Mains d’Œuvre affirme son style radical grâce au cuir moulé

Fondateurs de Mains d'oeuvre
Quentin Barralon et Dorian Cayol, fondateurs de Mains d’œuvre devant leur atelier à Romans-sur-Isère.

Dorian Cayol et Quentin Barralon ont associé leurs savoir-faire pour proposer des produits de belle facture réalisés à la main, dans des peaux de qualité. Dépassant l’approche artisanale de haute volée, ils se sont aujourd’hui positionnés comme de véritables créateurs qui s’expriment de façon originale en concevant sacs, accessoires et chaussures en cuir moulé. Une évolution qui a été saluée par une mention spéciale du jury au dernier Festival International de la Mode de Hyères. Nous les avons rencontrés dans leur atelier de la Côte Jacquemart à Romans-sur-Isère. 

De l’atelier de fabrication local au studio de création

Dorian Cayol et Quentin Barralon se sont rencontrés alors qu’ils travaillaient tous deux chez Robert Clergerie à Romans-sur-Isère. Dorian, diplômé de l’ENSAD (École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs), y dessinait des collections, tandis que Quentin, issu d’une formation en métiers du cuir à l’École du Dauphiné y mettait au point les modèles. Aux expérimentations formelles de l’un avec le cuir répond la maîtrise technique de l’autre. Une parfaite complémentarité, qui leur donne envie de s’essayer ensemble à la création : c’est la naissance de leur atelier qu’ils conçoivent dans un premier temps comme un lieu de fabrication artisanale et traditionnelle. 
Leur goût pour l’esthétique minimaliste et fonctionnelle s’incarne dans des sacs et objets de petite maroquinerie, réalisés à la main en cuir à tannage végétal plutôt rigide, provenant des Tanneries Roux voisines. Une attention particulière est portée aux finitions et aux détails, qui mettent en valeur la simplicité des formes. Les coutures, réalisées en lin ciré, alternent points sellier, de croix et de Saumur.
Leur leitmotiv ? Créer des objets de belle facture, dans des matières naturelles produites en France, tout en restant accessibles pour les Romanais. Un souhait qui se transforme rapidement en gageure, tant l’activité d’artisan exige une production régulière, seule capable de garantir un approvisionnement continu mais qui laisse peu de place à l’expérimentation. Bientôt, leur créativité se voit bridée par des marges devenues trop faibles, mettant en péril l’économie de l’atelier.

Dorian et Quentin veulent alors se recentrer sur le design, afin de pouvoir sortir de la position de « simples faiseurs » et affirmer leur style tout en respectant leurs valeurs. L’occasion se présente lorsqu’ils décident fin 2018 de participer au Festival International de Mode de Hyères, dans la catégorie accessoires. Ils choisissent pour l’occasion de délaisser un instant la maroquinerie pour se concentrer de nouveau sur la chaussure. En deux mois, ils vont développer sept modèles.

Des chaussures entre exercice de style et défi technique

Pour concevoir les prototypes, le duo part d’une chaussure traditionnelle des Balkans en cuir moulé, l’Opanka. En Macédoine et en Serbie, ces chaussures paysannes sont formées autour des pieds et fermées sur le dessus par des liens tressés.
Ils en imaginent des versions modernes – des sneakers aux claquettes de piscine, en passant par les incontournables sabots en plastique – faisant par la même occasion un clin d’œil aux chaussures produites en masse grâce au plastique injecté. La malléabilité du cuir leur permet de reproduire les icônes populaires du sportswear et du streetwear, dans une matière noble avec des résultats similaires, la beauté et la durabilité en plus. 
La technicité des modèles, visible par leur aspect d’exosquelettes, prolonge l’analogie avec les chaussures de sport. À l’extérieur, le pied est protégé par une matière brute en cuir à tannage végétal pour les parties moulées, en veau lisse naturel noir pour les tiges. A contrario, la douceur des matières réservées à l’intérieur (veau nubuck et lisse noirs) garantit tout le confort. Un important travail de modelage a été nécessaire à la réalisation des prototypes et certains comportent trois parties moulées séparément. Les lacets en lin et coton, tressés par Sara Revil à Saint-Chamond, viennent apporter la touche finale. 

Le cuir moulé comme nouveau terrain d’expression

Au-delà de la reconnaissance de l’originalité et de la qualité du travail du duo romanais, la mention spéciale du jury obtenue au 34e Festival de la Mode de Hyères leur a permis d’accéder à un mentoring avec le bottier Massaro, intégré à Chanel. 
Les rencontres avec les ateliers et les échanges avec Jean-Étienne Prach, Directeur de la Maison Massaro, autour du positionnement de leur marque, de leur stratégie, de leur approche commerciale et de la gestion ont permis aux deux créateurs d’opérer un véritable virage.
Ils sont revenus à la maroquinerie avec un œil neuf et se sont engagés dans une démarche plus graphique. Les nouvelles formes dessinent des angles complexes, la technicité du travail du moulage est mise au service d’une esthétique radicale qui ne fait aucune concession aux valeurs d’éthique et de durabilité de Mains d’Œuvre. 
Une ligne de bananes et sacs à dos moulés, dans des cuirs d’origine européenne provenant de fins de séries, a vu le jour. L’atelier se fournit également auprès des tanneries Ciulli à Graulhet, en peaux de veaux normands et bretons, mises à la teinte spécifiquement pour eux, dans ce jaune safran devenu une de leurs couleurs emblématiques. La gamme de prix positionne la marque sur le luxe relativement accessible, avec des sacs à dos à 1 200 euros et des bananes à 490 euros et de la petite maroquinerie et articles pour la maison compris entre 90 et 230 euros, prix boutiques conseillés.
2020 sera pour les créateurs une année charnière avec la refonte du site web et notamment de sa partie e-commerce, même s’ils n’envisagent pas de distribution en direct exclusive. Pour développer son réseau, Mains d’Œuvre a récemment participé au salon Premiere Classe à Paris et compte prendre part à d’autres rendez-vous professionnels. Un développement pas à pas pour cette jeune marque emblématique d’un renouveau créatif, ancrée dans les savoir-faire et la durabilité, bien vivants à Romans-sur-Isère.

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Rédaction Hélène Borderie
Photos © Corinne Jamet

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