Et Grégory Meiler,
réinventa la mégisserie Rial

Agneau Mérinos circle tweed nude.

C’est entre son show-room parisien et son usine du Tarn que Grégory Meiler orchestre la renaissance de la mégisserie Rial, placée sous le signe de l’innovation et de la diversification. Derrière cette personne authentique, dotée d’un profil à priori plutôt créatif, se cache un chef d’entreprise qui ne perd pas de vue son objectif : pérenniser l’activité du dernier fleuron de la peau lainée, encore indépendant en France.

Racontez-nous votre histoire avec Rial 

J’ai repris la tannerie en 2008, avec mon père et mon frère, au tribunal de commerce, cela fera 10 ans en décembre. Fondée en 1957, c’était une tannerie familiale, puis les repreneurs se sont succédé…
Elle se situe à une heure de Toulouse, à proximité de Grauhlet, dans une région qui accueillait une centaine de mégisseries il y a 30 ans…Seule une dizaine d’entre elles subsistent.
Mon grand-père, avant mon père, était agent de Rial, achetait des peaux chez eux et les revendait sur Paris. J’y vais depuis que je suis tout jeune. Un point favorable à la reprise, car le climat de confiance était installé avec les 13 salariés que je côtoyais depuis longtemps déjà. Aujourd’hui nous sommes une trentaine à pérenniser l’entreprise.
À l’origine, Rial travaillait exclusivement la peau lainée, une activité intrinsèquement liée à la saison automne-hiver. Alors, la première action que nous avons menée, consistait à introduire des produits en cuir afin d’étendre la période de production, de septembre à décembre, et par conséquent développer le chiffre d’affaires – 5,5 millions d’euros aujourd’hui.

Grâce à la proximité du show-room parisien avec la clientèle, la mégisserie Rial peut développer des produits en 3-4 jours pour des grandes maisons de luxe.

Comment vous démarquez-vous sur ce marché ?

Notre spécificité est de proposer une grande variété de cuirs et peaux lainées. Nous travaillons les moutons originaires d’Australie, d’Amérique du Sud, de France, d’Espagne, d’Italie sachant que chacun d’eux a sa propre typologie de laine, et sa destination produit.
C’est un réel atout face à la concurrence internationale, notamment de Turquie ou d’Espagne dont la politique de prix est compétitive. Nous misons sur le style, jouons sur les matières, les couleurs, les nouveautés que nous présentons à l’occasion des salons Première Vision Leather et Lineapelle. Et surtout, nous avons également un show-room à Paris ce qui instaure une certaine proximité avec notre clientèle. Cela nous permet d’être très réactifs, et il nous arrive de développer des produits en 3-4 jours pour des grandes maisons de luxe. C’est essentiel d’être là, au bon moment, sinon on n’existe plus. En parallèle, dans la mesure du possible, nous essayons de favoriser l’éclosion de talents souhaitant commander des petits volumes. À partir de 200 pieds carrés soit environ 20m², en deçà nous devons appliquer une majoration de 30%.

Sur les étiquettes de vos produits le slogan « Chaque mouton est unique ! » interpelle, parlez-nous de leurs particularités

