La bientraitance animale entre réglementations et recommandations

Jean-Luc Angot, Président du Comité National d'Éthique des Abattoirs, détaille les travaux et axes de réflexion de ce groupe de concertation en matière de bientraitance animale, enjeu majeur pour la filière cuir.

Le Sustainable Leather Forum, symposium consacré à l’engagement de la filière cuir en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), tiendra sa troisième édition à Paris le 13 septembre. Partenaire de l’événement organisé par le Conseil National du Cuir, Leather Fashion Design (LFD) donne la parole en avant-première à des experts qui interviendront lors de table-rondes. Jean-Luc Angot, Président du Comité National d’Éthique des Abattoirs, aborde la thématique de la bientraitance animale et ses enjeux pour le secteur du cuir.

Quel est le rôle du Comité National d’Éthique des Abattoirs ? Et que revêt le terme « éthique » dans le monde de l’élevage et des abattoirs ?

Le Comité National d’Éthique des Abattoirs (CNEAb) a été créé en 2017 suite à la Commission d’enquête parlementaire présidée par le député Olivier Falorni relative à la protection animale et aux conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. Dépendant du Conseil National de l’Alimentation (CNA), cet espace de dialogue réunit une cinquantaine de parties prenantes concernées par la bientraitance animale en abattoir (associations de protection animale, vétérinaires, experts scientifiques et techniques, représentants de la société civile, des cultes et des pouvoirs publics, membres du CNA) dans un esprit de co-construction. Force est de constater qu’en matière de protection animale, sujet particulièrement sensible, la règlementation française, et européenne, est l’une des plus avancées au monde mais se pose la question de sa bonne application. Les axes de réflexion et les travaux de notre groupe de concertation sont de plusieurs ordres. Dans l’avis n°82 adopté à l’unanimité par le CNA en janvier 2019, figurent nos recommandations concernant notamment le renforcement des bonnes pratiques en faveur de la protection animale en abattoir et l’amélioration de l’efficacité des contrôles officiels. La rénovation des équipements, la recherche ou encore la communication pour faire connaître et valoriser les métiers de ce secteur en font également partie. La bientraitance animale est étroitement liée au bien-être des salariés, d’où la recommandation du CNEAb d’améliorer la formation et les conditions de travail des personnels et agents de contrôle en tenant compte également des intervenants extérieurs dans le cadre de l’abattage rituel. Cette approche globale revêt aussi bien une éthique déontologique que d’action.

En quoi la bientraitance animale constitue-t-elle un enjeu majeur pour la filière cuir ? Est-ce une spécificité française ou européenne ?  

Il est important de rappeler que la réglementation européenne est particulièrement stricte sur les procédures d’abattage. Elle s’appuie sur les cinq droits fondamentaux des animaux définis par l’Organisation Mondiale de la Santé Animale : l’absence de douleur, de lésions et de maladie ; le confort physique et thermique ; l’absence de faim, de soif et de malnutrition : la possibilité d’exprimer des comportements normaux propres à chaque espèce et l’absence de stress. Deux enjeux majeurs pour la filière cuir découlent de cette bientraitance : un enjeu de qualité car un animal bien traité et en bonne santé donnera une viande et une peau de meilleure qualité ; et un enjeu sociétal puisque cette notion est de plus en plus prise en compte par les citoyens…en lien avec l’évolution de la société en France et en Europe. Il apparaît nécessaire de mieux former aux bonnes pratiques d’abattage et de poursuivre la réflexion sur les conditions d’abattage sans étourdissement. Le CNEAb recommande d’assurer une communication claire sur les abattoirs, peu ou pas connus du grand public, et le bien-être des animaux d’élevage. Les cas problématiques de maltraitance animale, qui restent rares dans l’hexagone, relayés par les médias peuvent déstabiliser une filière entière. C’est pourquoi les contrôles officiels doivent être améliorés afin de favoriser la prise de conscience des professionnels (éleveurs – abatteurs). L’amélioration de leur efficacité passe notamment par l’harmonisation des grilles d’inspection et d’évaluation de la bientraitance animale en abattoir tant sur la base réglementaire que des bonnes pratiques. À ce jour Interbev, l’Association Nationale Interprofessionnelle du Bétail et des Viandes, et Inaporc, l’Interprofession Nationale porcine française, ont finalisé cette démarche. C’est une bonne avancée. Si la réglementation est identique au sein de l’Union européenne, sa mise en œuvre, la sensibilité des citoyens et la pression de contrôle diffèrent selon les pays. Ainsi les autorités allemandes ont interdit les transports d’animaux longue distance pour abattage. En France, le nombre d’abattoirs publics et privés a baissé ces cinquante dernières années. Nous suivons donc de près, outre leur recensement et leur maillage sur le territoire, le développement des abattoirs mobiles qui favorisent la proximité avec les lieux d’élevages.

Comment la question animale, et notamment les mouvements vegan, influent-ils sur l’opinion publique et in fine sur les consommateurs ?

Il convient de souligner que la population dite vegan reste peu nombreuse mais elle bénéficie de relais médiatiques importants. Il faut en tenir compte. Les consommateurs restent libres de leurs choix à condition de recevoir une information impartiale d’où l’intérêt du travail d’information et ce, dès le plus jeune âge. L’actuel projet européen en matière d’étiquetage s’inscrit dans cette volonté. Il est important de s’accorder sur une vision harmonisée afin d’éviter la multiplication des référentiels d’étiquetage confus pour les consommateurs. Si les actions ne sont pas coordonnées, les initiatives privées vont se développer. C’est déjà le cas avec l’étiquette Bien-être animal pour les poulets, créée par des associations de protection animale et adoptée par des distributeurs tels Casino, Carrefour ou les magasins U. Parvenir, comme pour l’agriculture biologique, à établir un label bien-être animal serait une grande réalisation. Et cela pourrait favoriser les productions françaises et européennes face aux importations de viande de pays n’appliquant pas, ou ne respectant pas, les règles européennes, notamment concernant le bien-être animal. Cela s’inscrit dans une approche vertueuse qui répond aux préoccupations sociétales et à la recherche de transparence renforcée par la crise sanitaire.

* Jean-Luc Angot est également Inspecteur général de santé publique vétérinaire, Chef du corps des inspecteurs de santé publique vétérinaire, Président de la section « Prospective, société, international » du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux.

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Rédaction Laëtitia Blin

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