WorldSkills invite la maroquinerie à sa dernière édition

Du 14 au 16 septembre, WorldSkills tenait sa 47^èmeédition française à Lyon pour départager à nouveau les meilleurs jeunes artisans régionaux. Pour la première fois, la maroquinerie était de la partie. Une première expérience aussi prometteuse que réussie.
Depuis près de 70 ans, WorldSkills – anciennement les Olympiades des Métiers et rebaptisé en 2006 – promeut les métiers manuels au travers d’une compétition récompensant les meilleurs jeunes artisans. Véritable vitrine des savoir-faire, la manifestation bisannuelle réunit en France plus de 800 candidats de 69 disciplines pendant trois jours autour d’épreuves dont l’issue récompense les trois meilleurs participants dans chaque catégorie. Ouvert au public et entièrement gratuit, l’événement vise également à présenter les métiers en lice aux jeunes en quête d’informations pour leur orientation. « Sur les 60 000 visiteurs de la dernière édition, 40 000 étaient des scolaires, note le Directeur de la Communication de WorldSkills France, Arnaud Delaunay. Plus qu’un salon d’orientation, WorldSkills est un salon de démonstration où des jeunes montrent leurs métiers à d’autres jeunes. » Des entreprises tiennent des stands et de nombreuses animations ludiques permettent aux visiteurs de découvrir les métiers dans la bonne humeur.

La condition pour participer à l’événement est d’avoir moins de 23 ans (26 ans pour certains métiers) et d’avoir remporté la première place aux sélections régionales préalables à la compétition nationale, organisées par les quinze conseils régionaux de l’Hexagone et d’Outremer en lien avec le bureau de WorldSkills France. Regroupés en équipes, les champions régionaux des différentes spécialités sont accueillis la veille de l’ouverture officielle lors d’une soirée d’inauguration, où ils prennent connaissance des sujets des épreuves. Accompagnés chacun d’un coach qui les suivra et les conseillera durant toute la compétition, ils se lancent, dès le lendemain, dans un marathon de deux jours et demi jusqu’au début d’après-midi du dernier jour. « Les sujets et les outils sont ceux du monde professionnel, précise M. Delaunay. Des entreprises partenaires prêtent du matériel et des machines. » Après l’arrêt des épreuves, les jurys – composés de formateurs et de professionnels – délibèrent jusqu’au début de la soirée et la cérémonie de clôture durant laquelle seront décernées les médailles d’Or, d’Argent et de Bronze, et le prix d’Excellence pour toutes les disciplines.

Une première pour la maroquinerie

Lancée en Espagne dans les années 1950 d’abord autour des métiers de la construction, la manifestation s’est étendue à d’autres pays, dont la France, dans les années 1990. Elle possède même des compétitions européenne et mondiale dans les disciplines pouvant aligner respectivement sept et quatorze pays compétiteurs. Elle s’est aussi élargie à de multiples métiers dans les domaines de la communication et du numérique, de l’industrie, de la mobilité, des services et du bien-être, des saveurs, de la propreté, de l’hôtellerie restauration, du végétal et des arts (mode, bijouterie joaillerie, création). Mais jusqu’à cette année, la maroquinerie ne figurait pas au catalogue des métiers en lice. « À une période où la maroquinerie recrute massivement et alors que les effectifs de la profession sont passés de 13 000 salariés en 2010 à plus de 37 000 en 2022, il est essentiel de faire connaître le métier de maroquinier, déclare Edgard Schaffhauser, le Président Exécutif de la Fédération Française de la Maroquinerie (FFM). Pour cela, la participation aux WorldSkills est un excellent moyen ».
Et qui mieux que CTC (Centre Technique du Cuir), dont la vocation pédagogique et la mission de service et d’assistance technique sont l’essence même de son existence, pour mettre en place et orchestrer cette première participation ? D’autant que CTC est basé à Lyon où avait lieu l’événement ! « Nous nous sommes associés à la FFM pour lancer ce projet en tandem », explique le Directeur Métiers et Développement Durable de l’organisme lyonnais, Thierry Poncet. Mais il revenait au CTC de le préparer concrètement en amont. Celui-ci a donc d’abord fourni un sujet commun à toutes les régions. Puis il a élaboré un second sujet pour la compétition nationale regroupant toutes les compétences requises pour un maroquinier, rédigé un livret technique de fabrication et établi un barème de notation. L’épreuve consistait à fabriquer un sac à main en 18 heures, dont 4 heures pour effectuer trois étapes préliminaires de saisie de la forme des pièces en CAO (conception assistée par ordinateur), de placement des différents morceaux sur la peau en optimisant la surface, en exploitant au mieux les propriétés du cuir et en évitant autant que possible les défauts et de parage des morceaux. Les 14 heures suivantes étaient consacrées au montage, au piquage et aux finitions du sac, teinture des tranches comprise. « Sur place, nous avons installé un atelier de maroquinerie et étions présents pendant les épreuves pour encadrer les concurrents avec leurs coachs et veiller au respect des règles », précise M. Poncet. Certaines machines ont été prêtées par des entreprises et les peaux provenaient de la tannerie Alran (chèvre) pour l’intérieur du sac et de la Tannerie d’Annonay (veau) pour l’extérieur.

