Vers la création d’une usine de valorisation des fibres de cuir en France

Les chutes et déchets industriels de cuir ont fait l’objet de valorisation à travers le concours national de design baptisé « Mon beau déchet » lancé en 2021 - Photo © Leonard de Serres.

D’un concours national destiné à upcycler les chutes industrielles de cuir à la construction d’une usine spécialisée dans le traitement de ces déchets permettant la mise au point de nouveaux matériaux et produits, le projet de Valesens s’inscrit pleinement dans une démarche RSE. Découverte du projet mixte de manufacture solidaire et site industriel de valorisation des chutes de cuirs en circuit court initié par l’association.

Objectif zéro déchet

Créée en 2005, Valesens accompagne, par le design et les technologies du sensoriel, de nouvelles formes d’économie et de produit en région Centre-Val de Loire. Sa stratégie territoriale, à horizon 2025, repose sur quatre piliers qui allient l’économie solidaire et l’économie circulaire à l’économie créative et sensorielle. Forte de sa démarche d’innovation, l’association a imaginé un projet de traitement et de valorisation de chutes et déchets industriels de cuir matérialisé à travers un concours national de design baptisé « Mon beau déchet » lancé en 2021. « Matière noble, le cuir fait appel à la perception, la sensation et la mémoire émotionnelle, en phase avec notre approche d’écologie sensorielle du design. Les tonnes de déchets de cuirs, à utiliser tels quels, peuvent servir de gisements d’expérimentation et de transformation, par le design, en objets du quotidien ou d’exception », explique Régine Charvet Pello, Directrice Générale de RCP Design Global. L’architecte d’intérieur et designer, basée à Tours, est à l’origine de la notion de design sensoriel en France (comprenez une perception différenciante dans la conception de produits industriels).
L’objectif du concours consiste à préserver les ressources naturelles par l’éco-conception, la valorisation et le surcyclage des déchets, en l’occurrence des chutes industrielles du cuir sourcées localement. Charge aux créateurs, designers, artisans, étudiants, artistes de concevoir de manière innovante et durable. « Ce concours contribue à créer un nouveau marché d’objets, produits et matières à haute valeur humaine et durable, en travaillant sur les objets surcyclés du quotidien. Les créations des 18 lauréats pourront être produites en petites séries dès cette année par une manufacture de territoire, structure d’économie solidaire qui fait intervenir des personnes éloignées de l’emploi. » Dans une approche territoriale et sociale, cette manufacture répondra, au fil du temps, à des appels à projets et des commandes créatives. 

Une nouvelle filière de matériaux upgradés

Dans une démarche d’économie circulaire, et pour aller plus loin dans le traitement de 100% du déchet, la manufacture a vocation à être complétée d’un volet industriel destiné à valoriser les fibres de cuirs (dit synderme, matériau recyclé composé de broyats de cuirs et de liants naturels). L’objectif : « innover et créer pour donner une autre valeur au synderme afin d’en faire un matériau plus noble, utilisable comme produit de seconde vie sur d’autres marchés que celui de la mode. La réutilisation de la chute industrielle offre un large champ de création qui peut s’exprimer dans les secteurs de la maison, du bureau, du packaging, des transports publics, de l’automobile… », souligne Régine Charvet Pello. Dans cette optique Valesens réédite son concours « Mon beau déchet 2022 » avec pour thématique « Fibres de cuir, nouveaux usages ». Dix échantillons de fibres de cuir d’épaisseur, de coloration et de constitutions différentes (souple à rigide), sans finition de surface, ont été mis à disposition des participants designers-créateurs afin de laisser libre cours à leur imagination. Les réalisations des lauréats seront dévoilées en septembre à l’occasion de France Design Week. « Le concours axé sur cette matière permet d’évaluer les caractéristiques techniques du synderme, les débouchés et les potentiels de familles de produits. »

La fibre de cuir, ou synderme, matière de prédilection du concours « Mon beau déchet », édition 2022 - Photo © Whoisreno.

Ouverture de l’usine en 2026 ? 

Cette initiative conduit à mettre sur pied une nouvelle filière qui recyclerait les chutes et déchets de fabrication pour mettre au point de nouveaux matériaux et concevoir de nouveaux produits. Ce projet d’envergure a suscité l’intérêt de l’industriel allemand Nabore, déjà exploitant d’une usine de cuir reconstitué en Allemagne. Les deux partenaires collaborent à un projet d’implantation dans l’Hexagone d’une unité de fabrication, en complément de la manufacture solidaire, dite fabrique d’estime, qui vient répondre aux besoins de la filière cuir dans le traitement de ses chutes vers une production de matériaux et objets vertueux. « Ce projet de traitement des chutes de cuir, de la manufacture à l’usine de synderme, vise à initier un partenariat pérenne avec les professionnels français du cuir pour imaginer une valorisation innovante de leurs chutes de matières. Ce nouveau modèle d’une économie de l’estime (l’estime des hommes, des déchets comme ressources précieuses, et du territoire pour ses habitants) participe à la réindustrialisation en France. » Le projet suscite l’intérêt de bon nombre de professionnels et d’investisseurs. « Nous avons mis en place une approche participative avec la création d’un groupe de travail réunissant Valesens, les collectivités locales, la Direction Générale des Entreprises (DGE), le Conseil National du Cuir (CNC), CTC (Comité Professionnel de Développement Économique Cuir, Chaussure, Maroquinerie, Ganterie), qui apporte son expertise technique, un industriel et des créateurs », détaille Régine Charvet Pello.
Une étude de faisabilité de ce projet économique, environnemental et solidaire et un appel à projet sont actuellement menés, soutenus par la région Centre-Val de Loire. Le coût de construction de l’unité de production est estimé entre 15 et 17 millions d’euros pour une capacité de traitement de 3 600 tonnes de chutes de cuirs par an avec un effectif de 40 salariés. À l’instar du cœur du projet, cette usine nouvelle génération s’inscrira également dans une approche de réduction d’impact environnemental – économie d’énergie (minimiser la consommation d’eau et d’électricité), utilisation d’énergies renouvelables… – « afin qu’elle soit aussi vertueuse que la production qui en sortira ». Le dossier avance à un rythme soutenu. Les acteurs projettent une sortie de terre du site à horizon 2026. 

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Rédaction Laëtitia Blin

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