Focus sur trois nouveaux talents en maroquinerie repérés à Première Classe

Le cabas Aligre fait partie des accessoires, dessinés par Gilles Rosier, pour sa marque Éternel Parisien. Fabriqué à Paris en cuir de veau pleine fleur, 1 950€ prix boutique conseillé.

Le salon Première Classe aux Tuileries a fêté ses 35 ans en mars dernier et accueilli 25% de nouvelles marques. Parmi elles, Éternel Parisien, Absurde et Marie Bernadette Woehrl ont dévoilé leurs collections d’accessoires en cuir 2024-25. Trois visions singulières qui sortent la maroquinerie des sentiers battus.

Éternel Parisien défend la mobilité urbaine

Éternel Parisien a fait ses premiers pas sur le salon professionnel. Son fondateur, Gilles Rosier, n’est pour autant pas un inconnu. Le styliste, formé à la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne, a collaboré durant deux décennies avec Pierre Balmain, Christian Dior, Jean Paul Gaultier, Léonard, Lacoste, Kenzo. Il est aussi à l’origine de la marque avant-gardiste GR816, a défilé à Paris, a reçu le prix Andam… Sa solide expérience est un atout pour sa marque d’accessoires, longuement mûrie. Gilles Rosier préfère parler d’« objets du quotidien urbain », nés pour « accompagner les citadins dans tous leurs déplacements ». La Ville Lumière irrigue totalement la collection, qu’il s’agisse de la production artisanale – en partie made in Paris – ou des codes identitaires, tels le vert foncé des fontaines Wallace, des colonnes Morris et le bleu de Sèvres profond, qui colorent le cuir à tannage végétal. Chaque modèle, enfin, porte un nom évocateur de l’histoire de la capitale, Brongniart, Orsay, DauphineMarceau, par exemple, est un sac dont le rabat revisite les plaques de rue émaillées, de format carré et rectangulaire. Les cabas Beauvau et Aligre offrent des volumes généreux, à la fois souples et structurés, résolument mixtes. Adepte d’une élégance épurée et atemporelle, le créateur soigne particulièrement l’usage. Les sacs sont dotés de poches intérieures et conçus pour différents porters. Les anneaux permettent d’y accrocher divers petits accessoires, comme le porte-clés Breteuil ou la pochette Petit Palais, avec dragonne amovible. Les étuis assortis changent de taille selon leur fonctionnalité, iPad pour le Telegraph, carte de transport, baptisé, avec esprit, Sésame urbain ! Finition cirée mate, teinture de tranche faite main et logo embossé complètent la carte d’identité de ces nouveaux accessoires que Gilles Rosier appelle joliment « Éternels ».

La vision « crazy chic » d’Absurde

Sheila Pazos a étudié les beaux-arts et la mode. Si elle a dessiné des montres Swatch durant quelques années, la trentenaire a aussi suivi à Paris le programme « Génération Entrepreneurs », organisé par la FFPAPF, ADC (Au-Delà du Cuir) et Les Ateliers de Paris. Le salon Première Classe, où elle a dévoilé sa marque de maroquinerie, lui a ouvert un marché européen, américain, asiatique. Absurde, basé en Suisse, a séduit. « C’est une marque pour de grands enfants, précise la créatrice. J’ai choisi ce nom en référence au mouvement Dada, qui est né à Zurich. Pour moi, la mode permet de s’évader du réel. Mes sacs sont des objets, des pièces d’art portable. » L’humour, la fantaisie sautent immédiatement aux yeux. Les treize modèles en cuir, qui composent la première collection, ont tous un lien direct avec le thème de la route. À commencer par les noms ! Stop est un mini sac vertical. Speed Limit, One Way, Mountain Road présentent des découpes stylisées d’arbres, de montagnes sur la face avant. Les motifs contrastent en couleur, un élément stylistique récurrent. Une voiture miniature singularise encore les sacs. « À l’origine, ajoute-elle, j’avais placé la voiture sur le zip. J’ai rapidement décidé de la faire rouler sur la bandoulière surpiquée, comme s’il s’agissait d’une route ! » La créatrice a choisi de faire fabriquer ses pièces en Espagne, à Ubrique, connu pour son savoir-faire maroquinier. La pochette Cross Walk, qui figure un passage piéton, est, elle, fabriquée en Chine. Elle fait partie d’une ligne jeune, ludique, abordable.

Marie Bernadette Woehrl est une jeune marque artisanale de niche. Elle maîtrise totalement sa fabrication à Anvers d’accessoires en cuir tressé et frangé - Photo © Marelise Bots.

Marie Bernadette Woehrl sculpte le corps

Le concours Eyes on Talents x Première Classe l’a distinguée en 2023. Marie Bernadette Woehrl a testé aux Tuileries sa seconde collection, tout aussi expérimentale et sculpturale que la première. L’Allemande ne s’est pas installée à Anvers par hasard. « J’aime son ambiance artistique, son histoire de la mode, dit-elle. Ma première expérience chez Ann Demeulemeester m’a beaucoup inspirée ». L’Italie compte aussi pour elle. C’est en étudiant à l’Academia Costume e Moda de Rome, qu’elle s’est familiarisée avec les pratiques des tanneurs et des maroquiniers. Le cuir s’est révélé être le point de départ de sa marque éponyme. « C’est un matériau avec du caractère, poursuit-elle ! Il joue un rôle important dans le process de fabrication. Il met en valeur les formes, les détails. » Pour la créatrice, qui a « toujours aimé fabriquer de ses mains », le cuir est un mono-matériau idéal, qu’elle a apprivoisé avec « une inventivité simple, ingénieuse ». Marie Bernadette Woehrl n’a besoin que d’outils basiques – un dé, un cutter, des aiguilles – pour construire et mettre en forme des accessoires organiques, « à positionner » sur le corps même : tour du cou asymétrique et sac épaule à ceinturer, besace à huit sangles, ceinture jupe… Le cuir tressé aux longues lanières frangées caractérise l’ensemble de quinze pièces hybrides et polyvalentes. Sculptées et cousues à la main dans l’atelier anversois, elles ont toutes le noir monochrome comme point commun. « C’est ma couleur préférée. Elle est idéale sur la silhouette car elle souligne les lignes. Pour moi, c’est la plus élégante », souligne la créatrice. Elle a aussi fait le choix de cuirs de vachette à tannage végétal, d’agneau nappa plus souple, parfois upcyclés. « J’aime l’idée que le cuir s’embellit au fil du temps, explique-t-elle. L’artisanat honore l’objet. Je pense que la longévité est le seul moyen pour tout produit d’être consommé, aujourd’hui, de manière responsable ».

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Rédaction Nadine Guérin

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