Le digital au service
des nouveaux consommateurs BIOPRAU

Depuis 20 ans, Nicolas Latour, expert du marketing C-to-B, décrypte les évolutions des nouveaux outils numériques. En mai 2017, il prend la direction de la Digital University, l’agence de transformation digitale intégrée à DDB Paris.

Depuis 20 ans, Nicolas Latour, expert du marketing C-to-B, décrypte les évolutions des nouveaux outils numériques. En mai 2017, il prend la direction de la Digital University, l’agence de transformation digitale intégrée à DDB Paris. Nous l’avons rencontré à l’occasion d’une conférence « La renaissance du retail à l’ère du digital » sur le salon Who’s Next.

Quel est le profil type du consommateur actuel ?

Aujourd’hui, on observe que les consommateurs sont BIOPRAU : Bavards parce qu’ils se rendent sur les réseaux sociaux et y font part de leur expérience ; Impatients et Omniscients car avec leur mobile dans leur poche, ils peuvent avoir instantanément réponse aux questions qu’ils se posent ;  Partageurs notamment sur les réseaux sociaux ; Responsables car en quête d’authenticité, de valeurs fortes derrière le produit qu’ils achètent ; Autonomes car ils connaissent parfois mieux le produit que le vendeur ; Uniques car ils exigent des services sur-mesure et de personnalisation. Ces observations caractérisent 85% des clients actuels.

En quoi le digital peut permettre d’améliorer l’expérience client ?

Dans le parcours client, chaque interaction avec la marque compte pour pouvoir lui délivrer l’expérience attendue. La marque va devoir lui faire soit gagner du temps – ce que l’on appelle « une expérience invisible », sans couture – soit lui permettre de passer du bon temps ce que l’on appelle « une expérience mémorable ». Et pour éliminer les points de friction ou « pain point » avec sa clientèle, le digital est un formidable outil qui peut permettre de mieux la connaître.

Pour ceux qui ont suivi l’actualité de la National Retail Federation (NRF), la marque à la célèbre virgule met un point d’honneur à offrir la meilleure expérience client qui soit dans son nouveau magasin Nike House of Innovation NYC/000 ouvert fin 2018 sur la cinquième avenue.

Avez-vous quelques exemples de bonnes pratiques applicables à nos métiers ?

Limiter au maximum les interactions avec la marque ou l’enseigne, voire les supprimer complètement pour faciliter la vie du consommateur résume une grande partie de ses attentes. On n’est plus du tout dans la notion de produit mais de service que les entreprises sont en mesure de délivrer à leurs clients. Typiquement, la recherche personnalisée comme on le voit sur le site de mode en ligne justfab.com, qui propose une sélection de produits, accessoires, bijoux sur abonnement, et donc des looks en fonction d’un profil que l’on va renseigner, est un bon exemple. Grâce à cela, la société connaît mieux son consommateur et va pouvoir lui pousser des produits, qui à priori correspondent à ce qu’il cherche, à partir de son application.
Un nombre croissant d’e-commerçants proposent aussi la recherche par image, comme l’enseigne canadienne de mobilier et décoration Wayfair, qui à partir d’une photo que je télécharge, suggère les produits qui se rapprochent le plus de ce que j’ai soumis au lieu de perdre du temps à surfer sur le web pour le faire. Aujourd’hui, on a cette capacité de se mettre à la place du consommateur et c’est en cela que l’innovation est intéressante. Gagner du temps c’est aussi créer de nouvelles interactions que certains trouveront plus naturelles, notamment les jeunes générations nées avec les écrans. Ainsi, dans les boutiques GU (prononcez Jee-U), marque du groupe Fast Retail, très populaire au Japon, chaque vêtement dispose d’un QR code. En le scannant, je peux directement accéder au lien permettant d’acheter le produit, puis le retirer directement ou être livré chez moi en cas d’indisponibilité immédiate. Plus spectaculaire, je peux envoyer ce produit sur une interface miroir connectée et, grâce aux caméras qui se trouvent dans le magasin, je peux essayer les différents modèles en créant mon avatar. Clairement, l’enseigne de mode facilite la vie des consommateurs, du moins les plus à l’aise avec les outils digitaux.

Mieux encore, on peut prendre rendez-vous avec un coach ou personnaliser le produit.

Qu’est-ce qu’une expérience mémorable selon vous ?

Passer du bon temps, laisser une expérience positive dans l’esprit du consommateur BIOPRAU c’est aussi proposer des moments de détente et de plaisir. Et là, on ne peut pas passer à côté de l’ouverture du nouveau magasin Nike House of Innovation NYC/000 sur la cinquième avenue fin 2018. Pour ceux qui ont suivi l’actualité de la National Retail Federation (NRF), la marque à la célèbre virgule met un point d’honneur à offrir la meilleure expérience d’une part, et d’autre part, à recueillir un maximum d’informations sur les clients, ce qu’on appelle une relation « win-win ». Et ce, dès l’entrée dans la boutique de plus de 6000m² répartis sur 6 étages, où l’on est invité à télécharger l’application sur laquelle on peut faire plein de choses. On peut, notamment, scanner une tenue sur un mannequin et le vendeur nous la dépose dans une cabine d’essayage ou tout aussi bien l’acheter directement depuis l’application, récupérer le sac en sortie ou se faire livrer chez soi. Mieux encore, on peut prendre rendez-vous avec un coach ou personnaliser le produit. L’expérience supplante ici l’acte d’achat pour le consommateur, conscient qu’il échange et partage des données en opt-in, véritable mine d’or pour la marque. Autre moyen de se faire plaisir à New York, le concept-store Story de 2000 m² à Manhattan à la croisée de la boutique galerie d’Art et du magazine. Toutes les 6-8 semaines, l’enseigne renouvelle complètement le design de la boutique et pas seulement l’assortiment produits. Là où Colette proposait des nouvelles collections toutes les semaines, ici c’est la scénographie même de la boutique qui est totalement repensée à partir d’un thème, avec une sélection produits différente. L’objectif est de donner envie aux gens de venir dans la boutique et, grâce au levier digital, de pouvoir communiquer en amont pour driver du trafic en magasin.

