Gare au fake cuir !
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En matière d’artisanat comme dans le domaine de l’innovation industrielle, la protection du savoir-savoir constitue un enjeu de plus en plus stratégique pour les entreprises. Dans le domaine du cuir, ceci est d’autant plus vrai que les entreprises partagent la même passion du travail de la matière cuir et des savoir-faire d’excellence, fruits de traditions et d’innovations séculaires. La filière du cuir française est renommée pour son savoir-faire d’exception, reposant sur un processus complexe et minutieux se déployant à travers plusieurs étapes essentielles, de la sélection des peaux en passant par le tannage jusqu’à la finition des produits finis.
Alors qu’il existe un risque de déperdition de savoir-faire liée aux départs à la retraite et aux difficultés de recrutement, ce patrimoine est jalousement protégé et valorisé, car il est le gage d’une industrie durable et florissante et de la qualité et la réputation du cuir français sur la scène internationale et n’a de valeur que s’il est conservé secret. Or, la mondialisation, le recours croissant à la sous-traitance comme l’usage des technologies de stockage via cloud sont autant de facteurs qui viennent accroître le risque de divulgation.
La sécurisation des données en lien avec le savoir-faire doit être une préoccupation constante pour l’entreprise. En effet, le savoir-faire représente un actif précieux et valorisable dont la perte, en ce qu’elle entraîne celle de l’avantage concurrentiel qui en découle, est toujours préjudiciable pour l’entreprise.
La notion de savoir-faire recouvre l’ensemble des informations, connaissances et données à haute valeur ajoutée détenues par une entreprise, sous réserve d’être secret, substantiel et identifié. Le savoir-faire peut concerner toutes les étapes clés de la conception d’un produit jusqu’à sa commercialisation, et concentre des formats variés tels que cahier de recherches et de développement, méthodes de prospection, recettes, procédés de fabrication, formulations spécifiques ainsi que certains algorithmes. Il concerne les domaines technologique, industriel, commercial, financier et organisationnel. Compte tenu de son caractère protéiforme, il n’existe pas un type de protection standardisé du savoir-faire. Sa préservation nécessite une approche sur-mesure dont l’efficacité est liée à la combinaison de divers outils.
Le secret des affaires est un outil juridique essentiel pour la protection du savoir-faire dans la filière du cuir. Il permet de protéger les éléments relevant du savoir-faire contre l’utilisation non autorisée par des tiers. Ces éléments peuvent porter sur des procédés de parage, de saumurage, de séchage, de conservation des peaux, de tri de peaux, des procédés de tannage, des étapes de corroyage, de finissage, de grainage, des opérations de finitions pour protéger la matière cuir, ou encore des listes de fournisseurs, de produits chimiques ou de clients.
La loi française du 30 juillet 2018, en transposant la directive européenne sur le secret des affaires (2016/943), offre un cadre légal pour protéger ces informations, codifié aux articles L. 151-1 et suivants du Code de commerce. Pour être protégées, les informations doivent répondre à trois critères : être secrètes, avoir une valeur commerciale, et faire l’objet de mesures de protection raisonnables de la part de leur détenteur pour en conserver le caractère secret.
Ainsi, trois étapes demeurent nécessaires pour conserver le caractère secret des savoir-faire :
-identifier, formaliser et répertorier les informations et connaissances concernées par le secret des affaires afin de les isoler des autres : il peut s’agir de méthodes, recettes, travaux de recherches, programmes informatiques, plans…
-en conserver la preuve et les tracer via un horodatage, un recours à la blockchain, un entiercement ou le dépôt d’enveloppes e-Soleau ou de dépôts auprès d’officiers ministériels
-mettre en place des mesures juridiques, techniques et/ou opérationnelles pour préserver leur confidentialité au moyen par exemple de la signature d’accords de confidentialité avec des tiers, de clauses de confidentialité et de non-concurrence dans les contrats de travail, de protocoles de sécurité interne, de segmentation ou de restriction des accès à certaines catégories du personnel, de sécurisation des systèmes informatiques internes ou par la limitation et le morcellement des accès aux informations liées au savoir-faire.
Ces actions préventives pourront idéalement être complétées par des sensibilisations régulières auprès des acteurs concernés sous la forme de formations ou d’atelier de sensibilisation. En tout état de cause, les moyens de protection devront systématiquement intégrer les collaborateurs. En cas de violation du secret des affaires, les entreprises peuvent engager des poursuites judiciaires afin d’obtenir des injonctions, des réparations financières et d’autres mesures correctives. Le recours aux injonctions préventives permet d’empêcher la divulgation imminente de secrets d’affaires par des anciens employés ou des tiers non autorisés.
Pour valoriser leur savoir-faire, les entreprises doivent adopter une approche proactive en matière de propriété intellectuelle. Cela inclut l’audit régulier de leurs actifs immatériels, et en complément du secret des affaires, l’analyse stratégique de dépôts de nouveaux brevets, de nouvelles marques, dessins et modèles, de bases de données, ainsi que la surveillance des marchés pour détecter et agir contre les contrefaçons et/ou actes de concurrence déloyale. La collaboration avec des cabinets de conseils en propriété intellectuelle est souvent nécessaire pour optimiser ces stratégies.
Ainsi, brevet et protection par le secret des affaires ne sont pas antinomiques. Au contraire, leur combinaison, si elle est savamment élaborée, s’avère être la stratégie de protection la plus efficace. Il conviendra de bien distinguer en amont les savoir-faire devant être couverts par le secret de ceux pouvant être publiés, ce qui comporte une incidence sur les choix de mode de protection.
Enfin, les fonds mobilisés pour la protection du savoir-faire doivent être perçus davantage comme un investissement qu’un centre de coût. Le savoir-faire contribue à préserver la valeur qui en découle, qu’il s’agisse d’un positionnement avantageux sur le marché, un levier de rentabilité ou un facteur d’enrichissement potentiel. Rappelons, en effet, que le savoir-faire, s’il est suffisamment protégé, peut faire l’objet de contrat de licence ou d’un contrat de communication de savoir-faire, générant des redevances constitutives de sources de revenus complémentaires.
En conclusion, la défense du secret des affaires nécessite une approche globale combinant des mesures contractuelles, techniques, organisationnelles et juridiques. En mettant en place ces différentes stratégies, les entreprises peuvent mieux protéger leurs informations sensibles et préserver leur avantage compétitif.
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Rédaction Pauline Jeanroy et Charlotte Montaud – Cabinet Plasseraud IP
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