Laine en France : le savoir-faire local reprend du poil de la bête

Valoriser les ressources naturelles et l’ancrage territorial, perpétuer une expertise métier… Ces dernières saisons, le dynamisme de la filière lainière française est mis en lumière par différentes structures. Coup de projecteur.

Laines Paysannes ou le renouveau de la filière laine des Pyrénées

En 2016, Paul de Latour, éleveur ovin à Saverdun dans l’Ariège, et Olivia Bertrand, tisserande et experte lainière, associent leur savoir-faire respectif afin de valoriser les laines locales. Leur projet donne naissance à Laines Paysannes, une marque écoresponsable de vêtements, accessoires (écharpes, châles, bonnets, chaussettes) et décoration (plaids, coussins, couettes, tapis). Des produits intemporels et durables 100 % laine de mouton d’Occitanie. « De la tonte au consommateur final, nous sommes capables d’assurer une traçabilité à chaque étape du processus – récolte, lavage, filature, tricotage, distribution -», explique Olivia Bertrand, Directrice Générale. Laines Paysannes travaille aujourd’hui avec une dizaine d’élevages, en agriculture biologique pour la plupart, et sept races de moutons vivant en plein air ou semi-plein air (représentant quelque 5 000 bêtes), dont la laine est récoltée dans des conditions d’hygiène optimales. « Notre expertise réside dans notre capacité à valoriser différents types de laines locales, selon leurs spécificités. Pour chaque race, nous mettons en place des critères de tri de laine, à la main, en fonction de la finalité de transformation. » Installé à Bonnac, l’atelier compte aujourd’hui cinq personnes et collecte cinq tonnes de laine brute par an. « Le choix du made in local et de la traçabilité orientent notre stratégie de commercialisation vers la vente directe », précise la jeune femme. Outre son site marchand (environ 30 % des ventes), l’équipe sillonne la France au volant d’une caravane-boutique à la rencontre du grand public sur les marchés, les salons tel Marjolaine et à l’occasion de pop-up stores. En septembre prochain, Laines Paysannes devrait par ailleurs participer pour la première fois au salon Maison & Objet à Paris afin d’y présenter sa collection de tapis en peaux lainées lancée en 2019.

Installé à Bonnac, l’atelier compte 5 personnes et collecte 5 tonnes de laine brute par an. Les créateurs de la marque font le choix du made in local et de la traçabilité pour leur stratégie de commercialisation

Midipy valorise la pure laine vierge pyrénéenne

En 1998, Philippe Granet a choisi de faire revivre l’histoire de la laine des Pyrénées aux côtés de la filature ariégeoise Arnaud « dans le respect des modes de fabrication ancestraux et du savoir-faire territorial ». Il crée la marque Midipy spécialisée dans la confection à la main de plaids et couvertures en pure laine vierge de sa région rigoureusement sélectionnée. Près de dix tonnes de laine brute sont ainsi collectées par an auprès d’une dizaine d’élevages locaux. « L’opération de tri ne retient que 25 % de la toison ce qui permet d’obtenir la Haute Laine reconnue pour ses qualités naturelles : finesse, douceur, aspect naturel, respirabilité, absorption de l’humidité. » Sans teinture, l’ivoire et le chocolat composent la base des coloris naturels, le gris résultant du mélange de ces deux tons. Une sangle en cuir de veau ou de vachette, entièrement confectionnée à la main et marquée à chaud, vient entourer les plaids. « De par la saisonnalité des articles en laine, nous avons depuis près de 20 ans étoffé notre activité avec une gamme de modèles en cuir destinés à la maison, la table, le bureau ou l’extérieur : besaces, porte-bûches, set de bureau, porte-revues, vide-poches, corbeilles… », explique le dirigeant. Fabriqués dans un atelier du Sud-Ouest spécialisé dans le cuir, ces produits représentent aujourd’hui la moitié des ventes de la marque. Les créations signées Midipy sont fortement plébiscitées à l’international, le Japon, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Autriche ou encore la Suisse représentant ses principaux marchés. En France, la marque est notamment commercialisée au sein du concept-store Empreintes à Paris.

