Une rentrée relevée pour la maroquinerie française #1

Inspirées par les exemples d’aînées considérées comme le nec plus ultra de la maroquinerie, de jeunes pousses se lancent sur le marché. Avec l’intention de marcher sur leurs traces ou de s’en différencier. Focus sur cinq marques confirmées en cette rentrée. Première partie.
La maroquinerie française a le vent en poupe. Avec ses grandes maisons de luxe, l’offre française de maroquinerie occupe la première place sur le marché du haut de gamme. Mais cela ne bénéficie pas qu’aux griffes concernées. Cette réussite génère une dynamique de tout le secteur et notamment la création de nouveaux labels en quête de leur part légitime du gâteau. Aussi, la rentrée est-elle l’occasion de braquer les projecteurs sur cinq nouvelles marques inspirées, chacune à sa manière, par leurs prédécesseurs.

Sac Lorette en cuir de chèvre de Germaine Guérin.

Une renaissance

Quand il s’agit d’une renaissance, c’est la marque elle-même et son passé prestigieux qui inspire cette relance. Avec plus de 50 ans de succès, Germaine Guérin a largement de quoi reconstruire sa renommée et se replacer sur l’échiquier des enseignes maroquinières de luxe. Fondée en 1921 par Germaine Guérin, la marque éponyme connaît rapidement le succès auprès d’une clientèle élégante et fortunée qui fréquente ses boutiques de Paris, Cannes et Dinard. Malheureusement, la créatrice décède avant la Seconde Guerre mondiale et la marque subit un premier coup d’arrêt. À la Libération, son mari reprend les rênes de l’entreprise et parvient à renouer avec le succès. Germaine Guérin revient alors en force pendant plus de deux décennies. Mais après son rachat dans les années 1970 par un couple de repreneurs, elle peine à s’adapter à la nouvelle ère de la mode et, sans héritier pour prendre la suite, s’éteint au cours des années 1980. Toutefois, la marque ne tombe pas totalement dans l’oubli et quelques passionnés entretiennent sa mémoire pour sa classe et sa qualité. Ainsi de Didier Ludot, qui la vend en seconde main dans sa boutique du Palais Royal. C’est là qu’Arnaud Daupeux la découvre en 2018. « J’ai commencé par collectionner des pièces. Puis le projet de reprendre la marque a peu à peu muri dans mon esprit jusqu’à devenir une réalité en 2024, explique cet ancien cadre pour de grandes maisons de maroquinerie. Début 2025, j’ai officialisé la reprise avec la réédition de deux produits : le sac Lorette, best-seller des années 1960, et un porte-cartes. » Modernisé et reconçu dans son aménagement intérieur, son poids et son porter avec l’aide d’un designer et du fabricant, le sac Lorette a gardé la même esthétique et le même volume que l’original. Fabriqué par deux ateliers en France, il peut s’adapter à des demandes particulières concernant sa matière ou sa bijouterie. « J’ai choisi de le produire en cuir de chèvre liégé de la mégisserie Alran, tout comme le porte-cartes. Mais le veau box, embossé ou velours ainsi que l’autruche sont envisageables », précise le repreneur. Commercialisés 250 euros le porte-cartes et 1 350 euros le sac à main sur le site internet de la marque, l’offre devrait bientôt s’étoffer avec deux déclinaisons « en formats contemporains » du Lorette et être, à moyen terme, diffusée dans les grands magasins, concept-stores et même une boutique en propre en 2027. Les connaisseuses et amatrices de marques de niche sauront bien la trouver.

Mallette en cuir de veau façon python de Monsieur Bosson.

