Le commerce de chaussures et maroquinerie face aux nouvelles attentes des consommateurs

Comment les détaillants chausseurs et maroquiniers parviennent à répondre aux nouvelles attentes des consommateurs ? - Photo © Dusan_Cvetanovic – Pixabay.

Face à l’évolution des comportements d’achat, à la concurrence du web et à la transformation des zones commerciales, les détaillants de chaussures et de maroquinerie cherchent de nouvelles clefs pour attirer les consommateurs.
Les Français achètent en moyenne 2,5 paires de chaussures par an, pour un prix moyen de 80 euros par paire. Comme pour la maroquinerie, ils sont 52% à acheter exclusivement en magasins, contre 6% se tournant uniquement vers internet, et 42% utilisant les deux canaux de vente, selon les études respectivement consacrées à ces marchés par l’Observatoire Économique de l’Alliance France Cuir. Les personnes achetant des chaussures en boutique le font pour pouvoir voir et essayer les produits (76%) et repartir immédiatement avec (57%). Mais ce mode d’achat n’en a pas moins cédé du terrain au web.
« L’érosion du réseau se perpétue », explique Jean-Pierre Gonet, président de la Fédération des Détaillants en Chaussures de France. « Auparavant, c’était surtout causé par des commerçants qui arrivaient à la retraite. Maintenant, de plus jeunes professionnels, avec des points de vente de qualité, baissent le rideau. Internet a joué un rôle. Au début, c’était via les pure players. Maintenant, les marques et les fabricants vendent aussi en ligne, à des prix qu’ils ne nous proposent pas quand nous achetons leurs stocks. »
Pour Romain Flandrin, qui dirige sept magasins Chauss-Tex dans le nord de la France, internet n’est cependant pas le plus gros concurrent. « Le web capte 14% de parts de marché. Mais ce qui nous a surtout affecté, c’est la mode sportswear, qui a déplacé les achats vers les chaussures de sport au détriment des modèles de ville », explique-t-il. « Les clients sont prêts à dépenser 150-200 euros pour une paire d’équipementier sans questionner le confort ou la qualité. S’y ajoute le fait que les consommateurs font moins d’achats coup de cœur. »
« Le commerce d’articles de sport a pris 10% de parts de marché, là où celle des enseignes est passée de 50 à 30%. Or toutes ces marques de sport vendent peu dans nos réseaux, en dehors des basiques », pointe la Présidente Exécutive de la Fédération des Enseignes de la Chaussure (FEC), Cécile Marzinski qui, comme ses confrères, constate l’impact de la baisse du pouvoir d’achat sur les comportements en magasins.
Un constat partagé par Clotilde Sourice, gérante de la maroquinerie Maison Barrère à Chantilly. « Beaucoup de clients viennent avec un besoin précis, ou pour faire un cadeau. Nous avons donc moins de trafic, et des clients qui viennent souvent avec une idée très arrêtée, plus renseignés sur ce qu’ils cherchent. » Deux tiers des acheteurs physiques de maroquinerie se renseignent en effet en ligne avant d’acheter en boutique. Une pratique baptisée “webrooming” à laquelle en répond une autre : le “showrooming”. « C’est difficile à vivre pour les détaillants », déplore Sophie Brenot, présidente de la Fédération Nationale des Détaillants en Maroquinerie et Voyage (FNDMV) car « les gens viennent chez nous chercher des démonstrations, des conseils, pour ensuite acheter en ligne ». Cette pratique est motivée par le fait que 85% des consommateurs estiment qu’il est important de voir et de toucher l’article de maroquinerie avant l’achat. Ainsi, 52% des consommateurs vont systématiquement ou parfois en magasin avant de commander en ligne (source : Observatoire Économique de l’Alliance France Cuir).

Maroquinerie Maison Barrère à Chantilly.