Midipy s’est spécialisée dans la confection à la main de plaids et couvertures en pure laine vierge des Pyrénées.

Maison Thuret réinvente la peausserie

Créée en 2011, Maison Thuret modernise le métier de peaussier en surfant à la fois sur la tendance nature et cocooning et sur le boom du commerce en ligne. « 90 % de nos ventes se font sur le site internet et 10 % via des boutiques de décoration », indique son fondateur Fabrice Homblé. Constituée majoritairement de peaux de vaches et de moutons naturelles ou teintes, l’offre compte plus de 280 références avec également des articles en lapin et en renne. « Toutes espèces confondues, nous écoulons environ 8 000 peaux par an et expédions jusqu’à 140 colis par jour » se félicite le Président. Cinq espèces de moutons (Australien, Néo-Zélandais, Islandais, Domestic UK et Gotland) et une quinzaine de vaches (Normande, Holstein, Suisse, Landaise, Charentaise et Charolaise principalement) figurent au catalogue, sourcées à 85 % en Europe, France, Espagne et Italie. « Nous travaillons avec les meilleures tanneries pour avoir des peaux de premier choix, au pelage très doux et au cuir résistant, avec des teintures profondes et durables », précise le Dirigeant. Mais ce peaussier nouvelle génération propose aussi des produits manufacturés comme des poufs, des tabourets, des galettes de chaise, des chaussons, des moufles, des chapkas en mouton et des écharpes en lapin. « Ce segment représente 15 % de notre activité et connaît une forte progression, déclare Fabrice Homblé. Les chaussons et les moufles sont confectionnés au Portugal ; le reste en France. » Et l’entreprise, basée à Toufflers dans les Hauts-de-France, pousse encore plus loin son service avec des tapis et des dessus de lit sur mesure et la réalisation de commandes de designers comme des plaids ou du mobilier. Un dynamisme qui fait du bien à la profession.

Tricolor relance la filière de production lainière française

Plus de 6 millions de moutons de plus de soixante espèces sont élevés par des professionnels en France et pourtant, les toisons de ces ovidés sont peu valorisées. Fort de ce constat, le projet Tricolor a vu le jour en 2018 à l’initiative de Made in Town, société de consulting spécialisée dans la valorisation des savoir-faire et des fabrications locales. « L’objectif est de lutter contre la disparition progressive de cette filière textile hexagonale encore sous-exploitée et de mettre en lumière une matière première naturelle noble, renouvelable, de qualité, disponible en quantité et qui peut être produite et transformée grâce aux multiples savoir-faire d’entreprises locales », explique Pascal Gautrand, fondateur de Made in Town.
De la tonte des moutons au tissage et tricotage des fils, en passant par les opérations de tri et lavage des toisons et de filature, ce projet transversal entend rassembler l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur – éleveurs ovins, transformateurs textiles, industriels, distributeurs, marques mais également les territoires – engagés pour (re)développer une filière à haute valeur ajoutée. « L’objectif, d’ici 2024, est de passer de 4% à 24% de laine produite et transformée en France », soit 1 200 tonnes d’ici quatre ans contre à peine 20 tonnes aujourd’hui.
Soutenu par le salon Première Vision où il est présent chaque saison, le collectif a dévoilé son projet en avril 2019 sur le salon Made in France Première Vision. Et c’est avec succès que le public a accueilli Tricolor puisque 68 entreprises ont créé des prototypes avec la laine issue de son action, parmi lesquelles Le Sac du Berger, Le Slip Français, De Bonne Facture, Bonne Gueule et Atelier Tuffery. Certaines d’entre elles sont même passées au stade de la production. Depuis, d’autres marques de mode ont montré leur intérêt pour cette ressource dont Damien Béal, Ephyre, la maison Fabre ou encore Jack Gomme. À Paris, le bureau Tricolor, au sein du show-room Made in Town, met à disposition une matériauthèque de textiles écoresponsables aux acteurs de la mode et du design qui souhaitent « explorer les multiples possibilités de cette matière produite localement en France et issue de circuits courts ».  

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Rédaction Laëtitia Blin & François Gaillard

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