Mine de talents

Sur les 8 jeunes maroquiniers issus des sélections régionales, prenant part au concours, quatre ont été primés et ont reçu leur récompense des mains de Thomas Tchen, membre du conseil fédéral de la FFM et fondateur de la marque Lancaster. Sorte de quatrième place, au pied du podium, le prix d’Excellence a été décerné à Raphaëlle Pineau de la région Pays de la Loire. Après un Bac général, celle-ci s’est orientée vers un CAP Maroquinerie puis s’est engagée chez les Compagnons du Devoir, où elle a passé son Bac Pro Maroquinerie. Actuellement en deuxième année de BTS Maroquinerie au lycée professionnel de Cholet en alternance chez la société Audouin & Fils, elle souhaite poursuivre en licence « pour finaliser mon apprentissage et pousser mes compétences afin d’intégrer le bureau d’études d’une grande maison ». Enchantée de sa participation à la compétition où elle a pu tester ses limites, cette passionnée ne compte toutefois pas en rester là et envisage déjà de s’inscrire à la prochaine édition dans deux ans. « Après cette expérience, je fais encore plus attention aux détails », reconnaît-t-elle. La médaille de Bronze a été attribuée à Pauline Laurent de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Directement après sa troisième, cette mordue de maroquinerie est rentrée chez les Compagnons du Devoir où elle a d’abord passé son CAP puis son Bac Pro pendant son tour de France. Formatrice chez les Compagnons du Devoir à Lyon, les WorldSkills représentaient pour elle « un challenge personnel et aussi l’occasion de montrer le métier à des jeunes. Ce fut une expérience incroyable, très intense pour laquelle je me suis beaucoup entrainée et qui est un sérieux plus sur le curriculum vitae », confie-t-elle, encore sous le coup de l’émotion. Si son année au Canada en 2024 la fera progresser en anglais, elle lui permettra également, en travaillant pour une société de réparation de sacs, de lutter contre le gaspillage. Avant de s’y consacrer pleinement à son retour en France.

Seulement un point derrière la championne, Camille Hernandez peut être fière de sa deuxième place. En tournée elle aussi avec les Compagnons du Devoir, cette bachelière littéraire, passée par le lycée professionnel Porte d’Aquitaine à Thiviers en Dordogne en maroquinerie, a découvert les WorldSkills lors d’une présentation à la Maison des Compagnons fin 2022. « Après ma médaille d’Or aux pré-sélections de la région Bourgogne-Franche-Comté en mars, je me suis entraînée sans relâche jusqu’en septembre avec ma coach au sein de la société SIS où j’étais alors en stage, indique la concurrente. L’épreuve était assez complexe et le temps très limité. Cela m’a montré que je pouvais gérer la pression. La solidarité avec mes collègues régionaux des autres disciplines m’a psychologiquement beaucoup aidée. » La médaillée d’Argent poursuit son tour de France au Mans depuis la rentrée et aimerait finir sa mission chez les Compagnons en tant que formatrice avant de rejoindre l’atelier d’une grande entreprise. La médaille d’Or est revenue à Tiphaine Chéronpourtant venue à la maroquinerie après quelques détours. « J’ai passé un Baccalauréat général ES et commencé des études en Humanités à la faculté. Mais au bout de trois mois, je me suis rendu compte que je n’étais pas faite pour un tel cursus. Je me suis donc tournée vers l’artisanat en effectuant quelques stages et c’est là que j’ai découvert la maroquinerie » raconte la lauréate. Et c’est très logiquement qu’elle postule alors chez les Compagnons du Devoir où elle passe son CAP Maroquinier. Son tour de France passera par Cergy au service après-vente de Louis Vuitton, par Feurs chez SOFAMA, par Vendôme à nouveau chez Vuitton – après un détour d’une année à Berlin chez un petit maroquinier – puis par Segré-en-Anjou chez Sophan où elle exerce son talent cette année. « Je me suis inscrite aux sélections régionales d’Ile-de-France pour me lancer un défi, explique cette compétitrice dans l’âme. Aux épreuves nationales, cela s’est joué à des détails et à la gestion du temps pour laquelle mon coach m’a bien aidée… Cela m’a donné confiance pour la suite de ma carrière que j’aimerais faire d’abord dans une entreprise du luxe, par goût de la précision et de la perfection. Même si j’ai reçu une proposition d’embauche après ma récompense aux WorldSkills. » Un satisfecit partagé avec la FFM et le CTC qui se disent de concert « prêts à renouveler l’opération ». Rendez-vous en 2025.
D’ici là, la compétition mondiale des WorldSkills se tiendra également à Lyon du 10 au 15 septembre 2024.

*Les entreprises Alran S.A.S., Béraud, Les Compagnons du Devoir Auvergne-Rhône-Alpes, Gimatex Industries PVT. LTD., T&G et Tannerie d’Annonay, sponsors de l’évènement, ont activement participé à l’organisation de l’événement.

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Rédaction François Gaillard