La main dans le sac…

Dior sac Saddle collection Cruise 2023
Sac Saddle Dior Cruise 2023, campagne digitale - Photo © Laura Sciacovelli.

Baguette, Brillant, Birkin, Speedy, Kelly… Presque devenus des noms génériques, ils se sont installés dans l’histoire de la mode comme des éléments incontournables. Alors que l’on soit pris la main dedans, qu’il soit à malice, à puces, d’os, d’embrouilles ou de noeuds, que parfois on le vide, que l’on mette tout dans le même, ou que l’on se fasse homme de sac et de cordes, une chose est sûre, cet accessoire indispensable (bel oxymore…) est l’un des témoins de notre époque. Dans ce « système de la mode », il est tantôt objet statutaire, tantôt support d’expression pour les artistes qui s’emparent de la force symbolique de ces créations ou bien terrain de jeux des marques de luxe pour des collaborations parfois aussi surprenantes qu’incongrues. Plus prosaïquement, le sac à main est peut-être aussi devenu l’un des meilleurs investissements du moment.

Gotha et first ladies

Classiques, belles matières, lignes immédiatement reconnaissables, souvent copiés mais rarement égalés, ils se balancent au bout des doigts des têtes couronnées ou des premières dames, ce sont les incontournables Kelly, propulsé par la princesse du même nom au rang de star mondiale de la maroquinerie, le Traviata de la maison Launer qui ne pouvait rêver meilleure ambassadrice que Sa Majesté Elizabeth II…ou encore le Lady Dior, présent de la première dame Bernadette Chirac à la Princesse de Galles lors de sa visite officielle en France en 1995, longtemps même nommé le Lady Di par la maison Dior, le sac prendra finalement le nom de Lady Dior. Il est un véritable condensé des codes et de la grammaire Dior, le cannage de la décoration emprunté au mobilier de la maison d’enfance du couturier, les breloques dorés… Il reste le modèle emblématique de la maison, comme le Brillant de la maison belge Delvaux, imaginé en 1958, année de l’Exposition universelle de Bruxelles. Aujourd’hui, on l’aperçoit régulièrement au bras de Sa Majesté la reine Mathilde de Belgique. Pour l’épouse du Président de la République, dont on connaît l’attachement à la maison Louis Vuitton, il n’est pas rare de la voir arborer le modèle Capucine, à tel point que les clientes réclament parfois dans les magasins du malletier, le « sac de Brigitte Macron ».

Working girls

Les créations accompagnent les évolutions et sont aussi l’objet révélateur d’une époque : la femme s’émancipe, condensé de la philosophie Chanel, le 2.55, avec son matelassage emprunté au gilet des joueurs de polo qu’elle rencontre avec Boy Capel à Deauville, sa bandoulière en chaîne qui lui aurait été suggérée, elle, par les ceintures auxquelles les soeurs du pensionnat d’Aubazine, là où grandit la jeune Gabrielle, attachaient leurs clés, la doublure en basane coloris grenat inspirée elle aussi par la couleur de l’uniforme du pensionnat. Imaginé pour libérer les mains et les gestes des femmes, pensé par Chanel dès 1929, puisqu’elle détourne cette année-là, pour son usage personnel, une besace militaire, il est mis au point par Albert Monnot qui dirige alors le département sac et ceinture de la maison de couture. Relifté par Karl Lagerfeld dès son arrivée dans la maison de la rue Cambon, il se déclinera dans une nouvelle version avec ce fameux fermoir au double C. Il est tour à tour nommé Jumbo, Timeless, aujourd’hui commercialisé et décliné, saison après saison, sous le nom de Classique. De l’autre côté des Pyrénées, c’est la maison Loewe qui créée en 1975 son modèle emblématique, l’Amazona, suffisamment vaste, il est dessiné pour accompagner toute la journée d’une femme, du soir au matin, d’abord proposé dans les mythiques nappas de la maison espagnole, il se décline rapidement en toile anagram ou en veau suédé, dont cet inimitable coloris « oro ». En 2013, comme Lagerfeld chez Chanel en 1983, J.W. Anderson, à son arrivée à la direction artistique de Loewe, s’intéresse au potentiel de cette création emblématique en opérant quelques discrets changements de lignes et proposant des déclinaisons de matières et couleurs aussi audacieuses que le prêt-à-porter qu’il imagine pour la griffe.

