Dandysme, Fauteuil Confortable, Jean-Michel Frank, 1930
Il est des pièces qui savent allier élégance et évidence, dans un « esprit less is more » avant l’heure. Jean-Michel Frank(1895-1941) distille cet esprit résolument contemporain et design. En 2009, ce qui n’est pas encore le Musée Yves Saint Laurent, mais la Fondation Pierre Bergé – Yves Saint Laurent, organise la première rétrospective en France, du travail de l’ensemblier : « Jean-Michel Frank, un décorateur dans le Paris des années 30 ». Très vite, Jean-Michel Frank devient cette figure incontournable dans ce Paris des arts et de l’esprit, de l’entre-deux guerres. Il côtoie Marie-Laure de Noailles, muse et amie des artistes, décore les appartements de nombreuses personnalités qui font et défont de leurs jugements les modes et les styles, et c’est presque une période d’ascétisme décoratif qui prédomine alors chez les commanditaires de Jean-Michel Frank. Ses contemporains Paul Rodocanachi et Emilio Terry travaillent eux aussi dans ce même esprit de l’époque. L’ensemblier collabore avec des signatures du monde de l’art tout aussi incontournables : Salvador Dalí (ensemble ils réalisent le fameux canapé bouche comme échappé d’une des œuvres les plus connues du peintre surréaliste), Alberto Giacometti ou encore Christian Bérard.
Lignes pures, équilibre, savoir-faire des artisans d’art, on évoque souvent cette idée de « luxe pauvre » pour qualifier le style du décorateur, mais aussi une approche de la matière parfois des plus avant-gardiste : là un paravent en marqueterie de paille, fragilité du plâtre pour ces vases réalisés avec Giacometti, manteau de cheminée en gypse, table basse en marqueterie de mica, ou encore bloc de quartz à l’état brut transformé en lampe de table… Le cuir ne fait pas exception à ce traitement. Jean-Michel Frank s’empare de ce matériau et réalisera plusieurs de ces pièces emblématiques avec cette matière : tables basses, armoires, coiffeuses ou fauteuils aux accoudoirs gainés de galuchat… Et aussi ce fauteuil « Confortable », emblématique de cette philosophie et volonté de dépouillement, épure sensible, lignes affirmées. On le repère de loin avec ce design sans fioritures, comme essentialisé, puis l’on remarque ses pieds tronçoniques en chêne massif, ses détails de piqué-sellier, mais surtout ses proportions massives, généreuses – d’où son nom – une pièce qui interroge aussi fonction et esthétisme. Réalisée avec la collaboration des ateliers Hermès, c’est un fauteuil pensé tant comme élément de décor que pour un usage au quotidien. C’est en 1924 que Jean-Michel Frank rencontre Jean-René Guerrand, gendre d’Émile Hermès. Ensemble ils concevront plusieurs pièces de mobilier, développeront et perfectionneront les techniques de gainages cuir. La collaboration de Jean-Michel Frank avec le sellier se poursuivra durant l’ensemble de la carrière du décorateur pour la mise au point de mobilier en cuir. Ce fauteuil s’accompagne aussi d’une version canapé que l’on aperçoit plus rarement.
Aujourd’hui la maison Hermès, qui possède toujours dans ses collections le modèle original de 1930, propose, comme de nombreux autres meubles du décorateur, la réédition, à l’identique et sur commande, du fauteuil « Confortable », dans des variantes de couleurs impeccables d’élégance et d’intemporalité de cuir de veau lisse, et aussi une version en peau lainée sans doute des plus… confortable !