Cuir de niche autour du Louvre

Boutique Delvaux Galerie de Valois à Paris.

Les arcades du Palais-Royal et la galerie Véro-Dodat sont des havres de paix plein de charme au centre de la capitale. Chausseurs, gantiers, maroquiniers s’y sont installés pour offrir à leurs luxueuses créations artisanales un décor hors normes. Itinéraire choisi parmi neuf vitrines de caractère…

Le quartier du Louvre, toujours très touristique, a constitué le cœur des lieux de pouvoir concentrant finance, culture, plaisirs. Le Conseil d’État et le ministère de la Culture n’ont pas quitté l’écrin du Palais-Royal, ce paisible jardin qui fut l’un des plus animés de Paris à la veille de la Révolution. Quatre galeries l’encadrèrent dès 1780 et les colonnes de Buren vinrent souligner encore sa géométrie parfaite. À deux pas, la galerie Véro-Dodat est un autre joyau parisien préservé. Elle doit son nom à deux charcutiers investisseurs qui ont l’idée en 1826  de créer un raccourci entre les Halles et le Palais-Royal. Ce passage est l’un des premiers à avoir été éclairé au gaz. Son décor néo-classique a été restauré à l’identique : colonnes ioniques encadrant chaque commerce, ornements en fonte et cuivre, miroirs, globes de lumière, verrière et plafond peint au-dessus d’un spectaculaire sol de marbre optique… Comme dans les autres galeries et passages couverts parisiens, il faisait bon se promener le long des commerces, à l’abri des intempéries alors que les trottoirs n’existaient pas encore. De vrais « aquariums humains », selon le poète Aragon. Aujourd’hui, la foule n’est plus si nombreuse à s’y presser mais une clientèle en quête de qualité et d’exclusivité ne manquerait pour rien au monde ces adresses poétiques et ce « petit supplément d’âme » cher à quelques artisans du luxe.

Boutique du gantier Fabre Galerie de Valois à Paris.

Maison Fabre

Gantier depuis 1924, la maison aveyronnaise a contribué à l’âge d’or du gant français. L’accessoire de nécessité est devenu au fil des ans un produit raffiné. La quatrième génération est aujourd’hui aux commandes de la marque familiale, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant. Des collaborations créatives enrichissent régulièrement l’offre, comme les plus récentes signées avec Fusalp, Lemaire, Annick Goutal, J.M. WestonOlivier Fabre a choisi, dès 2008, l’atmosphère atypique du Palais-Royal pour présenter ses collections masculines et féminines déclinées dans de multiples jeux de matières et de couleurs. Les paires de gants, harmonieusement alignées, prennent la pose à l’intérieur des niches de ce décor feutré.

128-129, Galerie de Valois

Corto Moltedo

Gabrielecorto Moltedo a grandi au milieu des sacs entre New York et Venise. Ses parents ont fondé en 1966 la maison Bottega Veneta où il a fait ses armes. Mais c’est à Paris en 2006 qu’il s’affranchit en lançant sa propre marque de maroquinerie. « Les arcades me rappellent l’Italie », dit-il à propos de la boutique – la seule au monde – qu’il ouvre trois ans plus tard. La singularité du Palais-Royal s’accorde parfaitement avec les constructions originales de ses sacs, à l’image du Priscilla, le tout premier. Au plafond, l’artiste colombien Federico Uribe a sculpté en bois un immense banc de poissons. Les sacs « arty », fabriqués à Florence en petite série et personnalisables, se détachent sur les murs poudrés.

146-148, Galerie de Valois

Delvaux

L’enclave royale, dans la capitale, est à la hauteur de la maison bruxelloise, fondée en 1829 et fournisseur officiel de la Cour depuis 1883. La vitrine Delvaux, qui a remplacé celle du graveur de Napoléon Ier, fait même écho à la boutique de la Galerie de la Reine à Bruxelles, dans le plus vaste passage couvert d’Europe au XIXème siècle. Les plasticiens luxembourgeois Martine Feipel et Jean Bechamiel, avec le cabinet d’architecture Vudafieri Saverino, sont à l’origine de cette adresse française sophistiquée. Imprégnée du surréalisme belge, l’élégance non conventionnelle de la plus ancienne maroquinerie de luxe au monde s’expose en majesté. La spirale d’un escalier en fonte, provenant de l’atelier cinématographique des frères Lumière, contraste avec des murs aux moulures courbes et un sol de mosaïques datant du XIXème siècle. Les sacs, au chic atypique, captent le regard. Parmi eux, un best-seller, Le Brillant, créé à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1958.

151-154, Galerie de Valois

Boutique Pierre Hardy sous les arcades du Palais Royal à Paris - Photo © Christophe Coénon.

Pierre Hardy

L’arrivée de Pierre Hardy au Palais-Royal en 2003 ne doit rien au hasard. « C’est un lieu central et unique, intime et hors du temps », précise le créateur qui dessine aussi bien les chaussures et bijoux Hermès que ses propres accessoires depuis 1999. À l’origine danseur, il se serait bien imaginé architecte. L’étude du dessin, de la sculpture a laissé son empreinte chez ce chausseur nourri de géométrie constructiviste. Ses escarpins comme ses sneakers sont des objets de pur design, des accessoires « techno couture ». La rigueur de ses chaussures et de ses sacs renvoie à « la Cour Carrée du Louvre, cube minéral parfait ». Avec le cabinet BP Architecture, il a imaginé une « Black Box », où miroirs et monochrome jouent avec la lumière naturelle du jardin. Sol ciré, plafond mat, plexiglas armuré traduisent le minimalisme radical du Parisien multifacettes.

