La botte camarguaise, labellisée après la charentaise
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Le secteur de la tannerie-mégisserie est engagé sur tous les fronts dans une démarche responsable qui vise à réduire l’impact de son activité sur l’environnement. Amélioration de la qualité de l’eau, régulation des émissions polluantes, traçabilité, traitement des déchets, développement de process de tannage alternatifs… Tour d’horizon non exhaustif des initiatives durables d’acteurs référents de la filière.
Pour les tanneries-mégisseries, le traitement des effluents représente un enjeu majeur. L’industrie française du cuir ne cesse de renforcer ses procédés pour diminuer les émissions de substances polluantes dans l’eau et dans l’air. Si d’importantes quantités d’eau sont utilisées au cours des étapes menant de la peau brute au cuir fini, de nouvelles techniques de nettoyage et de rinçage permettent d’en réduire l’usage. Le dernier rapport social et environnemental de l’industrie européenne du cuir (SER 2020) édité par Cotance (confédération européenne des associations nationales de tanneurs et mégissiers), fait apparaître une réduction de 10% de la consommation d’eau depuis 2012, soit 120 litres/m2 de peau traitée, et d’environ 12% pour l’énergie. Grâce au recyclage de bains entre les étapes du trempage et pelanage, Conceria Incas, parmi les plus grandes tanneries transalpines, économise 53,7% d’eau. Les Tanneries Roux, elles, ont installé des foulons automatiques qui ont engendré une baisse significative de 17% de la consommation d’eau. « L’épuration de l’eau représente le problème numéro un dans la tannerie-mégisserie », rappelle Olivier Raynaud, Président de Raynaud Jeune. Pour ce faire, les tanneries intègrent leur propre station ou partagent une station entre plusieurs structures ou, à défaut, une station communale. Spécialisée dans le tannage à base de végétaux depuis sa création en 1928 – elle utilise le quebracho d’Argentine (PEFC) et du mimosa du Brésil -, la mégisserie tarnaise a doublé sa station d’épuration « avec un deuxième traitement biologique pour un montant d’un million d’euros qui permet l’élimination de 95 à 99% des effluents ». L’an dernier elle a mis en service des systèmes économiques d’alimentation en eau des tonneaux conduisant à une réduction de sa consommation de 15 à 20%. « De plus nous avons installé de nouveaux filtres plus performants pour traiter nos rejets dans l’air. » De leur côté les Tanneries Haas, acteurs majeurs de la filière veau, fournisseurs des plus grandes maisons de luxe (liées au groupe Chanel), participent activement aux travaux de traitement de l’eau et des effluents en tannerie dans le cadre du programme français de RSDE (Recherche et réduction des rejets de Substances Dangereuses dans l’Eau). L’entreprise alsacienne de Mittelbergheim va par ailleurs construire une nouvelle entité à proximité de son installation historique qui devrait être opérationnelle d’ici quatre à cinq ans. Agrandi et modernisé, le site répondra pleinement aux engagements d’économies d’énergie et d’eau.
L’innovation est au coeur de la transition écologique des entreprises du secteur, les solutions de tannage exempts de métaux en tête, comme c’est le cas de la tannerie Incas a mis au point un cuir « metal free » sous l’appellation « 40075 », soit la circonférence de la Terre en kilomètres. La concentration de métaux lourds de cette ligne est au plus bas – 320 ppm (0,032%) -, soit trois fois moins que la norme UNI EN ISO 17072-2, limitée à 1 000 ppm (0,1%). « Le zéro métaux lourds n’existe pas. Bien qu’un processus de tannage soit organique-végétal, l’étape du retannage ne peut être réalisée sans aucune trace de chrome. Or, nous avons également éliminé à son paroxysme la présence de métaux lourds à ce stade, finitions anilines et teintures comprises. Nous avons toujours pratiqué les traditionnels tannages minéral et végétal mais initions en parallèle cette production en espérant qu’elle deviendra à terme la principale », explique Stefano Giannotti, consultant technique. Pour y parvenir, la « première tannerie en Italie à avoir obtenu la Certification de Durabilité (Sustainability Certification) de l’Institut de Certification Qualité pour l’Industrie du Cuir (ICEC) », investit dans des infrastructures de finissage supplémentaires. « Nous usons de tannins végétaux qui proviennent de la filière Forest Stewardship Council (FSC). Parce que nous ne pouvons pas d’un côté gagner le bénéfice de supprimer les métaux lourds et de l’autre contribuer à la déforestation. » Depuis le début de l’année les Tanneries Haas intègrent dans leur fabrication une partie de cuirs à tannage sans chrome. En 2019 Conceria Superior a également présenté une ligne de cuirs exempts de métaux. En étroite collaboration avec l’École Normale Supérieure de Pise, la tannerie, fondée en 1962 à Santa Croce sull’Arno, berceau toscan de l’industrie du cuir, a mis au point un procédé de retannage innovant avec foulon à ultrasons permettant de réduire la quantité de réactifs à base de chrome couplé à l’utilisation d’azote pour le finissage des cuirs, réduisant drastiquement la présence de produits chimiques sur les peausseries. Sa voisine Nuti Ivo nuance toutefois l’évolution de cette activité. « Nous n’avons pas aujourd’hui la possibilité de faire une ligne de cuirs metal free entre deux productions de tannage chrome ou végétal parce que les eaux polluées ne peuvent être mélangées, leur traitement nécessite une unité à part. C’est pour cette raison que nous nous sommes associés à une usine française sur l’étape de rivière. Pour rappel, le tannage synthétique wet-white est constitué de produits de synthèse tels les aldéhydes. Le tannage metal free que nous proposons est à base de polymères et ne remplit pas les mêmes performances. Ce n’est pas avéré non plus que ce tannage soit plus durable en matière de consommation d’eau, d’électricité… En tout état de cause, l’industrie de la tannerie au chrome arrive à recycler et récupérer beaucoup de ressources pour minimiser l’impact. Si demain nous passons tous au metal free, nous devrons totalement revoir les stations d’épuration et les traitements biologiques », prévient Mario Donati, Directeur du groupe.
