Paris accueille le premier Pre-Loved Luxury Show
Promouvoir la circularité dans le luxe à travers la revente, la restauration, l’upcycling, tel est l’objectif de ce rendez-vous parisien, exclusif et ...
C’est une « filière unie » autour de la Responsabilité Sociétale des Entreprises, que le Conseil National du Cuir présidé par Frank Boehly, conviait le 16 septembre dernier à la Maison de la FNTP à Paris, à l’occasion du premier Sustainable Leather Forum. Si les groupes de luxe jouent un rôle moteur en matière d’avancées, une multitude d’initiatives innovantes volontaires émanent de PME. L’entreprise n’est plus seulement un acteur économique, elle participe pleinement à l’évolution de la société. L’engagement ne faiblira pas et la filière a pris un nouveau rendez-vous pour l’an prochain. En attendant, la rédaction vous propose un nouveau condensé des récentes interventions.
Back to 1999, Kofi Anan, alors Secrétaire Général de l’ONU, parle de RSE pour la première fois à l’occasion du forum de Davos. Toute entreprise pouvait dès l’an 2000 adhérer au Global Compact (Pacte Mondial) des Nations Unies, dispositif inédit fondé sur 4 piliers « droits humains, normes internationales du travail, environnement et lutte contre la corruption » rappelait Fella Imalhayene, aujourd’hui Déléguée Générale du Global Compact France. Dans le monde, plus de 10 000 entreprises ou ONG se sont engagées (NDLR – sachant que des multinationales ont des chiffres d’affaires qui dépassent le PIB de certains pays), dont 1 300 en France avec une majorité de PME. Car Global Compact cherche à offrir aux TPE/PME un cadre structurant pour capitaliser sur les bonnes pratiques.
Le secteur du vêtement et de la chaussure est l’un des plus importants secteurs de biens de consommation au monde. La France est le premier marché européen pour la chaussure avec une consommation de 6 paires par an et par personne. Bien qu’il s’agisse d’un moteur économique important, l’effondrement tragique de l’usine de Rana Plaza en 2013 a attiré l’attention du monde entier sur le secteur de la fabrication. En 2017, des principes directeurs de devoir de diligence applicable aux chaînes d’approvisionnement responsables dans le secteur de l’habillement et de la chaussure, ont été adoptés par 48 gouvernements et approuvés par des multinationales, syndicats et membres de la société civile. Jennifer Schappert, Analyste des politiques, textiles et vêtements au sein de l’unité de la conduite responsable des entreprises de l’OCDE, dirige ce programme. La mise en œuvre du devoir de diligence en matière d’environnement et de droits de l’homme tout au long de la chaîne d’approvisionnement dans plusieurs pays, de façon harmonisée, a pour finalité d’éviter les incidences négatives liées aux activités et aux modes d’approvisionnements de ces entreprises, et propose de les traiter.
Anne-Céline Humeau dirige l’entreprise industrielle et distributeur de chaussures Humeau-Beaupréau. Membre partenaire du groupement d’industriels français choletais adhérant à la charte Innoshoe, elle a participé à deux groupes de travail : Innoshoe Innocuité & Innoshoe Environnement. Cette démarche leur a permis de définir des bonnes pratiques de sourcing international, en Asie notamment, avec une stricte application des règlementations quant à la présence de produits chimiques dans les matériaux ainsi qu’un contrôle des conditions environnementales et des conditions de travail dans les usines fournisseurs et sous-traitants à l’international. Les 10 membres de la charte ont anticipé dès 2011 les obligations qui s’imposent aux multinationales dans le cadre de la loi française sur le devoir de vigilance, mais l’appliquent à des PME.
