fait état des démarches innovantes tant des grands groupes que des PME et TPE engagées au-delà de la stricte application de la réglementation. « La filière s’est dotée d’un référentiel RSE commun qui permettra de mesurer nos résultats sur la base de cinq grands principes : la valorisation de l’humain au sein de l’entreprise ; le pilotage des impacts environnementaux à tous les stades de la production ; l’engagement d’exercer son devoir de vigilance sur l’ensemble de la chaîne de valeur ; la volonté́ d’agir pour la protection et l’information des consommateurs ; le respect et la bientraitance des animaux d’élevage. Cela nous permettra de mieux communiquer sur ses efforts d’innovation et ses savoir-faire auprès des consommateurs en quête de transparence et des différentes parties prenantes du débat social et environnemental. »

Frank Boehly Président Conseil National du Cuir
Frank Boehly, Président du Conseil National du Cuir (CNC), a dévoilé la nouvelle version du Livre Blanc de la Filière Française du Cuir pleinement engagée dans une démarche RSE - Photo © CNC-P&M.

Une gestion des risques très encadrée

L’ensemble de la filière est soumis à la règlementation Reach sur les produits chimiques qui ne cesse d’évoluer et de se renforcer. Ainsi dorénavant les sociétés doivent prouver l’innocuité des substances qu’elles fabriquent ou importent du site de production jusqu’à l’utilisation par les consommateurs. Avec plus de 23 000 substances chimiques identifiées, produites ou importées supérieures à une tonne par an, l’Europe dispose de la plus grande base de données au monde via l’Agence Européenne des Produits Chimiques – ECHA -. L’industrie française du cuir ne cesse d’améliorer ses procédés pour limiter les émissions de substances polluantes dans l’eau et dans l’air. Pour les tanneries-mégisseries, le traitement des effluents représente un enjeu majeur. Cotance, la confédération européenne des associations nationales de tanneurs et mégissiers, indique dans son dernier rapport social et environnemental de l’industrie européenne du cuir (SER 2020) que, depuis 2012, la consommation énergétique des tanneries-mégisseries a été réduite d’environ 12% alors que la consommation d’eau a diminué de 10%.

Transparence et traçabilité

En 2018, 43 millions d’euros de peaux et de cuirs bruts de bovins, veaux et ovins ont été importés en France. « Il est donc fondamental d’assurer leur traçabilité à l’échelle internationale pour diminuer les risques liés à l’utilisation de substances chimiques interdites dans la production du cuir. » La France est à la pointe grâce au marquage au laser de chaque peau mis au point par CTC. Le comité professionnel de développement économique de la filière chaussure, maroquinerie, ganterie et mode cuir mène en effet d’importants travaux de recherche pour doter le secteur d’un système de traçabilité des cuirs opérationnel sur toute la supply chain. En 2020, près de 70% des peaux françaises ont été tracées, essentiellement celles de veaux et de jeunes bovins. Cette année c’est l’intégralité des peaux qui pourra bénéficier de ce système de traçabilité.

Éco-conception, circularité…

« Par essence, notre filière est une activité de recyclage puisque les peaux sont un déchet de l’industrie agro-alimentaire, rappelle Frank Boehly.  C’est l’une des plus avancées en matière de développement durable et responsable : traçabilité, traitement des déchets, innocuité, ancrage territorial… Sans cette industrie, 7 millions de tonnes de peaux devraient être chaque année incinérées ou placées en décharge à travers le monde avec un impact environnemental, économique et énergétique considérable. » Selon une estimation de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), plus de 800 000 tonnes de déchets solides de cuir par an seraient produites par l’industrie. Un volume à l’origine de la multiplication d’initiatives et de recherches visant à les recycler et les valoriser. Les secteurs de la tannerie et de la fabrication de chaussures, maroquinerie et ganterie s’engagent à transformer ces déchets en de nouveaux matériaux. Certaines entreprises sont déjà particulièrement avancées dans cette démarche d’upcycling tel le Groupe Eram qui a inscrit l’économie circulaire dans sa « raison d’être ». Sa nouvelle marque de sneakers Sessile, fabriquée dans son usine française de Montjean-sur-Loire, est ainsi conçue à partir de composants recyclés ou recyclables. Les marchés de la seconde main ou de la location constituent également un axe de valorisation. Avec l’Atelier Bocage, la marque Bocage a imaginé un service de location de chaussures en ligne qui permet de réduire l’empreinte environnementale en allongeant la durée de vie des produits. Ce cercle vertueux va de pair avec l’envie de plus en plus prégnante de consommer mieux et autrement.

L’attractivité des métiers du cuir et des territoires

Riche de ces atouts, la Filière Française du Cuir souhaite communiquer sur ses savoir-faire et ses traditions. « La filière fait face au défi d’attirer les jeunes générations dans ses métiers, grâce notamment à la formation. » Elle peut s’appuyer sur un réseau de 165 écoles qui forment à 100 métiers du cuir, du CAP à Bac+5. Les groupes du luxe participent activement à la promotion de ces activités via des programmes éducatifs. C’est le cas de l’Institut des Métiers d’Excellence LVMH qui favorise l’employabilité des apprentis. La Chaire Sustainability, créée conjointement par l’IFM et le groupe Kering, œuvre, elle, à créer un pôle de recherche et d’enseignement de haut niveau dans le secteur de la mode en intégrant l’ensemble des aspects de la RSE. Grâce à son maillage territorial, la filière peut compter sur différentes initiatives créatives en région qui réunissent différents acteurs (entreprises, élus, partenaires…). La Nouvelle Aquitaine travaille ainsi sur le projet FECNA – Filière Excellence Cuir Nouvelle-Aquitaine – visant à améliorer la qualité des peaux et de la viande ainsi que la traçabilité. En Dordogne le réseau d’entreprises ResoCUIR a pour objectif de structurer la filière à travers la mise en réseau d’un écosystème local – un pôle cuir – porteur de projets collaboratifs innovants. « Je sais combien la filière du cuir rivalise déjà d’ingéniosité pour répondre aux défis des crises que traversent nos sociétés » avait souligné Olivia Grégoire, Secrétaire d’État chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, en clôture de SLF 2020…dont la prochaine édition se tiendra le 13 septembre à Paris Bercy. Rendez-vous est pris.

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Rédaction Laëtitia Blin

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