37ème Festival de Hyères : ode à une mode libre, engagée et responsable

Festival Hyères 2022 Jenny Hyttonen punk cuir clous
La collection punk et glamour de Jenny Hyttönen - Photo © Etienne Tordoir.

C’est dans une atmosphère créative bouillonnante que s’est tenu du 13 au 16 octobre dernier le 37ème Festival international de mode, de photographie et d’accessoires de Hyères. Comme à leur habitude, Jean-Pierre Blanc, fondateur du festival et Directeur de la Villa Noailles, et Pascale Mussard, sa présidente, ont su réunir autour des jeunes concurrents une foule d’artistes et créateurs émergeants et reconnus, proposant expositions et performances, mêlant Art et Mode et créant le terreau d’échanges fertiles.
On a pu sentir dans les propositions des lauréats une certaine maturité et une grande maîtrise, mais aussi le poids des préoccupations sociales et écologiques ayant fait naître, en réaction, un besoin encore plus grand de s’affranchir des conventions.
Une envie d’ouvrir encore plus grand une fenêtre de liberté, incarnée aussi dans les choix des jurys réunis sous l’égide de Glenn Martens (Directeur Artistique de Y/Project et de Diesel, et créateur de la collection Jean-Paul Gaultier couture été 2022) pour la mode, et d’Aska Yamashita (Directrice Artistique de l’Atelier Montex) pour les accessoires.
Cette année, les créations reflétant l’audace, l’engagement social et environnemental, l’innovation mais aussi la maîtrise du geste, ont été récompensées.

Dialogue entre artisanat et création

L’installation Broderythme, conçue par Aska Yamashita, fournit une belle entrée en matière mettant à l’honneur l’échange entre technique et esthétique, artisanat et création, qui a infusé un certain nombre de travaux présentés cette année.
La directrice artistique, aussi dessinatrice et brodeuse, a créé des panneaux composés de pièces de cuir d’agneau de la mégisserie Bodin-Joyeux ennoblis par les imprimés de la Maison Demeure et rebrodés de perles cristallines. Un atelier ouvert au public permettait de s’essayer à compléter les pièces déjà installées et de toucher du doigt la difficulté de créer un motif équilibré et élégant.
Une réflexion sur les savoir-faire qui a guidé le travail d’Adèle Dendaletche : elle a conçu une collection de chaussures en inventant ses propres outils afin de maîtriser l’intégralité du processus.  Elle a élaboré une série de moules dans lesquels elle a coulé des semelles réalisées en résine, qu’elle empile au grès de ses envies. Scylia Chevaux, de son côté, poursuit une recherche esthétique sur les liens entre artisanat et technologie. Dans ses collections, l’outil vient littéralement ennoblir l’accessoire qu’elle orne de pièces anciennes chinées. Lee Le Prunennec a, elle, revisité la technique du gainage cuir créant, grâce à l’impression 3D, des formes complexes et emboitées, recouvertes de peaux fines.
En mode, c’est le double lauréat Valentin Lessner (Prix 19M des Métiers d’Art et Prix Mercedes Benz de la collection écoresponsable) qui offre une démonstration où l’art du tailleur, inspiré de sa Bavière natale et de ses traditions familiales, se combine à un streetwear aux proportions amplifiées, avec des pièces réalisées en matières recyclées.

Innover et revaloriser

Le sourcing de matières premières était au cœur des préoccupations de chacun et l’upcycling à l’honneur. L’Atelier des Matières, crée par Chanel en 2019 et qui revalorise les matériaux inemployés, a d’ailleurs rejoint les sponsors du festival. Il a décerné un prix au travail de la finlandaise Sini Saavala : cette dernière a conçu des silhouettes à la féminité éthérée à partir de vêtements et lingerie de seconde main tachés. La française Lora Sonney a, quant à elle, trouvé l’inspiration matière dans le jardin de la maison de ses parents où elle a vécu le confinement. Elle a retravaillé à la presse des tuyaux d’arrosage, obtenant la matière première d’immenses trenchs, capelines et sacs.
Du côté des accessoires, Lisa Van Wersch a utilisé des matériaux pauvres comme des porte-clés en plastique associés à du cuir recyclé et de la peluche pour doudous en coton afin de créer des sacs fourre-tout. Son travail est le fruit de six mois passés avec des enfants sans domicile des rues de Berlin, à échanger autour de ce qu’ils transportent d’indispensable avec eux chaque jour.

Prendre position et susciter l’émotion

Un attachement à témoigner d’une certaine noirceur sociale que l’on retrouve dans le travail du français diplômé de l’IFM, Joshua Cannone, qui ne pouvait laisser indifférent. Il a reçu le Grand Prix du Jury Accessoires pour sa collection Static composée de grands sacs en cuir noir, conçus sur le modèle des sacs mortuaires, mais aussi des accessoires plus petits inspirés par les rongeurs omniprésents dans la ville de New York où il a passé son enfance. Une sorte de symbiose entre humanité et animalité qui témoigne de l’ambiance oppressante d’une ville ultra-moderne, où le capitalisme triomphant côtoie la misère la plus crue.
Dans un registre plus léger, la française Justine Gevas a souhaité revisiter les codes de la séduction féminine en proposant des accessoires de mode pour mule, chaussure qu’elle a retenue pour son association au boudoir et à la lingerie. Elle en transforme la silhouette pour en faire les objets d’une féminité moins soumise et plus conquérante baptisés Pearl Armor. Enfin, Jenny Hytönen, Grand Prix du Jury Première Vision et Prix du Public, a proposé des silhouettes mixtes en maille rebrodée de cristaux ou en cuir hérissé de pointes métalliques, entre délicatesse sensuelle et noirceur punk. Une collection pleine de maîtrise et très graphique dans des matières réinventées, comme une synthèse de ce vers quoi tend la scène émergeante.

Inscrivez-vous à la Newsleather pour recevoir nos articles à votre rythme et selon vos préférences de thématiques.

Rédaction Hélène Borderie

j'AIME
TWEETER
PIN IT
LINKEDIN
Cuir Invest

Consultez
les derniers articles
de la rubrique

elit. suscipit dictum ut Lorem quis, lectus Donec accumsan nec felis tristique
Fermer