Inspirées par les exemples d’aînées considérées comme le nec plus ultra de la maroquinerie, de jeunes pousses se lancent sur le marché. Avec l’intention de marcher sur leurs traces ou de s’en différencier. Focus sur cinq marques confirmées en cette rentrée. Deuxième partie.
Pour des passionnées de mode comme Ervée Payan et sa fille Sarah Serrat, la prospérité des grandes marques est sans nul doute un facteur incitatif à se lancer dans le secteur. Mais la complicité fusionnelle des deux femmes et leur complémentarité intergénérationnelle ont donné une identité particulière à leur projet commun. « Notre projet est né d’une séparation, ou plutôt de retrouvailles après le séjour longue durée de ma fille en Australie, explique Ervée Payan. Ancienne cadre dans l’environnement, je me suis reconvertie dans la maroquinerie avec une formation par tutorat et nous avons lancé en 2017 la griffe By Ninette. Nous avons opté pour des matières végétales à base de maïs, de cactus et d’ananas mais nous nous sommes vite aperçues des faiblesses de ces matières, de leur net déficit de résistance par rapport au cuir et du plastique qu’elles pouvaient éventuellement contenir. Sans renoncer à notre désir de durabilité, nous avons donc changé notre fusil d’épaules en janvier 2025 et misé sur les stocks dormants de cuirs sourcés chez Adapta Paris ». Sous le nouveau nom d’Ervée, deux modèles en veau lisse sont sortis à la rentrée – le Baleti et le Fada -, déclinés en trois tailles. Un porte-cartes complète l’offre pour l’instant. « Je confectionne les prototypes et suis la fabrication sous-traitée dans un atelier à Saint-Junien, indique madame Payan. Ma fille prend en charge l’aspect commercial, image et communication. Mais nous réalisons la création à quatre mains. » Quitte à faire l’une ou l’autre quelques concessions, comme Sarah pour le Baleti, plus fonctionnel ou Ervée pour le Fada petit format, plus show-off. Affichés 55 euros le porte-cartes et 295 à 450 euros les sacs, les produits sont distribués dans la boutique de Brive-la-Gaillarde où réside Ervée et dans le showroom de Marseille où Sarah demeure. « D’ici deux ou trois ans, nous aimerions ouvrir d’autres boutiques dans des grandes villes et même à l’étranger, déclare la manageure. Mais notre objectif, à court terme, est de pérenniser le point de vente de Marseille voulu comme un salon de rendez-vous et d’événements et la boutique en ligne avec de l’influence. » Avec son approche mère-fille, la marque a de quoi séduire une large cible, de tous les âges.
S’inspirer n’est pas copier et peut même conduire à vouloir faire différemment. Après plusieurs expériences dans la création et la vente pour différentes marques, Sabrina Mohamadi a décidé en 2023 de lancer sa « petite marque engagée. L’épreuve du Covid-19 m’a convaincue de me lancer dans l’entrepreneuriat, déclare cette styliste passée par l’IFA Paris, ex Mode Estah. Sans connaissance poussée sur le cuir, j’ai suivi fin 2019 un stage à l’atelier Draft où mon goût pour cette matière s’est confirmé. Je voulais toutefois apporter une autre vision, plus responsable, d’une marque de maroquinerie. J’ai donc fait appel au dispositif Faire De Lance pour mettre en place mon projet. Celui-ci m’a aidé à trouver un fournisseur de cuir et un partenaire en France pour fabriquer mes collections ». Utilisant les peaux considérées comme imparfaites et refusées par les grandes maisons – du taurillon de la tannerie Rémy Carriat d’épaisseur 2,2 – 2,4, Moholess collabore avec l’association APF France Handicap et l’atelier de maroquinerie Feoni pour la fabrication des sacs en Normandie. Deux modèles sont pour l’instant proposés : le Top Bag, ainsi baptisé pour sa ressemblance avec un débardeur, muni d’une bandoulière et sa déclinaison extra large, vendus respectivement 350 et 295 euros. Pour l’instant, les séries de production sont limitées à une vingtaine d’exemplaires et sont vendues sur le site internet de la marque. Mais depuis le 30 octobre, on peut aussi les acheter au Printemps Haussmann sur un petit corner éphémère. « J’aimerais développer des accessoires d’écriture comme une trousse en cuir, un tapis de souris ou une couverture de livre ; mais toujours dans une démarche d’économie circulaire et solidaire », annonce la créatrice déterminée.Qu’elle se place dans la droite ligne de la tradition maroquinière hexagonale ou qu’elle s’en écarte par une approche écoresponsable, la relève des grandes marques ne se fait pas attendre. À travers des initiatives individuelles, la qualité à la française se perpétue. Et c’est le consommateur qui en profite avec un choix toujours plus vaste de produits désirables. Avis aux amateurs.
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Rédaction François Gaillard