Autre initiative de l’Agence Lucie représentée par Alan Fustec : le premier label de certification français de RSE développé pour les PME. Basé sur la norme ISO 26 000, Lucie prône la RSE transformative : « je veux y aller, je m’évalue selon les critères de la norme, je me forme, je mets en place un plan d’actions ». L’audit se décline en sept grands chapitres pour les parties prenantes : gouvernance (prise en compte de la RSE au Conseil d’Administration), respect des droits de l’homme, politique sociale et amélioration de qualité de vie au travail, protection de l’environnement, bonnes pratiques des affaires, achats responsables, respect du client, engagement de l’entreprise pour la société civile. En France, seules 300 entreprises sont labellisées avec des motivations diverses (image, réglementation à anticiper, maîtrise des risques opérationnels) mais l’agence table sur 1 000 labels dans les deux années à venir tout en rappelant que « selon une étude France Industrie, la rentabilité économique des entreprises RSE serait 13% supérieure ». À bon entendeur.
Leader européen qui fournit tous les secteurs de l’industrie, Gaston Mille fabricant de chaussures de sécurité à Courthezon dans le Vaucluse depuis quatre générations, garantit le Made in France (80% de sa production). Défiant la concurrence de l’Asie du Sud-Est ou d’Inde, l’entreprise est capable de fabriquer des chaussures made in France à 30 euros tout en s’investissant dans la RSE.
En conformité avec la norme ISO 9001 (management de la qualité) depuis des années, la société était la première en France à recevoir en 2006 la certification ISO SA 8000, relative aux conditions de travail. Depuis, l’organisation internationale de normalisation a défini un référentiel ISO 26000 sur la responsabilité sociétale des entreprises, c’est-à-dire qu’elle précise comment elles peuvent et doivent contribuer au développement durable. L’entreprise a également reçu le Trophée RSE PACA en 2007 sur la Responsabilité Sociétale et Environnementale et obtenu la norme environnementale ISO 14001.
Les « résidus de l’industrie alimentaire sont la matière première de la mode » et « 80% de l’impact environnemental se joue dès l’écoconception », soulignait Chantal Malingrey, Directrice Marketing et Développement des salons professionnels de sourcing Première Vision qui, au travers de la plateforme Smart Creation, explore les démarches responsables des exposants. Et après ? 630 millions de produits sont détruits chaque année, soit 49 millions d’articles de textiles et chaussures confondus, équivalant à 1,3 milliard de tonnes de gaz à effet de serre (NDLR – plus que le trafic aérien mondial) selon l’Ademe. Dans un monde de fast fashion et d’obsolescence programmée, le devenir des articles en fin de vie est un véritable enjeu de société. La norme AFNOR XP X30-901, cadre de référence pour soutenir les initiatives volontaires en matière d’économie circulaire, fera prochainement loi, soulignait Stéphanie Kerbach, Députée Présidente du groupe d’études RSE à l’Assemblée Nationale. Déjà en vigueur pour les produits alimentaires, le projet de loi sur l’économie circulaire textile, cuir, chaussures invendus (art.5) en cours d’examen au sénat va obliger les acteurs à prendre des nouvelles mesures. La réutilisation est une solution mais d’autres pistes sont envisagées comme le démantèlement pour transformer la matière en énergie, l’écoconception… La durabilité d’un produit doit être prise en compte également.
Thierry Poncet, Responsable des départements Cuir et Développement Durable chez CTC, a effectué des travaux de recherche sur la chaussure en fin de vie. En résulte le projet Thermicuir en partenariat Eco TLC visant à produire de l’énergie avec du cuir de chaussures usagées ou des chutes de cuir issues de la phase de production. Le graal ? Mettre en œuvre ce procédé en tannerie pour remplacer le chauffage au fuel.
Francisco Valente, Leather Conception Leader chez Decathlon International, exposait un autre projet novateur confronté à la même problématique d’industrialisation du process. Avec le concours d’une université portugaise (ISEP), du centre technologique des tanneries portugaises (CTIC) et du fournisseur de produits chimiques Chemilinks, l’entreprise souhaite valoriser les déchets de l’industrie du papier en agent de tannage végétal (Eucalyptus Globulus Project).
