L’essor des cuirs peints européens
Déjà au XVe siècle, alors qu’une partie des Pays-Bas passe sous domination espagnole, la Flandre tend à se spécialiser dans la fabrication de cuirs dorés et peints, faisant une ombre grandissante aux productions hispaniques. Cependant, au-delà des importantes manufactures qui fleurissent dans la région, c’est surtout l’innovation qui va révolutionner cet artisanat et faire le succès des cuirs flamands et hollandais.
Ainsi, en 1628, Jacob Dircxz de Swart met au point une technique d’impression au repoussé permettant des reliefs plus accentués et des décors plus raffinés. Cette méthode, rapidement adoptée dans toute la Flandre, inaugure la production de cuirs d’une qualité exceptionnelle, dont la créativité artistique est alors inégalée. Les décors se font multicolores, se diversifient et se complexifient : motifs baroques, guirlandes fleuries et végétales, personnages. C’est la naissance de ce qu’on appellera plus tard les « cuirs peints de la Renaissance », plus sophistiqués encore que leurs cousins andalous, que l’on continuera néanmoins à nommer « cuirs de Cordoue » par tradition.
Les Pays-Bas n’ont cependant pas le monopole. Dès la fin du XVIe siècle, les artisans du cuir français s’organisent en corporation, tout comme en Allemagne ou à Venise ; et au début du XVIIIe, la France prend la tête de la production avec des décors « à la française » plus légers, raffinés et symétriques. Par ailleurs, jusque-là limités à la taille des peaux, les artisans ont innové dès le XVIIe siècle avec un nouveau procédé de collage qui permet de créer des œuvres de grandes dimensions en assemblant différentes lés, renouvelant l’usage et le succès des panneaux de cuir décoratifs.
Le cuir de Cordoue : oubli et renaissance
À l’aube du XIXe siècle, le goût et la mode pour le cuir de Cordoue sont dépassés, voire ringardisés, au point de négliger la conservation des pièces existantes – peu nous sont ainsi parvenues du Moyen-Âge ou de la Renaissance. Les techniques de travail des cuirs dorés et peints tombent alors dans l’oubli.
Il faut attendre le milieu du XIXe, et la vogue de l’éclectisme et de l’historicisme, ce goût pour le mélange des styles et des arts décoratifs des siècles passés, pour que ressurgisse le cuir de Cordoue dans les riches maisons bourgeoises et aristocratiques. Il ne s’agit cependant pas, ici, de reproduire des tableaux en cuirs peints, mais plutôt de remplacer la toile murale, ou plus tard le papier peint, par des lés de cuirs embossés, dorés et peints.
Plusieurs lieux de notre patrimoine en présentent encore de beaux exemples aujourd’hui, comme la salle à manger du château de Maintenon, en Eure-et-Loir, dont les murs ont été recouverts d’un cuir de Cordoue aux motifs floraux vers 1850-1860 par Paul de Noailles, propriétaire de l’époque ; l’antichambre de l’appartement des Reines Mères du château de Fontainebleau, en Seine-et-Marne, qui présente un cuir de Cordoue de style néo-gothique, commandé par l’empereur Napoléon III au Second Empire (1852-1870) ; ou encore le salon Cordoue – qui porte bien son nom – de l’Hôtel Pereire érigé à partir de 1879 aux abords du parc Monceau à Paris, et aujourd’hui siège de la Fondation Del Duca.
Si les procédés techniques ne sont plus exactement les mêmes que ceux d’origine, ces exemples récents restent un témoignage précieux du travail unique autour du cuir décoratif. Quant aux cuirs de Cordoue et de la Renaissance plus anciens, redécouverts à la fin du XXe siècle, ils bénéficient aujourd’hui d’une attention toute particulière et de rénovations portées par des artisans qui ont sur retrouver le goût et la technique de savoir-faire ancestraux.
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