Ode à l’agilité du commerçant
La reconversion de cette boutique rue du Bourg Tibourg, dans le quartier du Marais, témoigne de « l’agilité nécessaire du commerçant », encourage celle qui a géré, avec succès, le développement du retail en Europe des produits cosmétiques Lush. Aujourd’hui, elle jongle avec les missions : gestion de L’Appartement Français, une entreprise rentable, et coaching de dirigeants. « J’ai la chance de ne pas être bloquée entre mes murs, de regarder ce qui se passe ailleurs, de faire autre chose. » Avec sérénité, Émilie Auvray tire le bilan ayant mené à la reconversion de cette boutique, préalablement axée sur l’univers de la maison, inaugurée l’été 2024 : « On avait tellement envie de générer une accessibilité totale du made in France, avec de petits achats du quotidien comme les verres Duralex à 2,50 euros, mais il faut en vendre une telle quantité pour atteindre la rentabilité qu’on s’est vite dit au bout de quelques mois : attention, il faut changer maintenant parce qu’on est en train de prendre des risques, on creuse notre trésorerie. » Cette quête d’accessibilité absolue s’était avérée une fausse bonne idée, finalement.
Dans un contexte où ces rares commerces multimarques spécialisés – moins d’une quarantaine sur tout le territoire – sont clés pour les marques du made in France confrontées à une vague de fermetures de ces distributeurs, la commerçante engagée tient bon. « Notre philosophie, c’est d’être agile et sans cesse changer notre paradigme pour s’adapter face à la transformation de la consommation. Que nous demandent nos clients, que portent les jeunes aujourd’hui ? Ils portent notamment des baskets faites ailleurs et du vintage que nous proposons déjà dans notre autre boutique dédiée au dressing. Pour nous, l’important c’est de se connecter au nouveau consommateur. J’ai 25 ans d’expérience du retail et quand ça va mal, je le vois assez vite arriver. Je tente deux ou trois changements, si ça ne marche pas, ce n’est pas grave, on change immédiatement. C’est un défi de tous les jours pour le commerçant », assure-t-elle, face à cette autre évolution notable de la consommation : la hausse de sa clientèle touristique. La proportion de sa clientèle locale (de 60% à 70%) et touristique française et étrangère (30%) s’est inversée. Et d’esquisser une explication : « Comme dans le luxe, finalement, ce sont les étrangers qui consomment. Les touristes pour nous constituent une clientèle volatile. Nous avons tout de même un cœur de clientèle locale très fidèle mais qui peine à grossir. Peut-être est-ce lié à la transformation du cœur de Paris ? »
Force de l’intelligence collective
Émilie Auvray n’en finit pas d’encenser ceux qui lui ont permis d’entreprendre cette aventure du retail inscrit dans un puissant écosystème associatif. Relancée en 2024 à son initiative, La Rue du Made in France a réussi à intéresser une mairie parisienne à l’idée de fédérer, dans un autre arrondissement que le sien, les boutiques proposant une offre de fabrication française à hauteur de 70%. « En communiquant, nous souhaitons faciliter le repérage de ces boutiques made in France par le consommateur en balade dans un quartier. L’objectif, c’est d’aller proposer à d’autres mairies la création d’une rue du made in France. Pas forcément une rue constituée uniquement de commerçants made in France, ça peut être un quartier, une ville ou tout autre format, pour faire ressortir ces commerces du paysage urbain. » Et de conclure, déterminée : « c’est une autre initiative parce qu’il faut un autre mode d’action au-delà de la boutique. Aucun d’entre nous n’a les moyens, avec nos marges, de lancer des campagnes marketing. Cependant, il y a de la place pour l’entraide avec le Collectif des Boutiques du Made in France. »
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