Raynaud Jeune invente le ciré breton en cuir

Le ciré breton imaginé par La boîte Bienfaite utilise le cuir Stormy de Raynaud Jeune, tanné végétalement et doté d’une « finition pigmentée sans solvant et déperlante.

Spécialiste des peaux d’agneaux néo-zélandaises tannées végétalement, la mégisserie Raynaud Jeune a présenté sur le salon Première Vision Leather un ciré en cuir déperlant, imaginé avec le concours d’une agence d’éco-conception. De quoi étendre le périmètre de ce leader des peaux destinées aux semelles de confort alors que ce marché se contracte.

Ciré aux couleurs de l’Ukraine

Un manifeste de la résistance ukrainienne ? Pas toujours facile de se distinguer sur un salon comme Première Vision. Mission accomplie pour Raynaud Jeune en février dernier. Au milieu des échantillons d’agneau, spécialité de la mégisserie depuis sa création en 1928, les visiteurs étaient intrigués par la présence d’un ciré en cuir…bleu et jaune. Mais si « l’association des deux couleurs évoquait le drapeau de la nation en guerre, elle était fortuite », explique Olivier Raynaud, dirigeant et représentant de la troisième génération aux manettes de l’entreprise basée près de Mazamet (Tarn).
Si l’enjeu est heureusement moins dramatique, le combat de Raynaud Jeune reste honorable. En exposant ce nouveau produit, la mégisserie voulait montrer le potentiel de ses matières premières « assez atypiques ». Toutes tannées végétalement, d’où « une moindre tenue à la lumière », ses peaux d’agneau venues de Nouvelle-Zélande sont plutôt positionnées moyen de gamme.
L’activité principale (environ 90% du chiffre d’affaires) de Raynaud Jeune consiste aujourd’hui à fournir les fabricants de semelles premières de confort en cuir, créneau où il est leader.  Or, celle-ci est en net repli depuis…la guerre en Ukraine, recul du pouvoir d’achat et de la consommation obligent. « Nous n’avons perdu aucun client mais tous ont diminué leurs commandes de 30 à 50% », déplore le PDG.

Diversification

Alors il a réactivé la diversification et montée en gamme amorcées il y a cinq ans mais ralenties par le Covid. La mégisserie a ainsi mis au point, avec des fabricants français, des prototypes de produits finis, par exemple des sacs en cuir crispé. En les présentant dans les salons professionnels où elle expose, Première Vision Paris, Lineapelle Milan, New York ou Londres, Raynaud Jeune entend susciter l’intérêt de nouveaux prospects. La société ne réalise encore que 10% de son chiffre d’affaires avec des cuirs ciblant ces articles (petite maroquinerie, chaussures, vêtements…) mais elle vise les 20% pour cette activité à valeur ajoutée générant plus de marge.
Son nouveau ciré pourrait être l’étendard de sa stratégie. Il est le fruit d’une collaboration fructueuse avec La boîte Bienfaite. Cette agence d’éco-conception nantaise, co-fondée par Simon Mandin et Anaïs Mellet, s’est intéressée à la mégisserie vertueuse sur le plan écologique et au caractère artisanal de ses peaux. Outre l’accompagnement des entreprises « dans le développement de matières et composants naturels, recyclés ou biosourcés », sa vocation est en effet « de mettre en lumière des matières et savoir-faire à travers la création de pièces uniques ». Pour sa première collaboration avec Raynaud Jeune, l’agence a choisi son cuir Stormy pour revisiter le fameux ciré breton. Son tannage végétal et sa finition pigmentée sans solvant et déperlante se prêtant à l’exercice. « Chaque peau est différente et réagit donc différemment dans le bain de tannage et de teinture, ce qui fait leur caractère unique. Chaque produit ainsi fabriqué sera une pièce exclusive pour ses clients », explique le duo de La boîte Bienfaite.

Design épuré

Côté design de la veste, l’agence l’a imaginé « épuré avec de nombreuses découpes permettant ainsi l’exploitation dans leur globalité des peaux de petite dimension ». La confection a été confiée à Atalya Couture basé à Fougères. Même s’il ne permettra quand même pas « de pêcher au chalut », admet Olivier Raynaud, ce ciré sera suffisamment protecteur en cas de pluie. « L’objectif de ce type de collaboration est de promouvoir les entreprises françaises ou européennes qui respectent les conditions de travail des employés, et notre cahier des charges sur le plan environnemental : valorisation de ressources, recyclabilité du produit en fin de vie… », soulignent les associés de La boîte Bienfaite.
D’une façon générale, l’agence s’est sentie en phase avec la démarche de Raynaud Jeune. D’abord car « elle ne se fournit qu’auprès de fournisseurs garantissant le respect de bonnes procédures de l’élevage à l’abattage des animaux jusqu’à la transformation de la peau (délainage, picklage) ». Ultra-performante en termes d’épuration des eaux (réalisée à 100%), la mégisserie s’est aussi montrée pionnière en supprimant toute énergie fossile il y a deux ans. En s’équipant d’une chaudière biomasse (bois) pour chauffer et sécher locaux et peaux, elle a éliminé 95% de son empreinte carbone. L’investissement lui a coûté 1,2 million d’euros mais depuis l’envolée du prix de l’énergie, son choix s’avère heureux. Aujourd’hui, Olivier Raynaud réfléchit à installer des panneaux photovoltaïques. Car il s’inquiète d’une « hausse de 50% de sa facture d’électricité en 2023, montant peut-être multiplié par deux à quatre en 2024 ». Mais il demeure des freins à surmonter :  refus de l’assurance que les panneaux soient installés sur le toit du bâtiment principal, poids d’un tel investissement sur la trésorerie….
En attendant, Raynaud Jeune continue sa croisade RSE. En juin 2021, elle a obtenu la certification Leather Working Group (LWG), phare du développement durable dans l’industrie du cuir. L’entreprise œuvre à « l’amélioration continue du management et la hausse de la fréquence des contrôles (air et eaux) », un processus « contraignant et coûteux » mais nécessaire. Olivier Raynaud évoque « un pré-requis pour travailler avec des sociétés haut de gamme ».

Inscrivez-vous à la Newsleather pour recevoir nos articles à votre rythme et selon vos préférences de thématiques.

Rédaction Sophie Bouhier de l’Ecluse

j'AIME
TWEETER
PIN IT
LINKEDIN

Consultez
les derniers articles
de la rubrique

Quitter la version mobile
Fermer