Quand la maroquinerie inspire l’assise

Le siège représente une pièce maîtresse du mobilier, une invitation à s’asseoir qui défie le temps. Entre tradition et innovation, il ne cesse de se réinventer. Parmi les nouveautés 2025, l’influence des techniques maroquinières attire l’attention. Le fauteuil AA Butterfly© ouvre un nouveau chapitre de son histoire, passant allègrement des camps militaires au design contemporain. Philippe Starck, de son côté, fête ses trente ans de collaboration avec Cassina en célébrant à sa manière l’art du voyage. Dans les deux cas, le cuir se révèle un allié précieux quand il s’agit de marier, avec élégance, minimalisme, confort et fonction.

La réinterprétation d’une icône

L’exposition parisienne « Speed Dating… Love Stories by Le French Design » présente jusqu’au 25 avril une décennie de collaborations créatives et fécondes entre fabricants et designers français. « Pour les entreprises, il est tout simplement vital de réveiller leurs marques, de rencontrer des créateurs et de développer ensemble des idées pour aller toujours plus loin et acquérir de nouveaux marchés », explique Jean-Paul Bath à la tête du French Design by VIA. La version exclusive du fauteuil AA Butterfly © par l’éditeur AA[nd] illustre précisément cette évolution stratégique. La marque de mobilier du groupe métallurgique Metalians est dirigée, depuis son rachat en 2023, par Thibaut Lambijou, Quentin et Igor Honoré. « Nous maîtrisons la fabrication de la sellerie à la métallurgie », précise le trio qui s’est associé au studio de création La Racine pour redynamiser la marque et donner un nouvel élan à un siège appartenant à la mémoire collective. Grâce à l’acier cintré recyclé et au cuir à tannage végétal, le AA Butterfly© gagne aussi en durabilité. « Nous avons sélectionné, avec notre atelier de sellerie maroquinerie près de Montélimar, un cuir bovin souple qui a de la tenue, ajoute AA[nd]. Précisément le dos de la vache, qui vieillira bien avec le temps. Le cuir en quatre morceaux est cousu pour réunir le dossier et l’assise. » La silhouette aérienne produit une impression unique, celle d’être assis en suspension. Son confort ergonomique fait partie intégrante de ce « classique » atemporel. Car la Butterfly Chair est l’une des plus célèbres pièces de design du XX^e siècle, l’une des plus prisées au monde. Ses racines s’ancrent dans le passé. En 1855, la Parangon Chair faisait partie de l’équipement militaire. Légère, tout terrain, elle fut utilisée tour à tour par les officiers américains, l’armée britannique, italienne. Elle change de nom, rebaptisée la Tripolina. Sa simplicité continue d’inspirer… En 1938, elle connaît un renouveau sous l’impulsion de trois architectes argentins, collaborateurs de Le Corbusier à Paris. Antonio Bonet, Juan Kurchan, Jorge Ferrari-Hardoy la revisitent sous le nom de Butterfly, aussitôt primée à Buenos Aires. Son exposition au MoMA de New York en 1944 puis sa commercialisation par Knoll étendent son succès. Les années 50 marquent l’avènement de la AA, en référence à Architecture d’Aujourd’hui, la plus ancienne des revues d’architecture. Mais revers du succès, les reproductions en série se multiplient dans le monde entier. En fabriquant intégralement le fauteuil AA Butterfly© dans les Hauts-de-France et dans la Drôme, AA[nd] entend se démarquer, s’inscrire dans l’héritage hexagonal, à la croisée du savoir-faire industriel et de l’artisanat français.

Savoir-faire haute couture

Depuis qu’il a démocratisé le design dans les années 1980, Philippe Starck se penche sur notre quotidien avec inventivité, enthousiasme, intelligence. Nombre de ses créations, à petite ou grande échelle, sont devenues des succès dans le monde entier. La famille d’assises qu’il a dessinées est d’une grande variété. Pour définir le fauteuil, par exemple, il s’agit, dit-il, d’atteindre « le confort parfait, l’élégance et l’intemporalité ». Trois caractéristiques qui guident la collection « anniversaire » marquant la collaboration fructueuse depuis trois décennies avec l’éditeur Cassina. Le flagship de la rive gauche l’a dévoilée à l’occasion de Maison&Objet in The City, dans une atmosphère intime et chaleureuse. Le bois aux essences nobles et le cuir naturel sont les protagonistes d’un ensemble particulièrement raffiné. Les deux matériaux ne font qu’un depuis les débuts de l’art du voyage « à la française ». La tradition luxueuse des malles et bagages l’atteste. Pour ses nouvelles pièces de mobilier, Philippe Starck a choisi de leur insuffler l’esthétique de la maroquinerie sellerie. Un cuir robuste à grain épais, des surpiqûres ivoire en contraste ainsi qu’un fermoir métallique ostensible, à la facture artisanale, sont autant de détails distinctifs rapprochant chaque pièce l’une de l’autre. Somewhere E-ls propose plusieurs sièges atypiques et polyvalents. Derrière leur forme minimale, carrée et rectangulaire, poufs et banquette se transforment en table basse au volume généreux ou en lit de repos assorti à son coussin « rouleau ». Il suffit aussi d’ajouter accoudoirs et dossier, en cuir de sellerie naturel tressé à la main, pour qu’un simple pouf donne lieu à un fauteuil très accueillant. Le cuir, cher à Cassina pour son confort, sa noblesse, son caractère tactile, fait partie intégrante de cet hommage au voyage. Il est également présent sur la tête de lit, pièce centrale de la collection baptisée Volage Ex-s Night Wood. Le bois de la structure se décline en trois finitions précieuses : acajou, ébène brillant et sycomore mat. Quant aux accessoires complémentaires – abat-jour, liseuse, table de chevet suspendue avec plateau et tiroir -, ils offrent une organisation de part et d’autre du lit, individuelle et fonctionnelle. L’ensemble de la collection reflète enfin l’engagement responsable de Cassina. Outre le cuir, naturellement durable, le rembourrage moelleux de l’assise et des accoudoirs se compose de matériaux circulaires, polyuréthane et PET recyclé. Chaque meuble ayant été conçu pour être désassemblé facilement, les divers éléments utiles à la construction privilégient récupération et cycle de vie.

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Rédaction Nadine Guérin