Attractivité des points de vente

Pour contrer les contractions de trafic, les détaillants en chaussures et maroquinerie n’ont d’autre choix que de repenser leurs points de vente. « Les clients sont moins fidèles, plus sollicités, il faut donc leur proposer un moment de plaisir, pour que le déplacement ne soit pas subi », estime Romain Flandrin. Le commerçant mise sur les réseaux sociaux, l’organisation de soirées VIP, ainsi que sur des ateliers de prises de mesure, d’entretien ou de réparation. Des initiatives qui, déplore Jean-Pierre Gonet, n’intéressent pas certains détaillants. « Cela fait pourtant partie de la valorisation du métier », pour le représentant de filière qui juge que ce conservatisme rejaillit sur les boutiques. « Beaucoup de magasins sont vieillissants, or il faut faire rêver et c’est un message parfois difficile à faire passer. »
« Les consommateurs continuent à venir essayer les chaussures, car avoir mal au pied à des conséquences sur tout le corps, et c’est notamment un point sur lequel nous communiquons », insiste de son côté Cécile Marzinski, pour qui persistera là un avantage naturel de la boutique face au web.
« Personne ne veut d’un point de vente obsolète », résume, côté maroquinerie, Sophie Brenot. Même si, concède la responsable, les réseaux ont moins la possibilité d’investir dans d’importants travaux depuis le Covid-19. Clotilde Sourice mise, elle, sur la réinvention constante de sa vitrine. « Si elle ne change pas, les gens ne la regarderont plus : on ne peut plus accumuler à l’année 30 articles sur trois mètres carrés : il faut de la lisibilité qui mette les produits en valeur. »

Magasin Arbell - Chauss-Tex à Saint-Pol-sur-Ternoise.

Repenser l’offre

Près d’un tiers des clients se tournent vers Internet car le choix de chaussures et maroquinerie y est plus important. Ce qui met les magasins au défi d’offrir une sélection à la fois pertinente et compatible avec leur trésorerie. “Avant, on pouvait prendre toute la gamme d’une marque sans se poser de question, on savait que ça se vendrait un jour ou l’autre” résume Clotilde Sourice. “Mais il devient difficile de suivre les tendances, qui peuvent partir aussi vite qu’elles arrivent. On risque donc de passer à côté d’une tendance pendant deux ans, ou de se retrouver avec un stock qui ne s’écoule pas”.
« Avant 2020, nous avions moins peur d’acheter », confirme Romain Flandrin, qui rappelle que les commandes de chaussures se font historiquement 7-8 mois en amont. Aujourd’hui, Chauss-Tex a réduit d’un tiers ses commandes en début de saison, gardant ainsi une marge pour renouveler son offre en cours de saison. Les enjeux de trésorerie sont désormais « au cœur du métier », confirme Cécile Marzinski. Ce qui amène Jean-Pierre Gonet à redouter de voir les marques confrontées aux mêmes enjeux, et ne plus se risquer à être créatives. « Faire une collection un peu innovante coûte », concède-t-il.
Cette perte créative face au ralentissement du marché, Sophie Brenot ne la constate pas côté maroquinerie. Un marché où l’offre des multimarques souffrirait cependant d’être boudée par des marques en vue. En effet, « certaines veulent des adresses qui vendent aussi du prêt-à-porter ».

Prix et zones de vente

Devant la variété de l’offre, le prix est le premier motif d’achat sur internet, que cela soit dans la maroquinerie (42%) ou dans la chaussure (37%), selon l’Observatoire Économique de l’Alliance France Cuir. Et ceci, même si les clients ne se chaussant qu’en boutiques ont un budget moyen (72 euros) inférieur à ceux des clients en ligne (85 euros), ou ceux achetant sur les deux canaux (88 euros).
La situation des centres-villes revient souvent dans le discours des professionnels. Sophie Brenot, évoquant les difficultés connues par la vente de maroquinerie depuis décembre 2024, pointe ainsi l’impact fort des nombreux travaux et changements de plans de circulation sur l’activité. Clotilde Sourice se montre, quant à elle, circonspecte face aux effets de la piétonnisation des cœurs de ville. « Ce que l’on constate, c’est que les gens ne veulent plus marcher. »
« Certaines municipalités font vraiment du bon travail », se félicite Jean-Pierre Gonet du côté des chausseurs. « Certains redoutent l’éloignement des parkings, mais à 20 ou 30% de vacance commerciale, une artère est déjà fichue : il faut changer de logique pour espérer faire revenir les passants », estime le professionnel, qui pointe par ailleurs la responsabilité des bailleurs. « Certains augmentent les loyers alors que le trafic baisse, or un détaillant ne peut plus consacrer 10% de son chiffre d’affaires à un loyer. »
« La dernière modification de l’indice des loyers n’a pas permis d’atteindre une hausse cohérente avec nos chiffres d’affaires, ni avec la situation du marché », déplore Cécile Marzinski, qui rappelle que le nombre d’enseignes de chaussures est passé en vingt ans d’environ 80 à une cinquantaine. « Sur les loyers comme sur les prix, il reste donc un nouvel équilibre à trouver. »

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Rédaction Louis Endau

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