La botte camarguaise, labellisée après la charentaise
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Depuis 17 ans un groupe de femmes et d’hommes bénévoles – bottiers, patronniers, piqueurs, mais aussi anciens élèves de l’Atelier Maurice Arnoult (AMA) – transmettent avec passion les techniques du métier de bottier à un public varié, principalement féminin, prolongeant ainsi l’œuvre commencée par Maurice Arnoult dans les années 90.
De leur maître, auprès duquel les plus anciennes se sont formées, ces passionnés conservent la liberté d’esprit qui l’a poussé à enseigner bénévolement à des femmes dans son atelier de Belleville, un art auquel elles n’avaient pas accès. Désormais situé dans le quartier de la Goutte d’Or, l’AMA est devenu un lieu de ressource autour des métiers de la chaussure, mais également un centre de formation, préparant au CAP de cordonnier-bottier un public en reconversion, avec un taux de réussite de 100%, et le seul à proposer l’apprentissage des spécificités de la botterie femme.
En ce jeudi soir comme les autres à l’Atelier Maurice Arnoult, cinq élèves sont venues peaufiner les souliers féminins présentés à la fête des métiers d’art et de la création au château de Saint-Jean-de-Beauregard. L’atmosphère est gaie et les discussions vives autour de leur formateur, Jacques Zakoyan. On a le sentiment de s’être introduit dans une réunion familiale. Une famille accueillante dans laquelle on se sent vite intégré dans un cercle quasi exclusivement féminin. Récemment un homme avait bien rejoint la formation longue, nous confie Isabel André, mais il a malheureusement dû abandonner et c’est une promotion exclusivement féminine qui a obtenu cette année son CAP haut la main, faisant la fierté de tous à l’AMA.
Jacques Zakoyan, patronnier-piqueur, Laura Puntillo, designer et formatrice en montage soulier femme, et Isabel André, architecte d’intérieur et responsable des projets pédagogiques et des partenariats, ont réuni ce soir-là autour d’eux cinq élèves : Bella, Charlène, Isabelle, Murielle et Aurélie. Si Bella peaufine une paire de mules qu’elle souhaite assortir à un sac fait spécialement pour elle par l’atelier de maroquinerie de luxe Dognin, voisin de l’association, les autres apportent les dernières touches à des souliers de rêve, inspirés par les contes de fées, thème retenu cette année pour la fête des métiers d’art qui a eu lieu fin juin.
Ces femmes viennent de tous horizons et suivent les cours depuis plusieurs années, avec cependant des attentes bien différentes. Charlène, maroquinière dans une maison de luxe, prend part aux cours depuis quatre ans, par passion des souliers, sans pour autant envisager de se lancer dans la création de chaussures. En revanche, Isabelle, qui a commencé les cours en 2020 dans le cadre d’une reconversion, a quitté son métier dans la publicité, obtenu son CAP de cordonnier-bottier et travaille désormais dans un atelier parisien de cordonnerie haut de gamme. Elle a pour projet de créer un jour son propre atelier de cordonnerie. Muriel, infirmière de bloc en chirurgie dentaire, suit les cours depuis quatre ans à raison de trois heures par semaine plus les weekends, guidée par un besoin d’exprimer sa créativité, mais aussi pour l’esprit du lieu, l’entraide et les échanges qui font qu’elle songe à son tour à s’investir dans la transmission, comme l’ont fait Laura et Isabel avant elle. C’est une des forces de l’association, de pouvoir recruter parmi les passionnés des individus qui ne se professionnaliseront pas obligatoirement mais deviendront ceux qui auront à cœur de transmettre le métier de bottier femme.
Cet engagement dans la transmission est le prolongement de l’esprit qui guida Maurice Arnoult toute sa vie, lui qui aimait ouvrir grandes les portes du 83, rue de Belleville qu’il occupa pendant 73 ans, à des élèves venues de tous horizons.
Maître bottier et personnage bellevillois, il n’a cessé d’exercer son métier de l’âge de 14 ans jusqu’à son décès à 102 ans. Cet homme d’exception, grand humaniste, déclaré Juste parmi les nations, au caractère bien trempé, véritable mémoire du quartier, ayant traversé la grande crise et les rafles pendant la guerre, œuvrait dès les années 90 à faire rayonner son art bénévolement auprès d’un public composé de femmes n’ayant pas pu avoir accès aux parcours de formation classique et désireuses d’apprendre les techniques de fabrication de souliers féminins. En effet, ces dernières sont alors cantonnées exclusivement au patronage et au piquage et ne pratiquent jamais le montage des souliers. En formant ces femmes, Maurice Arnoult bouscule les usages mais fait aussi germer l’idée de ce qu’est devenue l’association Atelier Maurice Arnoult fondée en 2005 : un lieu de transmission du métier de bottier, orienté vers des publics qui, par leur parcours, leur situation personnelle, n’ont traditionnellement pas accès aux formations classiques préparant à ce métier.
