La Rue du Made in France, vitrine du savoir-faire français à Paris
Inaugurée cet été rue du Bourg-Tibourg dans le IVe arrondissement de la capitale, La Rue du Made in France regroupe des boutiques spécialisées dans la ...
Encourager et accompagner la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises de la filière mode… Sensibiliser le grand public à la deuxième vie des produits… Prôner une consommation responsable et une mode durable… Autant de thématiques qui monopolisent les conversations, révélatrices de la mutation engagée dans notre secteur. Qu’il s’agisse d’organiser les circuits courts de production, le recyclage, la seconde main ou encore la location, tour d’horizon de quelques initiatives innovantes.
Régulièrement pointée du doigt pour son bilan environnemental, l’industrie textile est le troisième secteur le plus consommateur d’eau dans le monde après la culture du blé et du riz selon le rapport « La mode sans dessus-dessous » de l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie). Chaque année, plus de 100 milliards de vêtements et accessoires sont vendus à travers le monde. Une consommation qui a doublé en 15 ans, dans le sillage du phénomène de fast fashion. En Europe, seuls 20% des vêtements sont recyclés (2/3 sont réutilisés et 1/3 sont transformés en chiffons ou en isolants), le reste étant jeté ou incinéré. Si rien ne change, le secteur de la mode utilisera un quart du budget carbone mondial d’ici 2050, alerte le Programme des Nations Unies pour l’Environnement.
À l’occasion de son 10e anniversaire, Eco TLC, l’éco-organisme de la filière Textile d’habillement, Linge de maison et Chaussures (TLC), rebaptisé Re_fashion, élargit ses champs d’actions afin d’accélérer l’engagement vers 100% de valorisation des TLC usagés. Sa nouvelle campagne nationale de sensibilisation à la deuxième vie de ces articles, du 2 au 10 octobre, invite professionnels de la mode et consommateurs à adopter les bons gestes. « L’objectif de #RRR Réparons, Réutilisons, Recyclons consiste à renforcer la démarche vertueuse afin de tendre vers une filière 100% circulaire. L’économie circulaire est l’affaire de tous, du concepteur produit en passant par le collecteur jusqu’au consommateur », explique Sandra Baldini, Directrice Marketing et Communication de Re_fashion. Plus de 70 marques adhérentes de l’éco-organisme et acteurs de la réutilisation et de la réparation ont répondu présents, parmi lesquelles Tilli, Vestiaire Collective, 1083, Galeries Lafayette, Bocage, Besson Chaussures, H&M, Eram, Decathlon, Minelli, la Gentle Factory… « L’économie circulaire ne se limite pas à la gestion des déchets, au recyclage et à l’upcycling mais doit être pensée en amont lors de la conception des produits », renchérit Anne Benady, Responsable Environnement et Économie circulaire au sein du Groupe AFNOR. L’association française de normalisation a édité un document de management en vue d’accompagner notamment les entreprises de la filière mode et luxe dans leurs projets. Une formalisation qui fait écho à la mise en œuvre du Pacte Textile en 2019, destiné à défendre une filière française responsable et exemplaire au travers de dix orientations stratégiques avec pour priorités la circularité, la durabilité et la transparence. Un engagement conforté cette année par l’adoption de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
« La responsabilité sociétale et le développement durable sont plus que jamais au coeur des aspirations de l’ensemble des consommateurs. L’économie circulaire s’impose comme un concept déterminant dans les industries consommant une quantité importante de matières premières. C’est particulièrement vrai dans le secteur de la chaussure et de la maroquinerie qui utilisent notamment le cuir dont les propriétés de durabilité, d’entretien et de réparation sont essentielles. Mais comment mettre en oeuvre l’économie circulaire de la conception des produits à leur commercialisation ? » questionnait Frank Boehly. Président du Conseil National du Cuir, à l’occasion du Sustainable Leather Forum dédié aux bonnes pratiques de la filière cuir en matière de RSE le 14 septembre dernier à Paris. Particulièrement sensibilisé et impliqué à travers son projet d’entreprise baptisé Change for Good, le Groupe Eram a fait part, durant cette journée d’échanges, de ses innovations. « Notre engagement repose sur la réduction de notre empreinte carbone de 30% à l’horizon 2030, l’accélération de l’éco-conception, l’utilisation de davantage de matériaux durables ou encore l’évolution de nos bassins de sourcing », indique Jean-Olivier Michaux, Directeur Industriel du Groupe Eram et Directeur Général Délégué de La Manufacture 49.
