Le luxe français, fleuron de la dynamique de la filière cuir

Une filière résiliente, confiante et portée par le luxe ! Tels sont les principaux enseignements du rapport économique réalisé pour la première fois par la Filière Française du Cuir. Après trois années complexes et dans un contexte économique et géopolitique instable – inflation, hausse du coût de l’énergie et des matières premières, raréfaction des peaux françaises, pénurie de main d’œuvre, baisse de pouvoir d’achat…-, comment les entreprises du secteur ont-elles fait face ? Tour d’horizon d’une filière qui a d’ores et déjà renoué avec la croissance.

Un regain d’activité dès 2021

Si tous les maillons de la filière n’ont pas encore retrouvé leur niveau d’avant Covid, dès 2021, les exportations avaient dépassé de 11% le niveau de 2019. Un dynamisme qui se poursuit depuis le début de l’année grâce au rayonnement international du luxe français et ce, aussi bien en Asie (43% des exportations, en hausse de 36%) qu’en Europe (42% des exportations, +9%) ou en Amérique (14% des exportations, +37%). « Depuis 2020, la Filière Française du Cuir a bien résisté, elle a même conquis des parts de marché dès la reprise de l’activité. La guerre en Ukraine n’a pas de répercussions directes sur son commerce extérieur. En 2021, pour l’ensemble de la filière, les exportations françaises vers l’Ukraine et la Russie ne pesaient que 0,12% et 0,85% », souligne Frank Boehly, Président du Conseil National du Cuir (CNC).
La maroquinerie a même vu son chiffre d’affaires dépasser dès 2021 de 10% le niveau de 2019, et mise cette année sur une hausse de 27% versus 2019. « Les statistiques des ventes à l’export de l’Observatoire Économique du CNC confirment le succès grandissant des produits en cuir made in France avec la maroquinerie comme fer de lance. Le luxe bleu-blanc-rouge a ainsi de nouveau le vent en poupe sur ses deux principaux marchés, la Chine et les États-Unis », poursuit Frank Boehly.

Plébiscités à l’international, les produits français en cuir, en particulier la maroquinerie, dopent les exportations de la filière - Photo © Getty Images.

La maroquinerie, fer de lance des exportations

La France est le troisième exportateur mondial d’articles de maroquinerie pour un montant de 12,2 milliards d’euros, derrière la Chine et l’Italie. Les exportations de sacs à main, toutes matières confondues, ont crû de 14% en volume et de 36% en valeur. Si la Chine est son principal client – en valeur, plus du quart des articles de maroquinerie importés par la Chine vient de l’Hexagone -, les exportations vers les États-Unis ont, elles, progressé de 43%. La maroquinerie française pèse en effet 80% des importations américaines en provenance de notre territoire. Le chiffre d’affaires des fabricants d’articles de maroquinerie (tous segments confondus – sacs à main, porte-monnaie, bracelets de montre, ceintures, articles de voyage, de bourrellerie…-) a bondi de 25% à 4,2 milliards d’euros en 2021, supérieur de 10% à 2019 (3,8 milliards d’euros). En 2022, selon les prévisions, le chiffre d’affaires devrait progresser de 27% par rapport à 2019.
Quant aux chaussures, 15 millions de paires sont fabriquées dans l’Hexagone pour un marché de près de 300 millions de paires et un chiffre d’affaires de 590 millions d’euros en 2021. La part des chaussures de ville et bottes à dessus cuir a progressé de 14% et celle des chaussures de sport de 57%. Ces statistiques sont à mettre en perspective avec un phénomène de « relocalisation encourageant, porté par l’appétence croissante des consommateurs pour le made in France, aussi bien pour les chaussures moyen, haut de gamme que luxe et sport », souligne Dorval Ligonnière, Responsable Études et Marketing au sein de la Fédération Française de la Chaussure (FFC), qui cite en exemple l’ouverture en 2021 de l’usine ASF 4.0 de Chamatex en Ardèche, spécialisée dans la production automatisée de modèles de sport. Des chaussures principalement exportées sur le vieux continent : sur 100 paires, 92 le sont en Europe où le prix de vente a progressé de 1% alors que le prix moyen des chaussures exportées en Asie et aux États-Unis, positionnées plus haut de gamme, a progressé respectivement de 9% et 22%.

Les chaussures, comme les autres secteurs de la filière, font face à l’augmentation des coûts des matières premières, de production et de logistique - Photo © Marco Strullu pour Maison Clairvoy.