On oppose encore parfois commerce traditionnel et e-commerce, qu’en pensez-vous ?

Le digital reste un moyen et non une fin en soi, il va nous aider à construire cette expérience et ne peut être réduit simplement au e-commerce. Au-delà de l’expérience client, c’est l’empathie qui prime, valeur forte des années à venir. L’empathie c’est cette capacité à comprendre fondamentalement qui est mon consommateur, à se mettre à la place de mon consommateur, à l’écouter, à devancer ses envies, à dépasser ces points de friction que l’on constate à travers tous ces exemples. Bien évidemment, cela va supposer une connaissance approfondie du client et on voit bien comment le numérique peut nous aider à mieux le connaître. L’empathie n’en demeure pas moins humaine et ancrée dans l’interaction qu’on a avec son client à un moment donné – avant, pendant ou après l’achat ou une problématique service client (livraison, retour…) – peu importe – cette interaction est capitale pour aller plus loin et devancer les envies du consommateur.
On se rend bien compte que l’expérience client est tout sauf figée. Nous devons continuellement nous remettre en question. Avec Amazon Prime, aucun client n’avait demandé un abonnement, qui, pour quelques dollars par an, lui permette d’avoir accès à une plateforme de streaming mais aussi de pouvoir se faire livrer ses courses en moins de 2h. Grâce à ce service, Jeff Bezos s’inscrit dans un processus d’innovation dans la mesure où il surpasse la demande son client. Encore une fois s’il a pu le faire c’est parce qu’Amazon collecte, depuis plus de 20 ans, un nombre de données absolument incroyable pour les mettre à profit. Car « même s’ils ne s’en rendent pas compte, les clients veulent toujours mieux » selon lui. Son propos résume à lui seul ce que peu de chefs d’entreprises oseraient dire aujourd’hui et c’est en cela qu’Amazon est toujours aussi performante.

On parle beaucoup de data, en quoi peut-elle être si intelligente ?

Parmi les autres exemples d’exploitation intelligente de la data, le site de vente en ligne de prêt-à-porter et accessoires Asos a réussi à résoudre la problématique client de ne pas pouvoir essayer les modèles avant de les acheter. Non seulement, il fait sauter ce « pain point » en prenant en charge les retours et envois gratuitement sans minimum d’achat mais au-delà de cela, l’entreprise conserve et drive de l’intelligence de toutes les données sur les pièces qui n’ont pas été renvoyées. Grâce à ces jeux de données, elle parvient à déterminer la taille des clients sur la base de toutes les marques qui sont proposées sur Asos et renforce la relation de confiance avec le client qui, lorsqu’il va commander un nouveau produit, va se voir proposer la bonne taille. En travaillant avec des profils de proportions – ou set de données – établis sur la base des données de clients similaires, on peut également proposer aux clients des produits qui vont à priori leur plaire lorsqu’ils se rendent sur le site. Tout cela en se mettant dans cette optique de faciliter la vie au client et faire de l’expérience d’achat la meilleure expérience qui soit. Dans le même esprit, le site de seconde main Vestiaire Collective véhicule une promesse extrêmement forte auprès de sa communauté : 100% des produits sont contrôlés et authentifiés. Résultat, on compte 7 à 8 millions d’interactions tous les mois entre les aficionados du site, source d’information immense qui renforce son statut d’expert. Pour notre client BIOPRAU, cette notion de confiance est fondamentale.

À côté de cela, il y a encore des marques qui ne vendent pas en ligne, quelles sont-elles ?

Effectivement, la marque la plus connue est Chanel, qui est l’une des seules marques au monde à ne pas vendre en ligne à l’exception des parfums, lunettes et cosmétiques. Pourquoi ? La présidence estime que l’émotion que vont créer les huit collections dans l’année ne peut être vécue qu’en boutique. Pourquoi l’exemple de Chanel est intéressant ? Il montre que le digital ne se cantonne pas à la vente en ligne mais offre cette possibilité de proposer des services qui vont venir augmenter l’expérience client et profiter aux consommateurs.
Pour cela, la maison de couture s’est associée à Farfetch, l’un des grands leaders tech du secteur qui propose des services digitaux avec une application permettant à n’importe quel personnel de boutique de pouvoir connaître la cliente au moment où elle pénètre en boutique et donc de pouvoir lui offrir un service personnalisé. Alors que la plupart des autres marques de luxe ou prestige vendent en ligne, Chanel ne se positionne pas sur le canal e-commerce et néanmoins a intégré, au travers de ce partenariat, que le digital est une formidable opportunité au service du client.

Rédaction Juliette Sebille

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