Fort de l’expertise de son outil industriel basé dans le Maine-et-Loire, le groupe français a mis sur pied le programme Sessile. « Cette collection de sneakers éco-conçues, démontables, réparables et recyclables, intégralement réalisées dans notre usine de Montjean-sur-Loire, a été conçue pour connaître une deuxième utilisation. Aujourd’hui il est difficile de recycler une chaussure composée de plus de 30 matériaux différents. Notre procédé de conception et de fabrication permet un démantèlement de l’intégralité des composants de la chaussure Sessile en vue de leur recyclage. En effet une fois démontée, la semelle redevient une semelle et la tige est broyée pour devenir un élément de la semelle. Relais de croissance pour le groupe, ce projet valorise le savoir-faire hexagonal, notre empreinte sociale en France et répond aux défis techniques de la fin de vie des chaussures, un enjeu majeur. » Dans ce but, le groupe a intégré la Chaire Bali (Biarritz Active Lifestyle Industry), créée en 2017 par l’école d’ingénieurs ESTIA pour plancher sur les enjeux environnementaux et industriels du secteur de la mode. Ses différents acteurs mènent une réflexion pour une mode 4.0 responsable. Autre acteur français engagé sur ce segment, TBS, la marque du Groupe Eram, a mis au point Re-Source, une sneaker recyclable fabriquée à partir de la collecte de chaussures usagées dans ses boutiques. Une fois triés, les modèles sont démantelés et leur caoutchouc récupéré. Envoyée à un partenaire au Portugal, la matière première y est broyée puis revalorisée pour donner vie à une nouvelle basket.
Après avoir lancé l’an dernier Enco[re], son programme de collecte et de recyclage de chaussures usagées, M. Moustache fait un grand pas en avant avec la mise au point de sa semelle [Re]colte® fabriquée à partir de chaussures recyclées collectées dans ses boutiques – peu importe la marque – et par son partenaire au Portugal. Une fois triées, les paires sont réparties en deux catégories afin de respecter la norme Reach : les chaussures fabriquées en Europe sont utilisées pour la conception de [Re]colte®, et celles provenant du reste du monde servent à produire de l’isolant et des terrains de jeu. Les modèles européens sont alors broyés et réduits à l’état de poudre chauffée avant d’être pressée pour obtenir une plaque, matière première de la future semelle. Cette plaque est alors mélangée à 50% de caoutchouc recyclé issu des chutes de production, et à 30% de caoutchouc naturel. En septembre, 58% de sa collection de baskets a ainsi été produite avec cette nouvelle semelle, « ce qui nous a conduit à réduire de 70% nos besoins en matières premières. Pour notre prochaine collection, nous espérons aller encore plus loin. En 2021, nos baskets seront conçues à partir de doublures issues de matériaux recyclés. Et en 2022, nous utiliserons notre semelle [Re]colte® et des semelles en cuir recyclé dans notre collection de chaussures de ville », annonce Antoine Vigneron, l’un des trois co-fondateurs de la marque née il y a 8 ans « avec l’envie de bousculer le marché en réinventant les classiques. 95% des chaussures finissent à la poubelle faute de recyclage rendu difficile en raison de la présence de dizaine de matériaux différents. Nous sommes aujourd’hui en mesure de recycler une chaussure dans son ensemble afin de la réintégrer dans notre processus de production. Pour aller plus loin, nous réfléchissons actuellement à de nouveaux moyens de collecte qui nous permettraient de ne plus nous limiter à nos seuls magasins ».
« Le produit le plus responsable est celui qui sera le plus durable », clame Thierry Oriez, Président de J.M. Weston. La marque française de souliers propose depuis quelques mois Weston Vintage, une ligne de modèles remis à neuf dans son atelier de restauration à Limoges avant d’être revendus en seconde main dans ses boutiques à Paris et au Japon. Sur la toile, le succès grandissant de la seconde main s’inscrit dans cette tendance de fond. Clara Chappaz, Chief of Growth Officer chez Vestiaire Collective, plateforme de mode d’occasion forte d’une communauté de 10 millions de membres, a vu évoluer le profil de ses clients. « À nos débuts en 2009 les personnes étaient très engagées et plutôt expertes. Aujourd’hui les profils sont plus variés, entre les clients souhaitant consommer différemment, les acheteurs attirés par le prix – l’occasion c’est moins cher – ou encore les experts à la recherche d’une pièce particulière, notamment des sneakers en édition limitée (NDLR – le site compte plus de 2 millions de pièces en ligne). » Le Groupe Eram, qui compte 11 marques de mode, a franchi un premier pas dans cette économie de l’occasion avec la location de chaussures femmes proposée par l’Atelier Bocage pour une durée de deux mois contre un abonnement mensuel. Les chaussures sont remises en état au sein de son site de La Manufacture 49 près d’Angers avant d’être proposées à la vente en seconde main dans des corners dédiés. À ce jour 1 500 abonnées profitent de ce programme avec l’objectif d’en atteindre 2 000 à la fin de l’année. Faguo propose, pour sa part, une offre de seconde main composée de modèles de ses anciennes collections, rapportés par ses clients dans ses boutiques. Une fois reconditionnés, ils sont commercialisés au sein d’un corner dédié. Si le produit n’est pas suffisamment en bon état, ses matières sont alors revalorisées. Des bornes de recyclage textiles, chaussures, sacs et accessoires sont également disposées dans l’ensemble des magasins de la marque et dans ses bureaux, collectées par son partenaire I:CO, spécialiste du recyclage textile.