La Haute couture déclinée en maroquinerie

Parmi les grandes marques de luxe qui font les beaux jours de la maroquinerie française, nombre d’entre elles sont à l’origine des maisons de couture. Alors pourquoi ne pas proposer directement des sacs mariant savoir-faire maroquinier et talent haute couture ? C’est l’idée d’Emmanuel Bosson qui, en alliant les techniques de malletier à celles de brodeurs, revisite à sa façon la minaudière ou le sac bijou. Pourtant, rien ne prédestinait ce graphiste, diplômé de l’école Penninghen, à concevoir ce genre d’accessoires. Mais le hasard d’une rencontre avec un designer de casquettes de baseball aux États Unis le met sur la voie de la passementerie, avec la décoration de casquettes qui suscitent un certain engouement. Après avoir décliné le principe sur des bérets, des espadrilles et même des charentaises, il réfléchit à l’appliquer à des « accessoires moins mineurs ». L’expérience sur des sacs avec la société Audouin et Fils est plutôt encourageante mais pas encore tout à fait concluante pour ce perfectionniste. C’est alors qu’il se souvient d’un aïeul malletier et tente le concept de mini-malles couture. Après près d’un an de formation en autodidacte, pas mal de patience et beaucoup de travail, il parvient à maîtriser la malleterie et en est aujourd’hui à sa vingtième mallette entièrement fabriquée de ses mains. Gainée de cuirs divers provenant de la société Adapta Paris – qui propose les stocks inutilisés des griffes de luxe -, renforcée de cornières cousues au point sellier et ornée de boutons précieux et de passementerie de chez Effets Passementerie ou Declercq Passementiers, chaque mallette en peuplier est unique. Nécessitant au minimum une quarantaine d’heures de travail et fabriquées à la demande toute option possible, les mallettes sont vendues 3 000 euros et plus sous le nom de Monsieur Bosson. Bientôt, l’utilisation de cuir exotique devrait venir compléter l’offre.

Sac Hélégant en veau et cuir de saumon de Hécourt, entièrement cousu main au point sellier, doublure en agneau.

Une maroquinière à bonne école

Les grandes maisons font aussi des émules parmi leurs anciens collaborateurs. Forte de son expérience de douze ans dans l’atelier de maroquinerie de Pierre Bénite d’Hermès, Hélène Godet s’est sentie prête, à la sortie du confinement, à lancer sa propre griffe, Hécourt, en 2021. « À la cinquantaine, j’avais envie de maîtriser l’amont et l’aval, de concevoir et dessiner mes propres modèles et de travailler de nouveaux types de cuir, explique cette diplômée en biologie moléculaire reconvertie dans la maroquinerie. Mon idée était avant tout de mettre mon savoir-faire à la disposition d’une clientèle pour proposer de la qualité à prix abordable ». À partir de modèles existants dans sa collection, la maroquinière fabrique sur mesure, de A à Z, un modèle unique répondant aux demandes d’une cliente ou d’un client venu souvent par le bouche-à-oreille ou par Instagram. Avec en signature l’inclusion de cuir de poisson en décor sur l’extérieur du sac, comptez entre 650 et 1 400 euros le sac à main selon la complexité du modèle. « Je travaille essentiellement le cuir de veau à tannage mixte des Tanneries Haas, avec une doublure en cuir d’agneau sourcé dans la région de Millau et les renforts en broyat de cuir. Pour le cuir marin, je me fournis toujours chez Ictyos en esturgeon, saumon, truite ou loup de mer, précise madame Godet. J’ai aussi beaucoup travaillé le lézard, le croco et l’autruche chez Hermès et suis donc à même de proposer des modèles en cuir exotique ou de restaurer d’anciens sacs. » Mais cette artisane passionnée ne s’en tient pas aux sacs à main et n’hésite pas à relever certains défis hors de sa zone de confort. Comme celui de gainer les intérieurs de coffrets en bois de son ami ébéniste Loïc Petitjean. Ou fabriquer sets de table et porte-addition pour la réouverture en mai 2025 du célèbre restaurant lyonnais La Cour des Loges, à la demande de son chef Anthony Bonnet. « Pour les sets de table, j’ai choisi un cuir nautique très résistant et pour les porte-addition, un article en vachette à tannage minéral pour l’extérieur et un agneau embossé motif caviar pour l’intérieur », détaille notre interlocutrice qui a à coeur de transmettre à son tour, deux fois par an, à un ou une stagiaire.

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Rédaction François Gaillard

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