Dior collection Cruise 2023 maroquinerie cuir
Sac Saddle Dior collection Cruise 2023, campagne digitale - Photo © Laura Sciacovelli.

Pop stars

Ils ne sont certainement pas là pour jouer les seconds rôles. Eux, ce sont les it-bags des années 90 – début 2000, qui s’imposent tant sur le papier glacé de la presse mode que calés sous les épaules des actrices et autre people. Prêt-à-porter Christian Dior printemps-été 2000, John Galliano impose une vision détonante de la femme Dior : sur le podium, le come-back de la toile « Dior Oblique » et un sac qui fait son apparition, le Saddle, inspiré par une photographie d’Helmut Newton mettant en scène une femme harnachée d’une selle de cheval, il devient l’archétype de ce qu’on appellera le it-bag, relancé par Maria Grazia Chiuri à l’automne-hiver 2018-19, puis décliné sur le podium des collections masculines avec Kim Jones dès 2018, il se décline dans des versions crossbody, tout croco, métal, brodé de breloques et de cristaux… C’est le sac « mode » par excellence.
Même cheminement pour le Baguette de Fendi, lancé en 1997 par Silvia Venturini Fendi en charge des accessoires de la maison, juste quelques centimètres carrés de fantaisie et de délire et son fermoir logo dessiné par Lagerfeld en 1965, qui va venir ponctuer les silhouettes. On est alors en plein règne du minimalisme dans la mode. Dans « Sex and the City » l’héroïne Carrie Bradshaw, incarnée par Sarah Jessica Parker, archétype de la fashionista, adopte ce petit sac que l’on cale sous le bras, comme une baguette de pain. Elle arbore dans un des épisodes le modèle à sequins « purple », il n’en faudra pas plus pour propulser l’accessoire au rang de it-bag, vison, croco, paillettes, satin, raphia… C’est une quantité infinie de variations de couleurs et de matières que la maison romaine propose depuis 25 ans. Un anniversaire fêté à New York lors d’un défilé consacré au Baguette avec la collaboration de Marc Jacobs et Tiffany & Co, et la réédition des modèles les plus emblématiques…dont le modèle à sequins de la série.
C’est un club très select que celui de ces célébrités qui ont donné leurs noms à un sac, comme le Birkin, fruit de la rencontre en plein ciel entre Londres et Paris, de Jean-Louis Dumas et Jane Birkin, qui imagineront ensemble durant le vol ce sac idéal, inspiré d’un modèle créé par le sellier, au début du XXème siècle, le Haut à courroies, et destiné à transporter selle et bottes de cavalier. Le mannequin Alexa Chung inspire à Mulberry le Alexa, une création elle aussi déclinée d’un modèle patrimonial du maroquinier anglais, le Bayswater. Chez Lancel, en 2008, c’est Isabelle Adjani qui prêtera son nom et s’impliquera même dans la création d’un sac, son sac idéal…

Fendi sac Baguette édition capsule Sarah Jessica Parker 25 ans
Sacs Baguette Fendi x Sarah Jessica Parker collection capsule 25 ans.