Tensions sur les peausseries disponibles

Face à cette demande, le prix moyen des peaux a subi des évolutions variables au premier semestre 2022 selon la provenance géographique et le type d’animal, constate le salon italien Lineapelle. La forte inflation sur la peau de veau est liée à une demande élevée du secteur français de la maroquinerie, avec des prix en hausse de 13% pour les provenances de France et d’Italie et de 15% depuis les Pays-Bas. L’augmentation est moindre pour les peaux de mouton (+4% en Espagne, +1% en Nouvelle-Zélande). Cette inflation subie par l’amont se répercute sur les stratégies commerciales des fabricants. Ainsi la Fédération Française de la Ganterie indique que le secteur a augmenté ses tarifs de 12 à 15%. Du côté des chaussures, M. Moustache explique avoir révisé ses prix d’environ +7% en 2022 pour pallier la hausse des coûts des matières premières. De son côté, Chamberlan, spécialiste de la chaussure femme sur-mesure fabriquée en France, a revu ses tarifs à la hausse de 4%.
L’industrie du cuir est dépendante de la chaîne alimentaire, les animaux étant élevés pour leur viande et leur lait et non pour leur peau. Or, entre 2007 et 2016, la consommation de viande a diminué de 8% selon le CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie), une tendance qui se poursuit depuis et s’explique par l’augmentation des prix et une approche flexitarienne qui repose sur une consommation plus occasionnelle de viande. À cela s’ajoute le recul régulier du nombre d’élevages dans l’Hexagone, ce qui limite les peaux françaises disponibles pour la filière. « Depuis 1985, nous constatons une diminution de 30% des abattages de gros bovins ; et de 60% des veaux alors que la demande de l’industrie de la maroquinerie de luxe est forte sur les cuirs finis de veaux, impactant le prix des peaux », indique Philippe Gilbert, Directeur de l’Observatoire Économique du CNC. Malgré une diminution de son cheptel, la France reste le troisième exportateur mondial de cuirs et peaux brutes, derrière les États-Unis et l’Australie. Si l’essentiel des ventes est réalisé en Europe – l’Italie, son principal client, représente les trois quarts des exportations françaises en valeur -, les exportations progressent fortement vers le Portugal (+71%), le Maroc (+47%) ou encore la Tunisie (+20%), pays où les entreprises ont délocalisé ou relocalisent leur production. « La Chine est également un important client de la France : les ventes de cuirs finis, en valeur, y ont doublé par rapport à l’an dernier », poursuit Philippe Gilbert.

Malgré une diminution de son cheptel, la France reste le troisième exportateur mondial de cuirs et peaux brutes - Photo © Vincent Colin pour la Fédération Française de la Tannerie Mégisserie.

Évolution des comportements d’achats

Dans un contexte incertain et avec un pouvoir d’achat contraint, la consommation de produits en cuir des Français évolue, laissant apparaître de nouveaux comportements. D’août 2021 à fin juillet 2022, un Français sur deux (53%) a acheté au moins un produit en cuir, toutes catégories confondues selon le panel Worldpanel Fashion de Kantar. Durant cette période, nos concitoyens ont acheté en moyenne 2,5 articles pour un budget de 105 euros par personne. Les Français plébiscitent les chaînes de magasins spécialisés (16%) et les boutiques indépendantes (15%) avant internet (14%) selon l’étude consommateurs Happydemics réalisée en juillet 2021 pour l’Observatoire Économique du CNC. « Le cuir est perçu comme une matière onéreuse par 70% des Français mais durable (73%). Des propriétés qui se prêtent pleinement à la seconde main, phénomène en plein essor : 31% des articles vendus sur le web sont en cuir, et jusqu’à 41% pour les 18-34 ans particulièrement adeptes du e-commerce. Les chaussures sont les articles en cuir le plus achetés en seconde main (32,5%), devant la maroquinerie (23%), les vêtements (18%) et les gants et le mobilier (environ 13% chaque) », relate Marc Brunel, Directeur du Conseil National du Cuir.

Pour leurs achats d’articles en cuir, les Français plébiscitent les chaînes de magasins spécialisés et les boutiques indépendantes avant le web.

Le made in France gagne du terrain

Même si dans l’Hexagone, le made in France reste un marché de niche (3% à 5% des achats), les consommateurs sont de plus en plus sensibles à la provenance des produits et aux conditions de fabrication, en témoigne le succès du dernier salon MIF Expo à Paris en novembre où la Filière Française du Cuir disposait d’un stand dédié, Made in Cuir. L’attrait de nos compatriotes pour les articles en cuir et le made in France se révèle un atout pour la filière qui fait néanmoins face à une pénurie de main-d’œuvre.

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Rédaction Laëtitia Blin

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