Face aux enjeux du changement climatique, la propriété intellectuelle un levier pour la filière du cuir

En France, la filière du cuir compte 12.800 entreprises, générant 133 000 emplois, pour un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros, dont 18 milliards à l’export. Si les industriels du secteur ont su faire preuve de résilience lors de la crise du Covid, les objectifs extrêmement ambitieux des maisons de luxe en matière de politique RSE combinés à une pression grandissante de consommateurs, devenus très exigeants sur l’impact environnemental de leurs achats, ont conduit l’ensemble des acteurs de la filière à repenser leurs activités pour s’inscrire dans une démarche responsable et durable.
Selon le livre blanc RSE du Conseil National du Cuir, le travail du cuir est l’activité de valorisation la plus ancienne de l’histoire humaine. Le cuir est en effet un déchet de peau animale, transformé et magnifié en produit de luxe, de haute qualité, transmissible de génération en génération, véritablement adapté à une économie circulaire, du fait de sa durabilité et de sa réparabilité. La filière du cuir, fleuron du savoir-faire et du luxe français, rayonne à l’international et véhicule une image de tradition, d’excellence mais aussi de durabilité et d’innovation. En effet, l’industrie du cuir a été très rapidement exposée sous le feu des projecteurs, avec les préoccupations environnementales qu’elle peut susciter. Elle a su anticiper très tôt les enjeux de demain en termes d’impact sur l’environnement et de changement climatique, induisant aussi un changement des comportements du consommateur. Ce sont ces préoccupations qui permettent d’adresser de nouveaux défis, moteurs de nouvelles innovations.
Les industriels du cuir s’attèlent aujourd’hui, par la mise en place de démarches d’écoconception, à prendre en considération les impacts environnementaux de leurs produits sur l’ensemble de leur cycle de vie et recherchent, sans relâche, des solutions pour minimiser leur empreinte, en réduisant les consommations en eau, les émissions de solvants organiques, en améliorant la qualité de l’air, ou encore en améliorant les traitements des effluents. Ces innovations écoconçues peuvent être protégées par des droits de propriété intellectuelle, afin de valoriser au mieux les investissements de recherche et se garantir une exclusivité vis-à-vis de ses concurrents.
Les acteurs du cuir se doivent de répondre à des exigences de nouveaux labels de plus en plus nombreux et responsables, et de se mettre en conformité avec les réglementations européennes et françaises protectrices de l’environnement. Ils créent ainsi un cercle vertueux d’innovation, générant de nouvelles collaborations dont les résultats sont protégés à la fois par des brevets d’invention, mais aussi des dessins et modèles pour protéger de manière durable les nouvelles apparences du cuir, ou encore de nouvelles marques et labels pour communiquer sur ces enjeux.
L’industrie du cuir est bien ancrée dans une logique d’écoconception, 80% de l’impact environnemental d’un produit se jouant dès sa conception. La propriété intellectuelle vient au soutien de ces efforts effectués pour la protection de l’environnement et peut être utilisée comme un levier de communication pour témoigner des efforts techniques et financiers entrepris auprès des consommateurs aux fortes et légitimes attentes.

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Les acteurs du cuir se doivent de répondre à des exigences de nouveaux labels de plus en plus nombreux et responsables, créant ainsi un cercle vertueux d’innovation.

Puisque l’intégralité des cycles de vie des produits doit être repensée à l’aune d’un impératif d’écoconception rendant le produit et les procédés de fabrication des produits compatibles avec une croissance décarbonée et respectueuse de l’environnement, il est légitime de penser que les solutions envisagées seront innovantes puisqu’elles devront répondre à des problématiques jusque-là non posées.
Il s’agit précisément là de la justification à l’obtention d’une protection par brevet. Par exemple, la méthode de fabrication d’un cuir de poisson est protégeable par brevet de même que la méthode d’amélioration de la résistance d’un cuir traditionnel. En relation toujours avec le cuir de poisson, le procédé de traitement chimique spécifique de ce cuir est là encore protégeable par brevet puisque les étapes de traitement seront probablement adaptées (et donc différentes) par rapport au procédé traditionnellement utilisé sur d’autres types de cuir.
On peut également penser au traitement du cuir par l’intermédiaire du tannage. Les procédés mis en œuvre sont tout à fait protégeables par brevet au bénéfice de celui qui fait l’effort de les développer. Ainsi, sont brevetables, notamment, une méthode de traitement visant à utiliser une quantité très réduite de produit, l’installation associée l’étant également de même que le produit obtenu dans la mesure où il se distingue des produits existants (par une meilleure résistance, meilleure rigidité, …).
Un autre aspect, souvent mis de côté, ou moins mis en avant, est celui de la recyclabilité/réparabilité d’un produit. Tout produit ou procédé de fabrication visant à une réinsertion d’un produit usagé dans un nouveau cycle de fabrication serait également brevetable. Ainsi, on peut aisément imaginer qu’une nouvelle colle ou même le mode de collage des parties en cuir entre elles ou sur un support rendant par exemple plus aisé le désassemblage ultérieur desdites parties en cuir serait tout à fait protégeable. Ce domaine de protection par brevet des produits recyclés ou réparables est à l’heure actuelle encore faiblement exploré.
Il arrive également souvent que la recherche et le développement de nouveaux procédés techniques donne lieu en parallèle à l’adoption d’un design novateur. On peut notamment imaginer que la recherche de nouveaux procédés conduise à la création de nouvelles textures, qui se démarquent visuellement par des motifs de grains particuliers. Par exemple, un cuir de poisson (obtenu ou non par un procédé brevetable) pourra permettre de faire apparaître des motifs différents de ceux possibles avec un cuir de bovin. Sous réserve que ce nouvel aspect ne soit pas exclusivement imposé par une fonction technique, il est possible de le protéger par le biais d’un dessin ou modèle.
Par ailleurs, les marques constituent un outil de protection intéressant, dans la mesure où elles représentent un formidable levier pour véhiculer des messages sur le caractère écologique ou durable des produits commercialisés. Les entreprises peuvent également s’appuyer sur les écolabels, afin de communiquer de manière fiable et objective sur le respect de certaines normes sanitaires et environnementales, certifiées par des organismes indépendants : dans le domaine du cuir, on peut notamment relever l’existence de la certification « LWG » du Leather Working Group, de l’organisme de certification italien I.CE.C (Institute of Quality Certification for the Leather Sector), qui délivre notamment des certifications environnementales, du label « Leather Standard » d’Oeko-Tex, du label « ECOLABEL » de la Commission européenne ou encore de la norme ISO 14000 pour le management environnemental. Les labels sont bien souvent des prérequis pour conclure des partenariats avec certains acteurs majeurs de la fabrication, ce qui démontre toute leur importance. Ainsi, en matière d’écoconception, la prime, c’est-à-dire l’exclusivité d’exploitation, doit être donnée à ceux qui développent des produits/procédés/installation et des designs innovants et qui font l’effort d’obtenir des labels exigeants, marqueurs de produits de haute qualité. La propriété intellectuelle est là pour tous ces acteurs.

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Rédaction : Marie Faessel, Christophe Jolly, Charlotte Montaud, Nathalie Wajs (Plasseraud IP)

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