Si bon nombre de marques de mode françaises sont engagées dans une démarche durable, Re_fashion a mis en place, pour les accompagner, Eco design, une plateforme digitale qui soutient les équipes produit dans l’éco-conception de leurs textiles et chaussures. Quel que soit le niveau de maturité de l’entreprise, cet outil en ligne vise à répondre à la problématique de réduction des déchets. Ou comment mieux concevoir, designer et sourcer pour développer la durabilité des articles mis sur le marché. « Éco-concevoir, c’est prendre en compte l’ensemble du cycle de vie d’un produit – production, utilisation, fin de vie, recyclage…- afin qu’il soit plus et mieux recyclable, en minimisant ses impacts environnementaux », rappelle Maud Hardy, Directrice Économie circulaire. Depuis sa création, Faguo a fait d’une production responsable son crédo. Si la marque a communiqué dès ses premiers pas sur son choix de planter un arbre pour chaque pièce confectionnée afin de compenser ses émissions de CO2 (près de 2 millions d’arbres ont déjà été plantés en France), aujourd’hui 70% de ses collections sont conçues à partir de matières recyclées – polyester, coton, cuir ou caoutchouc naturel -, pour la plupart certifiées : le cuir est issu de tanneries certifiées GOLD par le Leather Working Group, le polyester et le coton sont labellisés Global Recyled Standard…
Reconnue Origine France Garantie pour sa maroquinerie, petite maroquinerie et son modèle de sneaker fabriqués en France, Jules & Jenn a intégré l’upcycling à ses collections, ce qui « permet d’utiliser les matériaux tels quels, et ainsi d’économiser l’eau et l’électricité tout en réduisant les gaz à effet de serre et les émissions de CO2 engendrés par une étape de fabrication supplémentaire. Il ne s’agit pas de réutiliser des déchets mais bien d’éviter d’en créer », expliquent Jennifer et Julien Maumont, le duo fondateur qui milite en faveur « d’une consommation modérée et plus raisonnable ». Fidèle à son positionnement éthique, la marque développe une ligne de petite maroquinerie upcyclée à partir des chutes de cuirs issus de la fabrication de ses sacs. Une basket mixte est par ailleurs entièrement conçue à partir de matières premières recyclées : toile en PET recyclée – chaque paire de baskets recyclées utilise l’équivalent de 9 bouteilles d’1,5 litre de PET – et semelle en chutes de pneu. Et pour faciliter le recyclage en fin de vie de ses chaussures, l’usage de pièces métalliques a été réduit : les lacets passent par des oeillets cousus plutôt que par des rivets. Dans la même optique, la marque de prêt-à-porter Balzac Paris, dont 92% des collections sont fabriquées avec des matières éco-responsables et issues du recyclage de ses stocks de tissus, lance une ligne de petite maroquinerie conçue à partir de 80% de cuir broyé et réutilisé. Le mini sac Martie, le porte-carte Cyrille, le porte-monnaie Ziggy et la ceinture Aimie seront disponibles à partir du 25 octobre sur le e-shop de la griffe. « Quand un matériau nous intéresse, nous adaptons nos créations », reconnaît Marie-Emmanuelle, responsable de collection. Balzac Paris, dont le fil conducteur repose sur « une mode T.P.R, pour Toujours Plus Responsable », est partenaire de la fondation Ellen Mac Arthur, signataire du projet The Jeans Redesign garantissant des jeans durables et facilement recyclables. « La fondation nous accompagne vers des « best practices » pour toujours plus de circularité. »
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Rédaction Laëtitia Blin
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