Le cuir s’expose à Révélations

Le miroir en marqueterie de cuir d’Atelier Reverdie est une structure 3D en mouvement - Photo © Michelangelo Foundation.

Révélations, la biennale internationale des métiers d’art et de la création tient salon du 21 au 25 mai dans la Nef du Grand Palais fraîchement rénové. L’événement parisien, organisé par Ateliers de France, est devenu un rendez-vous majeur prisé des artisans, des collectionneurs, des maisons de luxe, des prescripteurs aux projets internationaux… Avec 68% de nouveaux exposants, la 7e édition de Révélations célèbre l’union de l’excellence artisanale et de l’innovation créative, tous matériaux confondus. Focus sur le cuir et cinq artisans aux visions bien affirmées.

Niki Jessup présente à Paris sa première collection, dont les chaussures Surf&Turf, issues d’une exploration autour du recyclage du cuir - Photo © Richmond Lam.

Niki Jessup bouscule la chaussure

Révélations, avec plus de 750 candidatures reçues cette année, est un tremplin important pour les jeunes talents. Niki Jessup fait partie des nouveaux venus. Formée au Centre des Métiers du Cuir de Montréal (CMCM), elle s’initie d’abord à la maroquinerie avant de réaliser son rêve : fabriquer des chaussures. Sa formation la conduit au London College of Fashion, où elle obtient sa Maîtrise en Design Chaussure. « Les chaussures constituent le point de contact direct entre notre corps et la terre, dit-elle. Pourtant, peu de gens s’intéressent à leur fabrication. Cette idée me fascine. Ma démarche s’inscrit dans une réflexion écosensible. » En 2024, Niki Jessup participe à la résidence Craft The Leather en Toscane. « La visite de tanneries et de laboratoires de l’industrie du cuir végétal m’a passionnée », précise-t-elle. Elle expérimente la sculpture du cuir à effet poilu et le moulage de talons à partir de déchets de production. Deux pratiques innovantes, qu’elle dévoilera à Paris à travers sa première collection. Pour ses chaussures Surf&Turf, elle a choisi d’utiliser un cuir de saumon. « Il traduit une matérialité consciente, comme le cuir à tannage végétal. Ce sont des cuirs qui valorisent l’imperfection du fait main. À l’image de la peau elle-même, avec ses traces, ses singularités… », poursuit-elle. Niki Jessup sait exactement ce qu’elle attend de son premier salon dans la capitale. « Créer des liens avec des artisans, des professionnels du secteur, étoffer mon réseau européen… »

Bodenhorst fabrique de précieux écrins. Tel Moonbox, associant deux cuirs, grainé laqué noir et métallisé lisse. Le couvercle sculpté évoque la lune.

Bodenhorst, signature exclusive

Bodenhorst participe pour la première fois à Révélations, au côté des sélectionnés de Belgium is design. Son objectif ? Accroître sa visibilité et attirer l’attention de galeristes, d’architectes d’intérieur… Les coffrets et malles exclusifs, dont il s’est fait une spécialité, séduisent déjà collectionneurs et esthètes exigeants, en quête de pièces uniques d’exception. Bodenhorst est le label « signature » de Niyona, marque de maroquinerie créateur née en 2010. Quinze ans plus tard, elle a élargi ses horizons et pris la forme d’un studio transversal au service de l’artisanat du cuir. « Nous entretenons un rapport intuitif, émotionnel, avec le cuir, dans le façonnage de chacune de nos pièces, qu’il s’agisse de maroquinerie, d’objets, de mobilier, affirme le spécialiste belge, doté entre autre d’un atelier d’ébénisterie. Il s’agit toujours de trouver le juste équilibre, esthétique et fonctionnel, tout en honorant les valeurs éthiques et le respect des matériaux durables ». Pour ses créations à l’élégance atemporelle, cuirs et bois font l’objet d’une sélection rigoureuse. Tel, Moonbox, précieux écrin de montre combinant marqueterie de cuir et sculpture au relief lunaire. Ou encore Humidor, une cave à cigares des plus raffinées, en cuir grainé indigo, houx blanc et cèdre d’Espagne. Bodenhorst dévoilera aussi sur le salon un attaché case sculptural en cuir naturel et un meuble malle, le cabinet Trunk, où le cuir carmin dialoguera avec le bois d’olivier.

