L’authenticité, cheval de bataille de La Botte Gardiane

Julien, Antoine et Fanny Agulhon ont diversifié les collections sur le segment mode et donné un nouvel essor à La Botte Gardiane - Photo © Valentine Vermeil.

C’est l’une des dernières entreprises françaises à fabriquer intégralement ses chaussures dans son atelier, aux portes de la Camargue. La Botte Gardiane perpétue et exprime son savoir-faire unique au sein de collections citadines. Coup de projecteur sur une maison d’excellence.

Des manades à la ville

Spécialiste de la fabrication artisanale de bottes de gardians et cavaliers depuis 1958, La Botte Gardiane a su préserver la tradition au cœur du berceau de la tradition taurine. Reprise en 1995 par Michel Agulhon, expert de la chaussure de sécurité, l’entreprise connaît un nouvel essor sous la houlette de ses trois enfants – Antoine, Julien et Fanny -, désormais à sa tête. La fratrie, aux compétences complémentaires – gestion, technique et style -, a diversifié l’offre produits sur le segment de la mode sans rien perdre de son ADN. La gamme s’est ainsi enrichi de modèles pour la ville – 90% des ventes aujourd’hui -, et féminins.

De la personnalisation au sur-mesure

Des cuirs, plus souples, ont été introduits dans cette ligne urbaine composée de plus de 200 modèles de bottes, bottines, derbies, sandales, cavalières et chaussures basses, dessinées par Fanny Agulhon. Cet été une première mule viendra compléter la panoplie. Les collections sont commercialisées au prix boutique médian de 340 euros (de 150 euros les sandales à 650 euros pour les bottes cavalières). Ce large choix pour femmes, hommes et quelques versions enfants, peut se décliner à l’envi grâce à un service de personnalisation. La clientèle a ainsi le loisir de choisir, en option, la/les couleur(s) de peaux qu’elle souhaite voir appliquer sur son modèle, manufacturé à la demande sous un délai de trois semaines. La marque propose également des éditions limitées, telles des bottes sur lesquelles un foulard personnel peut être appliqué. De style intemporel, les modèles unisexes sont proposés en semi-mesure (largeur de chaussant adaptée) ou sur-mesure (sélection du cuir, des coloris, du chaussant). La Botte Gardiane assure par ailleurs un service de cordonnerie réalisé, selon le type de réparations, dans son atelier ou en boutiques. Par ailleurs, les collections se sont étoffées d’une ligne de maroquinerie comportant une dizaine de références et d’accessoires (ceintures, porte-cartes, pochettes, bracelet cuir, vide-poches, cache-pot…). Une offre que l’équipe souhaite développer ces prochaines saisons.

Une production 100% camarguaise

En 2018, à l’occasion de ses 60 ans, La Botte Gardiane a franchi un nouveau cap. Afin de poursuivre son expansion, elle s’est installée à Aigues-Vives, dans l’arrière-pays gardois à quelques kilomètres de Villetelle, son adresse historique. Sur près de 1 200 m2, dont 700 m2 dédiés à la fabrication, la PME familiale y emploie 22 personnes, artisans pour l’essentiel. Les opérateurs sont polyvalents et capables d’intervenir sur toutes les phases de conception et développement. « Nous disposons ainsi d’une grande réactivité sur toutes les étapes de production. Cette richesse partagée des savoir-faire rend le travail plus intéressant », souligne Fanny Agulhon. Les modèles faits main sont réputés pour leur solidité grâce notamment au montage dit mixte qui assure une étanchéité durable. En effet les clous de 14mm posés tous les 5mm maintiennent les quatre épaisseurs du montage comprimées sans jamais se relâcher. L’atelier maîtrise également le montage « soudé » (collé) pour les semelles plus fines et « sandalette » (entièrement cousu) pour plus de souplesse. L’entreprise mise sur la formation interne qui lui permet d’intégrer une nouvelle génération. « Il faut en moyenne deux années d’accompagnement pour maîtriser les gestes ancestraux et devenir autonome. » Indépendante, La Botte Gardiane savoure le privilège de contrôler sa chaîne de valeur et de production. À la fois Marque et fabricant, elle ne fait appel à aucun sous-traitant mais peut intervenir en soutien pour d’autres labels.

