Le design français en force à Milan #2

Florence Bourel a dévoilé à Milan sa collection Mexican Boudoir. Graphique et coloré, le paravent en marqueterie de chutes de cuir a été fabriqué à Ivry-sur-Seine par Selaneuf - Photo © Haymann Editions.

Dans le cadre de la 62ème édition du Salone del Mobile, suite de la mise en lumière de la jeune garde hexagonale. Le Labo est, pour elle, un nouveau tremplin dans la ville. Il a accueilli cette année des profils éclectiques et novateurs, comme Loann Djian, Sofia Shazak, Florence Bourel ou encore Studiofoam.

Les techniques mixtes s’hybrident

Le Labo, établi dans un ancien laboratoire pharmaceutique, fait partie des lieux émergents de la Milan Design Week. Sa seconde édition a conforté son rôle porteur de creuset artistique, auquel participent de nombreux créateurs français. Le Jardin des métiers d’art et du design (JAD) l’avait notamment choisi pour organiser sa première exposition hors les murs. Loann Djian est l’un des quinze résidents à Sèvres, passionnés par le travail de la matière. « Le cuir est la plus durable d’entre elles, assure-t-il. La recherche technique occupe une place centrale. Je regarde le cuir comme un bijou, un maillage précieux. » En témoigne La Coupole, un panneau décoratif, entièrement réalisé à Paris, avec des « pastilles » de cuir bovin et des anneaux en acier inoxydable. « Je voulais traduire l’effet d’éblouissement, explique le designer cuir, diplômé de l’Ensaama (Olivier de Serres). Les anneaux font scintiller la lumière, dynamisent le mouvement. Le cuir est mis en majesté par un camaïeu de brun chaleureux. » Loann Djian a dû mettre au point ses propres procédés d’assemblage. Un essai d’autant plus réussi que, formé d’abord au design textile, il s’est ensuite spécialisé dans le cuir en autodidacte. Sa pièce d’ennoblissement mural est ainsi une création architecturale pouvant faire office de paroi souple et modulable. Le recours aux stocks dormants de cuir à tannage végétal, issus de l’industrie du luxe, lui donne, en outre, un caractère écoresponsable. Le designer tient à rappeler son inspiration d’origine : le baroque. Ce qui le définit ? « Le goût pour l’accumulation, la création du faux, le travail modulaire, la lumière changeante Pour moi, le baroque est très contemporain ». Sofia Haccour-Zakabloukowa a intégré en 2022 le JAD, où elle explore, elle aussi, le cuir. L’artisan d’art se présente volontiers comme « petite fille de cosaque et de costumière ». C’est l’équitation qui lui a mis le pied à l’étrier pour devenir sellier harnacheur garnisseur en 2016. Un métier dont elle loue la polyvalence. « La sellerie est un savoir-faire traditionnel encore confidentiel, dit-elle. Son panel de techniques et son potentiel au plan créatif mériteraient d’être exploités à leur juste mesure. » C’est ce à quoi elle s’engage sous le nom de Sofia Shazak. Le bougeoir milanais, par exemple, « montre que le cuir peut se suffire à lui-même ». L’objet décoratif, qui est aussi une sculpture lumineuse, est entièrement réalisé en cuir tanné végétal moulé. Également exposé au Labo, le panneau mural, en cuir et plumes d’oie, réunit deux matériaux naturels, en collaboration avec la plumassière Marion Gouez. « La plume d’oie s’insère dans le cuir incisé et donne l’impression d’être sur le point de s’envoler, décrit la créatrice. Le résultat est fluide, léger. C’est une manière de renouveler les codes de cet art décoratif. »

Sofia Shazak est une jeune marque innovante de sellerie sur mesure. Le bougeoir milanais est la « réécriture d’un objet usuel », entièrement façonné en cuir à tannage végétal - Photo © Bernard Vainchtein.

Tactile et visuel

L’esprit de recherche a soufflé jusque dans les étages du Labo. Florence Bourel développe un répertoire graphique, haut en couleurs, bien à elle. Ses motifs donnent une impression de mouvement et font vibrer les lignes épurées de ses meubles, luminaires, tapis… C’est lors d’une résidence durant la Design Week de Mexico qu’est née l’inspiration métissée de sa collection Mexican Boudoir. Le paravent, articulé en quatre panneaux, ouvre de nouveaux horizons à la marqueterie de cuir. La sellerie Selaneuf en a assuré la fabrication. Pour l’éditeur Biobject, la designer avait déjà conçu le miroir Elice comme un tableau abstrait, gainé à partir de chutes de cuir. Son paravent est un nouvel exemple d’upcycling créatif issu des stocks dormants de cuir. Caroline Venet est aussi une ardente défenseuse des chutes de cuir qu’elle métamorphose en objets sensuels, à l’élégance épurée. Elle s’attache notamment à valoriser les imperfections de surface. Comme sur son Bureau Vivant, entièrement marqueté de cuirs « nude » aux débuts de Studiofoam, né en 2018. En résidence depuis 2023 au Bureau du Design, de la Mode et des Métiers d’Art (BDMMA), la créatrice a dévoilé ses nouveautés issues de ses explorations de la matière. Son vase, moulé de cuir associant la céramique, prolonge la série Carnations. Le miroir et l’applique murale illustrent, eux, un usage inattendu du cuir drapé. « J’ai « jeté » le cuir comme on le ferait d’un vêtement sur un objet ou un meuble. Cela lui donne un caractère fantomatique intrigant. Comme si le cuir flottait… » Une pratique originale et décorative pour valoriser les flancs de la peau de l’animal, rarement utilisés.

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Rédaction Nadine Guérin

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