La botte camarguaise, labellisée après la charentaise
L’industrie française de la chaussure compte deux indications géographiques (IG). En 2024, les bottes camarguaises s’ajoutent à la charentaise de ...
Deux savoir-faire rares distinguent Bodin-Joyeux depuis 160 ans : l’agneau plongé et le parchemin. La première mégisserie française est un fournisseur très prisé des maisons de luxe, dont Chanel qui l’a rachetée en 2013. L’entreprise de Levroux, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant et Métiers d’Arts, continue de s’adapter aux mutations du marché.
L’agneau plongé, ce cuir souple et doux tanné artisanalement près de Châteauroux, a assis la réputation mondiale de Bodin-Joyeux. Mais le « nec plus ultra » de la peau d’agneau n’est pas la seule racine de la PME qui met un point d’honneur à produire un autre matériau luxueux hérité de son passé. Le parchemin, destiné aux archives du Vatican, à la BnF, aux gainiers d’art ou encore à la décoration d’intérieur et au yachting, offre des débouchés porteurs. Sa fabrication, bien que marginale, s’avère différenciante. Alors pour répondre aux attentes des acheteurs, l’entreprise mise fortement sur le sur-mesure et la créativité, une approche qui lui permet de se démarquer davantage.
Lorsque Jules Bodin et Céline Joyeux se lancent en 1860 aux côtés d’autres tanneurs à Levroux, c’est pour produire un matériau au toucher inimitable, l’agneau plongé mais également le parchemin. « Chez Bodin-Joyeux, on est parcheminier de père en fils », précise Alain Hubert aux commandes depuis deux ans. « On s’est accroché pour continuer à le fabriquer. La peau n’est pas tannée dans un foulon mais mise à tremper dans un pelain (bain de chaux), puis successivement dans plusieurs bains. Le produit est totalement écologique ». Quelques jours suffisent en effet pour que la laine se détache naturellement et que la peau s’assouplisse. Elle est ensuite étirée sur un cadre à l’aide d’une mailloche. Donner la tension exacte et savoir précisément quand le parchemin est parfaitement sec exigent une maîtrise absolue. On reconnaît alors la densité, la minceur, la semi-rigidité d’un matériau connu depuis 2000 ans. L’expertise n’est pas moindre pour donner toute sa sensualité à l’agneau plongé, première activité de Bodin-Joyeux. Destiné majoritairement au prêt-à-porter mais aussi aux sacs, chaussures ou gants, il possède ce toucher unique, naturel, lustré, « sans finition ». « Le cuir d’agneau nous pousse à l’humilité, assure le dirigeant. Les opérateurs de Bodin-joyeux sont nourris au plongé ! » Chaque peau, soigneusement sélectionnée puis tannée, sèche naturellement sous les toits des ateliers. Trop vite réchauffé, le cuir deviendrait cartonneux.
Le début des années 2010 ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire de la tannerie. Frédéric Bodin, dirigeant de l’époque et descendant des fondateurs, opte pour son rachat par Chanel, son fournisseur historique, dans le but de préserver ses savoir-faire et de poursuivre son développement économique. Bodin-Joyeux a su précédemment innover en s’équipant d’une station de déchromatation et d’un showroom professionnel dans la capitale. La diversification, désormais, est à l’œuvre. « La demande évolue très vite », affirme Alain Hubert. « Il faut être flexible. Le client n’attend plus. La qualité de la peau brute a par ailleurs drastiquement baissé en dix ans. Le plongé fait partie de l’ADN de Bodin-Joyeux. Il aurait pu être son handicap… Notre métier est paradoxal. Les plus belles peaux réclament le moins de travail et sont les plus coûteuses. C’est exactement l’inverse pour les moins parfaites ! Nous optimisons 100% des peaux en proposant d’autres produits. » C’est le cas des cuirs « protégés » ou « rectifiés » selon divers procédés lors du finissage. Près de 15 000 cuirs métallisés par exemple sont ainsi produits annuellement. La mégisserie a acquis de nouvelles machines, plus performantes, et renforcé ses lignes de finitions.
La fantaisie, la résistance à l’abrasion, les tenues aux frottements – « conditions sine qua non pour vendre en Chine » selon le responsable – mais aussi une créativité accrue figurent parmi les nouveaux atouts. En témoigne la cellule Recherche & Développement, dont le Service Collection peut répondre à toute commande en un temps record. Initialement dédié aux six collections annuelles de Chanel, il profite à l’ensemble des marques clientes. Quatre moodboards de tendances orientent les propositions créatives tandis que le colorama, riche de 4 000 teintes spécifiques, se renouvelle chaque année : « une caractéristique propre au cuir d’agneau plongé », ajoute Alain Hubert. « La fleur du plongé est très plate, sa formule accentue également la réactivité des colorants. » Dans l’équipe, le personnel s’est récemment féminisé et a rajeuni. Cinq nouveaux postes ont été créés depuis le changement de direction. « Nous avons l’ambition de former des super-experts, annonce encore Alain Hubert. Et d’intensifier la transformation tout en gardant l’héritage de l’agneau plongé et du parchemin. » Un cap à tenir fermement car, il en est sûr, « la tannerie va plus évoluer dans les prochaines années que dans les cinquante dernières ».
1860 : Naissance de Bodin-Joyeux à Levroux.
1999 : Ouverture du showroom parisien.
2013 : Rachat par Chanel.
Production : 400 000 peaux d’agneau par an.
Effectifs : 85 salariés.
Répartition des ventes : 60% à l’export.
Rédaction Nadine Guérin
Photos © Paul & Malo – CNC
L’industrie française de la chaussure compte deux indications géographiques (IG). En 2024, les bottes camarguaises s’ajoutent à la charentaise de ...
Dans sa boutique-atelier installée dans les Cévennes, Jimmy Grandadam, professionnel de l’écologie reconverti, répare les chaussures et fabrique et ...
Depuis plus de soixante ans, Chaussures de Gatine chausse les professionnels du monde agricole. Mais pas que. Reprise en 2021, l’entreprise se modernise tout ...