Aduu Mal,
cuirs d’équidés Mongols

Aduu Mal, fédère bergers, multinationales, ONG et designers autour de son ambitieux projet : mettre en place une filière durable et 100% traçable valorisant les peaux d’équidés de Mongolie jusqu’alors inexploitées.

C’est en Mongolie, aux sources du fleuve Amour qui sépare la Chine de la Russie, qu’est né le label de cuir équidé Aduu Mal. Sur cette steppe, à l’origine peuplée de nomades déferlant à cheval, Matthea Van Staden a su fédérer bergers, multinationales, ONG et designers autour de son ambitieux projet : mettre en place une filière durable et 100% traçable valorisant les peaux d’équidés jusqu’alors inexploitées. En résultent des cuirs et fourrures de qualité. Rencontre avec une entrepreneuse engagée.

Matthea, comment est né votre label de cuirs d’équidés ?

Nous avons initié le label en 2015, en partenariat avec le créateur hollandais Hans Ubbink, qui a développé la première collection à partir de peaux de chevaux de pâture vivant dans les plaines d’Asie centrale. Héritière de traditions séculaires, notre société valorise les peaux d’équidés jusqu’ici inexploitées en tant que cuir ou fourrure, les poils pouvant atteindre 3 cm en hiver.
Donc, en Mongolie ma société donne la priorité à ce produit et, en parallèle, nous accompagnons les tanneries mongoles à développer des cuirs qui s’inscrivent dans notre démarche durable et dont l’origine est traçable.

Qui sont vos partenaires ?

Notre tannerie produit exclusivement des cuirs équins tandis que nos partenaires produisent aussi des cuirs d’ovins et de bovins dont le yak, très demandé pour sa fourrure. Nous travaillons en étroite relation avec deux tanneries indépendantes en sus de notre propre unité de production avec lesquelles nous partageons les mêmes méthodes de tannage correspondant aux standards de notre label. Seuls les cuirs de tannage synthétique EasyWhite sont labellisés Aduu Mal. Cette méthode de tannage, nous l’avons empruntée à la multinationale Stahl, fournisseur leader de produits chimiques pour les industriels du secteur car nous voulions développer un cuir exempt de chrome.

 

15 personnes travaillent aujourd’hui chez Aduu Mal, pour développer des cuirs d’équidés de tannage synthétique EasyWhite, emprunté à la multinationale Stahl.

En quoi cette méthode de tannage est-elle intéressante ?

Lorsque l’industrie du cuir en Mongolie était sous contrôle communiste, les grands producteurs fournissaient les marchés russe et cubain, notamment pour fabriquer les chaussures de l’armée.
Aujourd’hui, nous avons besoin de flexibilité et de plus petites tanneries qui puissent s’adapter à notre marché. L’idée est de convertir pas à pas les grands fournisseurs de cuirs wet-blue – donc de tannage aux sels de chrome – en des fournisseurs de cuirs de tannage synthétique. De plus, grâce à cette méthode, nous pouvons obtenir des cuirs souples tout en minorant notre consommation d’eau. Contrairement au tannage traditionnel au chrome, le tannage synthétique sans solvant, n’est pas basé sur le pH mais sur un contrôle très maîtrisé de la chaleur. C’est un procédé que les techniciens ici ne maîtrisaient pas, car ils n’y avaient pas recours. De leur point de vue, c’était nouveau et risqué alors nous avons dû les convaincre de continuer à faire des essais avec le support de Stahl. En parallèle, nous sommes en train de mettre en place avec WWF, un organe de certification pour contrôler les cheptels élevés en liberté en accord avec les fondements de notre label, à valoriser dans la chaîne de production du cuir.

En Mongolie, contrairement aux pays européens, les habitants consomment toujours de la viande de cheval bien que ce ne soit pas quotidien. Le cheval fait partie intégrante de la vie quotidienne, on le monte pour guider les troupeaux.

Quelles sont les spécificités des cuirs d’équidés ?

Non dépilés, ces cuirs s’apparentent un peu au veau façon poney (baby calf), et peuvent se substituer à la fourrure. On peut tout à fait les raser pour créer du relief, jouer sur l’intensité des teintes en créant différentes couches…Nos interlocuteurs sont étonnés de voir tout ce que l’on peut en faire !
La peau de cheval est très difficile à tanner car très dure au niveau dorsal, et nous avons passé plusieurs années à mettre au point la bonne méthode de tannage avec les techniciens.
Nous avons dû faire un gros travail de sensibilisation auprès des coopératives et paysans parce que vous imaginez bien qu’auparavant les peaux brutes n’étant pas valorisées, aucun soin particulier n’était apporté à leur qualité. Pour vous donner un ordre d’idée, sur 10 000 peaux collectées, nous pouvions en sélectionner uniquement 2 000, car les autres étaient trop marquées. Ce qui veut dire que nous avons dû également accompagner le personnel des abattoirs et leur suggérer d’autres outils de travail. Nous y avons mis beaucoup d’énergie mais sans cela nous n’aurions pas pu instaurer une chaîne traçable.
De plus en plus de créateurs sont sensibles à notre type de démarche et adaptent leurs créations selon les contraintes des ressources existantes. Hans Ubbink s’est habilement servi de la partie la plus rigide des peaux, à priori inexploitable, qui court de la crinière au dos du cheval, telle une colonne vertébrale sur une veste. Viendra un temps où les griffures et les marques seront acceptées sachant que ce serait dommage de ne pas utiliser ces peaux. C’est un grand challenge à faire comprendre au consommateur.

Quelle relation entretiennent les peuples Mongols avec les chevaux ?

Quand j’ai montré les premiers résultats de cuirs équins aux bergers, ils étaient satisfaits de voir qu’on pouvait en faire un cuir de qualité parce qu’ils ont de l’affection pour cet animal. En Mongolie, contrairement aux pays européens, les habitants consomment toujours de la viande de cheval bien que ce ne soit pas quotidien. Le cheval fait partie intégrante de la vie quotidienne, on le monte pour guider les troupeaux. La plupart des cheptels sont abattus au début de l’hiver pour la consommation de viande, excepté pour les ovins qui le sont tout au long de l’année. Seuls les animaux qui ne sont plus en bonne forme sont concernés, les plus âgés d’une manière générale. Les industriels utilisent le cheval pour développer des protéines également, mais en matière de peaux, cela représente en moyenne 350 000 unités inutilisées chaque année.
Traditionnellement, quand un cheval mourait, les peuples nomades récupéraient le crin pour mettre sur leurs tentes comme une sorte de talisman. C’est pourquoi les paysans mongols apprécient que l’on puisse en conserver quelque chose en retour, en faire de beaux cuirs, car par le passé c’était ainsi, ils en faisaient des boots ou des tapis.

Rédaction Juliette Sebille
Photos © Julius Rooymans

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