L’Atelier Reverdie croise art et artisanat

Pierre Roux est un artisan du cuir dont la vision porte à 360°. Basé en Alsace, son atelier décloisonne les métiers d’art, façonnant en parallèle maroquinerie, objets et mobilier. « Nos projets pour la restauration continuent à se développer, précise le fondateur de l’Atelier Reverdie. Mais les marques de luxe nous sollicitent particulièrement pour fabriquer divers accessoires. » La marqueterie de cuir – une spécificité de l’atelier – est un atout certain. « Son potentiel graphique est illimité, observe Pierre Roux. Elle donne du volume au cuir et se prête à l’upcycling. » C’est précisément le savoir-faire de la marqueterie d’art que l’atelier a choisi de mettre à l’honneur sur le salon. Spécialement, avec le miroir Synergy, sculpture dynamique et pièce maîtresse, à dominante bleue, réalisée en cuir tanné par la mégisserie Lauret. Sa mise en œuvre est un modèle de complexité. Quatre disques mobiles, gainés et marquetés de cuir, avec une précision millimétrée, composent le miroir. La structure tridimensionnelle puise dans la nature et l’art déco son motif organique. Ce miroir est le fruit d’une co-création, initiée dans le cadre du dispositif Homo Faber Next Gen, soutenu par la Michelangelo Foundation et Jaeger-LeCoultre. Sept mois durant, Pierre Roux a collaboré avec la jeune maroquinière colombienne Cristina Alvarez, sur le principe fructueux du duo maître-apprenti.

La passion pour la géométrie a inspiré à Audrey Bigouin un miroir à la forme sphérique.

Audrey B.Studio explore les structures 3D

Sa résidence au Bureau du Design, de la Mode, des Métiers d’Art (BDMMA) de la Ville de Paris ouvre les portes du salon Révélations à Audrey Bigouin. Depuis 2021, elle crée au sein de son propre studio des matières souples, destinées à la mode, au design, à l’architecture. « Des structures organisées, ingénieuses, poétiques », qui font se rencontrer formes géométriques et assemblages modulaires de toutes sortes. Les techniques sont, pour elle, des champs d’expression qu’elle s’approprie, détourne, hybride entre elles. Le cuir occupe une place centrale. La créatrice l’avait déjà associé à la céramique. Pour son arrivée sur le salon, elle a pris le parti de se tourner vers la décoration d’intérieur et de confronter le cuir à un autre matériau rigide, le verre miroir qui décuple l’éclat. Miroir mural et casse-tête reflètent le goût d’Audrey Bigouin pour les jeux de construction. Ces pièces sculpturales révèlent aussi des volumes atypiques. Baptisée Moons, la série tire son nom de la sphère. « Elle interroge notre lien profond avec l’origine, l’atome, un volume primaire, mystérieux, explique la créatrice. Chaque pièce invite à la contemplation, poussant le regard à plonger dans la matière, le cuir, noble et vivant par essence. » Pour les réaliser, Audrey B.Studio s’est appuyée sur l’expertise de Sellaneuf pour le cuir et de Delta Neo pour le miroir.

La pièce décorative Hiver, gainée de cuir par Marie Barthès, fait partie d’une série centrée sur les saisons.

La dynamique de la forme selon Marie Barthès

Marie Barthès est une fidèle de Révélations, où elle expose ses pièces uniques raffinées. Si la sculpture est sa formation initiale, elle a su l’adapter à sa matière de prédilection, le cuir. Le travail de la forme guide ses créations décoratives, où le cuir est tour à tour griffé, perforé, brodé, doré à chaud et, bien sûr, gainé. Le miroir a occupé une place de choix au sein de son univers poétique. Ses dernières pièces murales et à poser obéissent à une inspiration artistique en évolution. « Je mets toujours en volume mes objets sculpture, souligne Marie Barthès. J’ai privilégié cette fois l’embossage, le relief, le perçage. J’ai mis en tension des lignes sinueuses, minimales, en lien avec l’esthétique japonaise qui me fascine. Mais j’introduis progressivement le dessin, grâce aux pigments, notamment. » Depuis 2024, une réflexion autour du temps, et plus précisément des saisons, irrigue son travail. La nature lui inspire une nouvelle palette dans ses marqueteries de cuir et des formes autour du « piquant ». En témoignent les pièces Automne, Hiver, à découvrir en mai sous la verrière du Grand Palais. L’intérêt de Marie Barthès pour le laiton en touche ne faiblit pas. « Il enrichit le cuir. Il apporte de la préciosité et construit le volume. »

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Rédaction Nadine Guérin

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