Fleuron français du luxe, les Tanneries Roux, spécialistes du cuir de veau, se sont positionnées à la pointe des préoccupations environnementales et sociétales. Une démarche qui leur a permis de devenir la première tannerie française à obtenir la certification du Leather Working Group (LWG), organisation internationale qui vise à améliorer l’impact environnemental de l’industrie du cuir. Michèle Baudens, la Directrice Commerciale, insiste sur le fait que le processus de certification LWG a impulsé dans l’entreprise une nouvelle façon d’être et pas seulement de faire, qui va bien au-delà. L’entreprise, entrée dans le giron du groupe LVMH en 2012, s’attache tout autant aux conditions d’élevage et d’abattage des bêtes qu’aux procédés utilisés dans le traitement des peaux, au respect de normes environnementales strictes ou l’amélioration des conditions de travail des salariés. Les tanneries ont mené un travail important avec leurs fournisseurs de peaux autour du bien-être animal. Parce qu’un animal bien nourri et bien soigné garantit non seulement une viande plus saine mais aussi des peaux plus belles. Afin de contrôler la provenance et de s’assurer de la traçabilité totale et du bien-être animal, elles privilégient les échanges directs avec de grands abattoirs français.
« La traçabilité en tant qu’outil pour la maîtrise de la bientraitance animale est un élément clé. Nous venons de nous équiper du système de marquage laser des peaux, unique au monde, développé par CTC (Comité Professionnel de Développement Économique Cuir, Chaussure, Maroquinerie, Ganterie) pour garantir l’innocuité », rappelle Jean-Christophe Muller, Directeur Général des Tanneries Haas. Stratégiquement établie dans la vallée de l’Arno, La Patrie srl se concentre, elle, sur un marché de niche, les précieuses peausseries d’alligator, qu’elle a à cœur de travailler dans le respect du bien-être animal et de l’environnement. L’an dernier, la tannerie s’est vue auréolée de la certification « Gold » par le Leather Working Group, une première en Italie récompensant une activité de cuirs exotiques. La récente structure, inaugurée en 2016, manie l’art de l’ennoblissement de l’alligator étasunien, pour la quasi exclusivité (85% de la production de l’usine). Une stratégie qui lui offre la latitude de renforcer la maîtrise de sa chaîne des fermes partenaires à l’arrivée des peaux salées jusqu’à la livraison du cuir fini. La Patrie se fournit strictement auprès des établissements membres de l’International Crocodilian Farmers Association (ICFA, l’association internationale des éleveurs de crocodiliens) qui fédère une douzaine d’entités. L’entreprise est ainsi en mesure de retracer toutes les étapes de transformation de la peau jusqu’à l’origine de la matière première et du lieu d’abattage.
Depuis toujours, Incas donne ses déchets à des sociétés et veille à leur destination. « Nos déchets à base d’agents tannants végétaux sont ainsi réemployés comme fertilisants », explique-t-on au sein de l’entreprise. Pour réduire son impact environnemental, la tannerie toscane Sciarada a mis au point, avec la contribution d’un chimiste professeur à l’Université de Pise, un processus de tannage inédit basé sur la régénération des déchets de sa propre production. 40% de déchets recyclés sont ainsi utilisés pour produire Evolo, sa ligne de cuirs velours, chrome et produits chimiques inclus. Sciarada récupère tous les déchets du processus de production au stade du wet-blue (premier tannage aux sels de chrome), les traite afin de les réintroduire dans son nouveau cycle de production en quantité réduite (10 000 ppm/k contre 30 000/k). Evolo n’est pas exempte de chrome mais l’entreprise a réduit le volume de produits chimiques nécessaires à cette production par trois. De plus trois fois moins d’eau sont nécessaires à la production d’Evolo, qui se voit également rationnalisée en 10 étapes contre 16 pour le tannage traditionnel. De son côté, la mégisserie française Raynaud Jeune, qui compte deux unités – l’une dédiée au tannage de peaux d’agneaux et l’autre à la fabrication de semelles – recycle 95% de ses déchets, exempts de chrome transformés en compost fertilisant et engrais (déchets humides) ou en synderme, matériau à base de déchets de cuir (déchets secs). 2020 a été l’année de la transition énergétique pour la PME de Mazamet avec « la mise en service d’une chaudière biomasse, entraînant une réduction de 95% de l’empreinte carbone comparée à une chaudière fuel, et la disparition du gaz à 90% », détaille Olivier Raynaud. Ses efforts devraient lui faciliter les démarches actuellement en cours visant à obtenir de nouvelles labellisations du Leather Working Group.
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Rédaction Laëtitia Blin, Juliette Sebille & Hélène Borderie
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