De l’importance de la matière 

Confort, solidité et durabilité caractérisent les collections de La Botte Gardiane. La marque travaille une centaine de références de cuirs européens sourcés majoritairement auprès de tanneurs français (à 65%), italiens – pour les veaux velours – et espagnols – pour les cuirs à semelles – avec lesquels elle a établi des relations de confiance. « La proximité est un critère important dans le choix d’un fournisseur car de la qualité des peausseries dépend la qualité de nos confections. » Partenaire historique de la maison camarguaise, la tannerie alsacienne Degermann l’approvisionne en cuir de veau retanné à la graisse chaude, ce qui confère souplesse et éclat à la matière. Ce cuir Suportlo®, littéralement « qui supporte l’eau », se patine avec le temps sans jamais durcir, ce qui lui évite de se craqueler. La Botte Gardiane utilise pour ses bottes et ses boots ce cuir gras épais double tannage, sans doublure, « imperméable sur la partie extérieure mais respirant à l’intérieur ». La marque recourt également au veau pleine fleur Hydrocalf, issu de la même maison française, qui se caractérise par sa souplesse, la finesse de son grain et une forte résistance à l’eau. D’autres cuirs techniques ou originaux, tels le veau velours pailleté, à motifs ou vernis provenant d’un tanneur italien, apportent aux créations une touche plus audacieuse. Les cuirs métallisés sont produits par la mégisserie Alran basée à Mazamet, spécialisée dans le tannage des cuirs de chèvres et de veaux lisses. Le cuir de moutons français de Graulhet est utilisé en association avec des cuirs pleine fleur ou velours. Ce mariage de textures permet de combiner les qualités de confort et de chaleur du mouton. Plus de 20% de la production est conçue à partir de cuirs tannés végétal. « Cette recherche de l’excellence va de pair avec une valeur qui nous est chère : la préservation de l’environnement. Nous faisons appel à des fournisseurs pour qui la notion de développement durable est au cœur de la démarche », précise la Directrice de Création. Si la PME a expérimenté certaines matières alternatives – à base d’ananas ou de champignons brésiliens -, « ce type de matériaux n’est pas adapté à nos modèles. La durabilité et le confort ne sont pas au rendez-vous. »

Les bonnes pratiques en action

Sa fabrication artisanale entre Nîmes et Montpellier va de pair avec une politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : approvisionnement de proximité, éco-conception, transparence, durabilité – « Consommer moins mais mieux » -, réparation, conditions de travail… La PME s’inscrit dans un modèle d’économie circulaire. La minimisation des déchets tout au long du processus de production est encouragée. Les chutes de cuir de bottes sont réutilisées pour les sandales, pour certaines doublures, pour les bracelets ou pour les premières de propreté. Elles sont également vendues à des artisans maroquiniers ou des particuliers. « Les boîtes de chaussures sont en carton partiellement recyclé et fabriquées en France (hormis les grandes boîtes de bottes), les lacets proviennent de La Société Choletaise, les boucles de chez Poursin. Même les cartes de remerciements sont imprimées en France ! » L’entreprise a profité de son déménagement pour conforter son engagement environnemental. Le nouveau bâtiment a été construit selon la norme RT2012 qui vise à limiter les consommations d’énergie. L’éclairage, intérieur et extérieur, est entièrement réalisé avec des LED. Conformément aux recommandations de la Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail (CARSAT), chaque poste de travail est doté d’un éclairage LED de 500 lumens pour le confort des opérateurs. L’atelier est équipé d’un système d’aspiration de poussières et de solvants centralisé. Pour une acoustique plus agréable, les nuisances sonores générées par l’activité de production sont réduites grâce à des parois anti-bruit micro-perforées.

En 2018, la PME familiale a fait construire dans l'arrière-pays gardois un siège et atelier de production selon la norme RT2012 qui vise à limiter les consommations d’énergie.

L’atout de son réseau

La Botte Gardiane compte aujourd’hui quatre magasins en propre : deux à Paris dans les quartiers de Bastille, rue de Charonne depuis 2012, et du Marais, un à Lyon (IIe arrondissement) à deux pas de la place Bellecour, et une boutique-show-room de 110 m2 accolée à son atelier de fabrication. La présentation épurée, semblable aux intérieurs de cabanes de gardians, fait la part belle aux produits, où les atemporels côtoient les souliers plus tendances. La production annuelle atteint 12 000 paires distribuées dans ses points de vente à l’enseigne, via son e-shop et à travers un réseau de près de 100 revendeurs en France et à l’international. La marque est présente aussi bien chez les chausseurs que les multimarques, boutiques de prêt-à-porter ou cordonneries telles Tout pour le gardian à Lunel, CentreVille à Rouen, Pieds nus à Saint-Rémy-de-Provence et à Paris. Elle exporte 25% de sa fabrication, notamment vers le Japon, chez Isetan ou online sur Journal Standard. La clientèle nippone est particulièrement friande du savoir-faire Made in France et de l’image bucolique véhiculée par sa région d’origine. La Botte Gardiane est également bien représentée aux États-Unis, en Corée et en Europe comme chez Eat Dust ou Bellerose en Belgique. La marque mise par ailleurs sur l’essor de son site e-commerce, qui représente actuellement 20% de son activité. Il est d’ailleurs en cours de refonte afin de développer les ventes en ligne.

La Botte Gardiane compte quatre magasins en propre en France : deux à Paris, un à Lyon et une boutique-show-room accolée à son atelier de fabrication.

Une reconnaissance à 360°

Labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) depuis 2007, qui distingue les entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence, la société est lauréate 2021 de l’incubateur de la Filière Française du Cuir ADC (Au-Delà du Cuir). Ce dispositif accompagne les entrepreneurs de façon globale afin d’accélérer et soutenir leur développement. Reconnaissance de sa créativité, de son positionnement atypique et de son potentiel, cette nouvelle étape devrait contribuer à placer La Botte Gardiane sous les feux de la rampe.

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Rédaction Laëtitia Blin

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