En 2008, pour célébrer les 100 ans de Maurice Arnoult, les membres de l’association organisent une exposition aux Ateliers de Paris. Un soulier féminin est créé par les membres de l’atelier pour représenter chaque décennie. Le bottier Michel Boudoux fait partie des invités. Il renoue à cette occasion avec Maurice Arnoult auquel il avait fait appel dans les années 80 pour ses talents de finisseur, lorsqu’il vendait ses modèles aux coquettes raffinées de l’avenue Montaigne sous la marque « Michel ». Au décès de Maurice Arnoult, Michel Boudoux va prendre sa relève et enseigner bénévolement auprès d’une douzaine d’élèves l’art de la fabrication des souliers féminins. Le maître bottier va, aux côtés du bottier Jacques Aslanian et du piqueur Léon Mesrobian, s’investir à raison de deux ou trois fois par semaine, transmettant au-delà des techniques de fabrication, lui qui a été formateur auprès des Compagnons du Devoir tout un pan d’histoire de la botterie de luxe parisienne qu’il a incarné pendant les quatre décennies que couvrent sa carrière. Ensemble, aux côtés des membres de l’association, ils ont développé l’offre proposée par l’AMA, pour en faire, non seulement le seul espace de formation en France ouvert aux adultes proposant de se spécialiser en botterie femme, mais aussi un centre reconnu et certifié, préparant au CAP de botterie-cordonnerie ainsi qu’un lieu de ressource et de sauvegarde des savoir-faire de ce métier d’art.
Les formations proposées par l’association se présentent comme un parcours évolutif, pouvant mener à la professionnalisation. Les stages d’initiation sont proposés en première intention et sont le passage obligé pour qui voudrait suivre les cours annuels. Ils se présentent sous la forme de cinq modules d’une durée comprise entre deux et quatre jours à suivre dans l’ordre. Ils permettent un apprentissage des bases du métier, par une formation aux gestes techniques de la botterie femme faite intégralement à la main.
Les cours annuels réunissent cinq élèves ayant suivi le stage d’initiation et leur enseigne le montage d’un soulier femme ou d’une chaussure homme, le patronage et le piquage. Ils peuvent aussi, au terme de ce module, préparer le CAP de cordonnier-bottier en candidat libre. C’est une des missions que l’association s’est fixée : permettre à des publics en difficulté, notamment les jeunes de 16 à 25 ans qui souhaitent apprendre un métier, mais aussi les adultes en reconversion désireux de changer de parcours, de se former à un métier d’art. Depuis décembre 2021 la formation a reçu la certification Qualiopi (marque qualitative attribuée aux prestataires de formation participant activement au développement des compétences, NDLR -) ainsi que le soutien du PRIC (Pacte Régional pour l’Investissement dans les Compétences) grâce auquel la région s’engage à permettre à des publics en difficulté d’accéder à l’emploi par la formation. Une démarche qui a fait ses preuves, puisqu’une quarantaine d’élèves sont actuellement en formation à différents stades et depuis 2017, 100% des élèves qui se présentent au CAP sont sortis diplômés.
D’autres formations et ateliers courts sont aussi proposés pour les curieux à la recherche d’un aperçu des techniques ou qui souhaitent fabriquer un objet précis. Elles aident à faire connaître le métier de bottier à un public de plus en plus friand d’artisanat.
Fidèle à ses origines, l’Atelier Maurice Arnoult tient à son ancrage dans un quartier populaire, qui lui permet aussi d’être au plus proche de publics exclus des circuits classiques de formation. Engagé dans la promotion d’une économie locale, circulaire, utilisant des cuirs recyclés provenant de dons, l’association a vu ses formations intégrées au programme ParisFabrik. Actrice d’une économie artisanale du peu mais du mieux, elle reste en recherche permanente de partenaires et de donateurs afin de trouver les matières premières ou encore l’outillage nécessaire au travail de l’atelier.
Aux Journées Européennes des Métiers d’Art de Beauregard cette année, c’est pour la première fois sans Michel Boudoux que, l’équipe de l’AMA, les élèves de Laura Puntillo, Charlène, Isabelle, Murielle, Aurélie et les autres ont présenté leurs souliers fous, inspirés par Le Petit Chaperon Rouge, Alice au Pays des Merveilles ou encore Le Petit Prince. Le maître bottier est décédé au mois de mai, peu avant l’ouverture du salon, laissant l’association orpheline. Les précieux anciens veillent et continuent de transmettre aux plus jeunes, l’esprit de Maurice Arnoult et de Michel Boudoux reste lui bien vivant.
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Rédaction Hélène Borderie
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