Muses et artistes

Quand les marques et les artistes dialoguent ensemble, quand les artistes s’emparent de la symbolique et de la mythologie véhiculées par certains modèles, façon ready-made duchampien pour le français Bertrand Lavier, ou une exploitation et détournement des codes de la mode pour la suisse Sylvie Fleury. Une fascination et un intérêt des plasticiens pour la mode et plus particulièrement pour cet objet sac qui n’est pas nouveau puisque déjà dans les années 30, Dalí imagine pour Schiaparelli le fameux sac téléphone, puis toujours le même Salvador Dalí qui crée le Dalígram façon monogram Vuitton, sur un sac à la bandoulière chaîne de vélo, un alphabet secret comme une déclaration d’amour à sa muse Gala. Lancel proposera en 2011, une collection reprenant les codes graphiques imaginés par l’artiste. Ou à l’inverse lorsque les marques invitent les artistes à apposer leurs codes esthétiques aux productions maisons, souvent conçues comme des événements, souvent en édition limitée, c’est l’apparition du sac-objet, du sac collector, un sac à mi-chemin entre l’objet mode et l’oeuvre d’art. Champion de la discipline, toutes catégories confondues, Louis Vuitton qui, plus encore sous l’impulsion de Marc Jacobs, va multiplier les collaborations avec les plasticiens, et une liste de noms semblable au catalogue des collections des plus grands musées d’art contemporain : Jeff Koons, Yayoi Kusama, Stephen Sprouse, Daniel Buren, Takashi Murakami, Richard Prince, les frères Chapman, Ugo Rondinone, Urs Fischer… Des marques qui sont aussi à l’initiative de projets artistiques, ainsi le Lady Dior et le Capucine, respectivement Dior et Vuitton, sont tous deux l’objet d’un programme de production, « Lady Dior Art » et « Arty Capucine ». Ici des artistes sont invités à imaginer des éditions collector, des pièces uniques, et à proposer leurs visions de ces deux icônes de la mode.
Process de muséification et de mise en valeur de leur patrimoine par les grands noms du luxe, comme ce tout nouvel espace Louis Vuitton, « LV Dream », rue du Pont-Neuf, mettant en scène et ce, durant une année, une exposition de certaines des collaborations les plus emblématiques du malletier avec ces artistes, ou encore la galerie Dior, accolée à la boutique de l’avenue Montaigne, où le Lady Dior, le Saddle ou encore le plus récent Caro, occupent une place de choix. Autre preuve de cet engouement et de l’accession du sac de luxe à celui d’investissement, de valeur refuge, c’est aujourd’hui quasiment le même circuit que les oeuvres d’art qui s’applique à la maroquinerie de luxe, des éditions limitées, numérotées, des boutiques de seconde main qui ressemblent à des galeries d’art, des ventes aux enchères, des côtes et des records de vente que les collectionneurs suivent avec attention et qui ne sont rien moins que la traduction de ce phénomène, de ces sacs très haut de gamme proposés et considérés désormais comme objet de collection.

Éternels adulescents 

Puis voici venir l’émergence d’une nouvelle génération, bien décidée à s’affranchir des codes établis d’un luxe à l’image parfois compassée, bien décidée à s’amuser et faire de la mode un terrain de jeux. Gucci, Disney, Givenchy, Barbie, Balmain, Pokémon…tout ce petit monde et toutes ces références de la pop culture et de l’univers du divertissement cohabitent gaiement pour des accessoires collector, comme un engouement d’enfant, des sacs comme des jouets. C’est aussi cette génération Y, Z, ces nouveaux consommateurs concernés et décomplexés, qui feront des lancements d’aujourd’hui par les marques : citons le Puzzle de Loewe lancé en 2013, le Chiquito de Jacquemus en version micro sur le podium de la collection prêt-à-porter printemps-été 2018 avant de se décliner aussi bien au féminin qu’au masculin dans les collections suivantes, mais aussi Le Cagole de Balenciaga en 2022, le Charlie de Lancel en 2014 et son cuir de buffle grainé si reconnaissable, le Gabrielle de Chanel et l’incontournable Pharrell Williams comme ambassadeur, en 2017, ou encore le Cut-Out de Givenchy et ses lignes hyper graphiques, véritable signature stylistique du directeur artistique de la maison Matthew M. Williams… Autant de modèles qui seront les it-bags de demain ou bien rejoindront la longue liste des engouements éphémères comme la mode aime tant à les créer.

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Rédaction Florent Paudeleux

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