La peau lainée revient en force. Auparavant, on portait le côté laine à l’intérieur mais les tendances évoluent et, depuis 7-8 ans, on arbore la laine à l’extérieur, un peu comme une fourrure. Néanmoins, la peau lainée est moins régulière qu’une fourrure et cela peut créer des frustrations car certains clients aimeraient avoir des peaux toutes similaires. Nous avons bien des machines à l’usine mais ce ne sont pas des photocopieuses ! Donc oui, chaque peau de mouton est unique !
Le Mérinos provient essentiellement d’Australie et d’Espagne, à la différence que les peaux australiennes sont bien plus grandes que celles de la péninsule ibérique. Leur laine est très dense, très douce. En revanche, elles ne sont adaptées pour le cuir. Pour résumer, plus on a une jolie laine moins les cuirs sont esthétiques, avec un aspect très « tigé » ou buissonné.
Alors, en matière de cuir, on privilégie l’agneau Entrefino. Sa fleur est sublime, sa laine très piquante, proscrite pour le double-face ! Très belle autre origine de peau, pas facile à trouver car il n’y en a pas beaucoup chaque année, le fameux agneau Lacaune, originaire d’Aveyron. Le cuir est très fin, et la laine par rapport à un Mérinos espagnol est plus sèche, mais avec une bouclette plus régulière. Ces deux origines, même si géographiquement proches, comportent une différence de propriétés non négligeable.
Les peaux d’Amérique du Sud, sont quant à elles, parfaites pour développer des blousons aviateurs avec un aspect craquelé, vintage, sur le cuir à l’intérieur. Les clients tels qu’Acné en sont très friands. Nous pourrions tout à fait les imaginer réversibles, avec des finitions très soignées. Tout dépend du cahier des charges, de la réalisation de tests probants.
Enfin les peaux islandaises, sont issues de moutons à la laine frisée un peu hirsute. Quoi qu’il en soit, nous essayons de valoriser la laine de même origine, de diverses manières, tantôt pour lui donner un effet classique ou laine polaire. Comme sur la laine d’Australie par exemple, à la base très frisée, que l’on peut « brusher » et « brillanter », c’est ce que l’on fait de mieux chez Rial ! Ou encore, un agneau Mérinos retravaillé avec un aspect tweed comme une laine à l’extérieur, avec un intérieur en cuir.  

Quels autres types de produits proposez-vous ?

Nous avons investi dans le capital de la société lilloise, Demeure. Ce rapprochement avec un spécialiste de l’impression digitale, répond à notre volonté d’apporter de la nouveauté et une offre de produits en cuir. C’est stratégique quand on sait que 80% de notre collection aujourd’hui sont encore destinés au prêt-à-porter alors que 80% du business se font dans la maroquinerie.
Il existe plusieurs techniques de décors sur le cuir : manuelle, impression numérique ou sérigraphie. Nous proposons des motifs en impression numérique sur de l’agneau de finition classique ou crispée, c’est-à-dire une peau d’agneau sur laquelle on pose un film, avant de la laver pour obtenir un aspect froissé. L’impression digitale n’adhère pas aussi bien sur la laine que le cuir, donc on lui privilégie la sérigraphie sur ce support.
Notre article phare depuis quelques années, est un cuir d’agneau à la fois très fin (0,15-0,2mm) et très résistant, façon K-Way, contrecollé sur de l’organza de soie. Un produit qui colle à la tendance Streetwear luxe, véhiculée par Vuitton, Supreme, Vêtement…Nous proposons également une version avec un film iridescent en surface.
Autre innovation développée avec la Chambre Syndicale des Patrons Mégissiers de Grauhlet, grâce à l’investissement d’une machine équipée de petites aiguilles qui transpercent la matière pour faire ressortir la laine côté cuir, le « needle punch ». En résulte, des motifs de laine sur cuir, qui s’apparentent à du feutre, ou à l’inverse des décors tout en reliefs côté laine à l’aspect proche d’un tricot. Les laines peuvent être travaillées avec des motifs pour la maroquinerie comme le tweed que nous développons pour de grandes maisons.  
C’est un vrai challenge de se renouveler ! Chaque saison notre équipe insuffle une nouvelle gamme couleurs, et cela passe par des investissements, de la recherche…ce qui est vraiment passionnant. On espère que notre agneau crispé métallisé d’origine anglaise va défiler cette semaine lors de la fashion week parisienne. À suivre…

Agneau islandais bleu brouillard, nouvel article de la mégisserie Rial.

Données clés de l’entreprise 

Marché : 80% prêt-à-porter, 20% accessoires.
Positionnement : haut de gamme – luxe.
Minima de commande : à partir de 200 pieds carrés soit environ 20m². Compter 30% de majoration en deçà par rapport au prix de production.
Chiffre d’affaires : 5,5 millions d’euros.
Sourcing peaux brutes : agneau Mérinos d’Espagne, agneau Lacaune d’Aveyron, agneau du Béarn, mouton d’Australie, mouton d’Amérique du Sud, mouton d’Islande…
Localisation de la production : Briatexte dans le Tarn, à proximité de Grauhlet, et 70 km de Toulouse.
Effectifs : 30 personnes.

Rédaction Juliette Sebille
Photos © Corinne Jamet

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