156 Galerie de Valois

Begum Paris

Begum Paris est le nouveau nom de la maison Delage implantée au Palais-Royal depuis 2000. La fabrication des chaussures à la main dans un atelier breton et l’élégance atemporelle demeurent identiques. Héloïse Wirth a repris le flambeau de la marque familiale créée par sa mère et Begum rend hommage à sa grand-mère. La double vitrine, associant un showroom dédié aux commandes spéciales, est en soi une originalité. « Notre boutique est l’une des dernières de la galerie à avoir conservé son mur de pierre entre ses vitrines », affirme la dirigeante qui a fait appel au studio d’architecture d’intérieur Robert Gervais. Un papier peint dominoté Antoinette Poisson tapisse les murs de cet élégant boudoir où l’on chausse et personnalise à volonté. Chaque modèle – du 35 au 42 – existe en plusieurs largeurs et dans un grand choix de peausseries françaises et italiennes.

159-161, Galerie de Valois

Manolo Blahnik

Le chausseur star, dont les « Manolo » font le tour du monde, est le dernier à avoir rejoint cet enclos privilégié. La vingtième boutique ouverte en 2019 est la seule en France. C’est dire l’engouement qu’elle suscite ! Manolo Blahnik avait ouvert la première à Londres au début des Seventies mais pour s’implanter dans la capitale de la haute couture, l’Espagnol flamboyant n’avait qu’une idée en tête : mettre ses pas dans ceux du Café Corrazza, ouvert en 1787. « Il faut se réjouir, dit-il, qu’un lieu historique comme celui-ci n’ait pas été détruit ». Son décor fait honneur à l’éclectisme qui caractérise le styliste, collectionneur passionné de théâtre et de souliers. L’excentricité British dialogue avec le raffinement du XVIIIème siècle. Des colonnes en marbre datant de la Renaissance ont été récupérées et une centaine de bougeoirs géorgiens mettent en scène ses créations comme des bijoux. Son gris « signature » couvre les murs au-dessus d’un sol carrelé d’ivoire. Des dessins originels rappellent les tout débuts de sa carrière lorsque Diana Vreeland l’encouragea à se lancer. L’impression d’être dans un salon se prolonge à l’étage, où domine le bois d’acajou, cadre « cosy » accueillant la ligne masculine.

11-12, Galerie de Montpensier

Boutique Manolo Blahnik ouverte en 2019 Galerie de Montpensier à Paris.

Thomasine

La Suédoise et Parisienne d’adoption Thomasine Barnekow fait partie des très rares créatrices à réinventer le gant. Elle a fait ses classes dans les ateliers de Millau et Saint-Junien, chez Georges Morand, Agnelle ou maison Fabre avant de lancer sa marque en 2006. « J’aime utiliser les cuirs du marché avec inventivité, marier les couleurs », précise-t-elle. Qu’il s’agisse de mini séries fabriquées artisanalement en Hongrie ou de pièces exclusives « made in Paris » pour l’opéra ou la couture, son audace avant-gardiste fait mouche. L’art du gant revisité par Thomasine succède logiquement à un ancien antiquaire de bijoux au milieu de la galerie Véro-Dodat. Son premier écrin parisien, qui abrite l’atelier, est une adresse totalement raffinée. Thomasine a dessiné elle-même son mobilier organique en chêne clair, fabriqué par son frère en Suède, à Sinclairsholm. Le Modernisme suédois habille en touches les assises en textiles Svenk Tenn tandis qu’un fauteuil en patchwork de cuir fait écho aux décors graphiques de ses gants. Les lignes aux noms de grandes villes sont aussi cosmopolites que la clientèle de Thomasine.

23, Galerie Véro-Dodat

Il Bisonte

Ouverte en 1986, la première adresse Il Bisonte a Paris attire depuis plus de trente ans les amoureux de la marque toscane de maroquinerie. « La clientèle, majoritairement locale, apprécie les valeurs atemporelles d’Il Bisonte », explique Sara Naviganti, en charge de la marque à Paris. Son créateur, Wanny Di Filippo, est un anti conformiste passionné de longue date par le cuir. Le cuir de vachette au tannage végétal, résistant et doux, au parfum délicat et à la patine dorée unique, lui a inspiré il y a cinquante ans une signature identitaire, un bison stylisé. La marque, dont tous les produits sont fabriqués à 30 kilomètres maximum de Florence, est installée au Palazzo Corsini, où le fondateur a consacré un musée au bovidé du Far West. Le sac seau Sabrina, dessiné en 1977, reste un best-seller. D’autres produits « casual chic », intergénérationnels, unisexes, complètent la collection réunie à Paris. Le bois naturel de la boutique met en valeur l’authenticité du cuir aux accents « vintage ». Des services de personnalisation et de réparation sont proposés.

7, Galerie Véro-Dodat

Christian Louboutin

Les boutiques féminine et masculine Christian Louboutin encadrent l’entrée du passage Véro-Dodat, en face justement d’une ancienne « messagerie », dont les diligences attendaient les promeneurs flânant autrefois dans la galerie. Le Parisien y a aménagé sa première boutique au début des années 90. L’ouverture de son « temple du stiletto » a immédiatement suivi la naissance de la marque éponyme. Le chausseur à la semelle rouge emblématique a ses attaches dans la galerie. C’est là qu’il a imaginé le modèle Love, conçu comme des inséparables avec un dessin lié sur les deux semelles. Le spectacle, le cinéma, la culture imprègnent l’imaginaire du créateur auquel le Palais de la Porte Dorée consacre une rétrospective en 2020. Les « Loub’s », fabriquées en Italie, sont exposées dans la galerie historique comme des œuvres d’art. Elles symbolisent le luxe « à la française ».

17-19, rue Jean-Jacques Rousseau
8, Galerie Véro-Dodat

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Rédaction Nadine Guérin

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