Comment générer de la croissance sans user des énergies renouvelables ? Passer de la vente d’un produit à la location de ce produit. C’est ce que propose l’enseigne Bocage du groupe Eram, autre leader de la chaussure en France (6 000 collaborateurs, 1 100 points de ventes, 11 marques de mode accessibles). Les femmes peuvent désormais louer, retourner leurs paires de chaussures en magasin, elles seront remises en état avant de retrouver de nouveaux pieds. Au-delà de l’expérience, le concept disruptif Atelier Bocage veut en finir avec l’obsolescence programmée grâce à des produits de meilleure qualité, conçus pour consommer mieux et moins. La marque a déposé une demande de brevet pour cette innovation qui devrait être bientôt étendue à d’autres enseignes du groupe et un magasin « Comme neuf by Eram » doit ouvrir rue de Rivoli afin d’y vendre des produits de seconde main remis à neuf.
« Un objet de luxe est un objet qui se répare », ces quelques mots de Jean-Louis Dumas, l’ancien Président d’Hermès, résument l’ambition de la maison dont toute la stratégie repose sur la qualité. Hermès c’est aussi plus de 180 ans de cuir et une fidélité sans faille à la matière qui a fait son succès. « Il n’est pas question de contourner l’obstacle, mais de travailler à notre empreinte laissée sur le monde », assume Emmanuel Pommier, Directeur Général Pôle Artisanal Hermès Maroquinerie Sellerie.
Ancrée sur le territoire, en lien avec les collectivités locales, la maison soutient les PME et le développement de l’économie locale. Sept unités de fabrication de maroquinerie ont vu le jour depuis 2015, générant 4 000 emplois dont 3 500 postes d’artisans recrutés en collaboration avec le Pôle Emploi. Trois autres sites devraient ouvrir prochainement en province, réhabilitant des terrains bétonnés ou des friches industrielles en centre-ville ou à proximité. La politique RSE globale de l’entreprise s’exprime jusque dans le cahier des charges de ses manufactures : panneaux photovoltaïques, récupération des eaux de pluie, cohésion architecturale, réduction acoustique, postes de travail ergonomiques, ambiance lumineuse, rapprochement des métiers (coupe, piquage, contrôle), tout est mis en œuvre pour donner un cadre à la liberté d’action et à la prise des meilleures décisions. Grâce à l’innovation technique et managériale, Hermès a diminué sa consommation de cuir de 11%, ainsi que son ratio énergétique pour produire le même volume.
Également précurseur en matière de RSE, pour répondre au marché de l’horlogerie et la maroquinerie de luxe, Creations JC Perrin, est fier de contribuer à la création d’emplois dans sa région. La PME, représentée par Ange Alez-Martin, avec un pied en Suisse et l’autre en Franche Comté, est très attachée à la loyauté envers ses fournisseurs, ses clients et ses collaborateurs. Soucieuse d’améliorer les conditions de travail, elle a participé aux travaux de CTC dès 2010 et travaille avec le TM Institute et avec un kinésithérapeute afin de réduire les troubles musculo-squelettiques (TMS). Très exigeante quant à ses fournisseurs, elle réalise tous les audits qualité nécessaires pour s’assurer de leur conformité notamment sur le cuir de veau et d’alligator. Charge à elle d’en rendre compte à ses clients au travers de formations « du tannage au produit fini ».
Le secteur de la maroquinerie et du luxe, est particulièrement touché par le phénomène de contrefaçon. En France, 37% des consommateurs achètent des contrefaçons pensant que les produits sont authentiques selon l’étude IFOP/UNIFAB 2018. À l’échelle mondiale, le marché parallèle pèse pour 7% des échanges cuir et maroquinerie avec un impact non négligeable sur l’emploi. « Laisser le temps aux entreprises de mettre les choses en place, trouver des ambassadeurs parmi les salariés, sensibiliser dans les écoles » Delphine Sarfati-Sobreira, Directrice Générale de l’Unifab, défend les entreprises privées, sur la question de la propriété intellectuelle, élément majeur de la RSE au même titre que la protection du consommateur.
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Rédaction Juliette Sebille
Photos © P&M – CNC
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