Défilés femme
printemps-été 2020 :
déranger autant qu’émouvoir

Défilé Bottega Veneta printemps-été #20
Défilé Bottega Veneta printemps-été 2020.

Trop de mode, trop de vêtements, trop de tout, Miuccia Prada déclare vouloir ralentir le consumérisme effréné. Milan propose un retour aux vrais vêtements.
Observer et questionner l’époque, Paris a démontré la profondeur et la puissance de sa vision de mode. Une dimension humaine du vêtement qui met en scène ses engagements.
La fashion week de New York, quant à elle, fait du ridicule une arme. Humour absurde et touches d’ironies sont portés par une légèreté qui milite pour la diversité sociale.
Londres, à force de protestations coup de poing du groupe Extinction Rebellion, pose une question existentielle : peut-on s’opposer à un système de mode et en faire partie dans un même temps ?
Ce qui apparaît comme une certitude, c’est que l’amour des créateurs pour le cuir n’a de cesse de renouer avec une mode qui crée du rêve, suscite du plaisir et donne de la joie à être portée.
Le futur de cette matière continue à s’écrire avec virtuosité et excellence. Si la saison s’ouvre donc sur une nouvelle page blanche, que faut-il retenir de ces défilés printemps-été 2020 ?

Casting inclusif

Cette saison se bat plus que jamais pour l’avènement du règne de la diversité au sens large, qu’il s’agisse d’âge, de couleur de peau et de question de poids. Devenir plus libres, plus authentiques, les créateurs nous libèrent du conditionnement « beautés glacées » des magazines, et des réseaux sociaux.
La mode gender free est un moyen passionnant d’imaginer le futur de notre société. Rihanna avec sa marque de lingerie Savage x Fenty, prône le body positivisme en optant pour un casting où petites, grandes et pulpeuses affirment la puissance d’une féminité inclusive et assumée, pleine de grâce et de désir.
Chez Off-White, le port altier et la chevelure blanc-argent d’Axelle Doué, tout en pantalon de cuir noir et débardeur blanc, élargit le spectre des codes sociaux et casse les a priori des stéréotypes générationnels. À voir ce défilé, le cuir noir n’est-il pas le lien de style qui relie quinquados et millennials ?

extravagance maximale

Il s’agit d’attirer l’attention. Besoin est de rire, de faire du ridicule une arme. Touches d’ironies et humour absurde, la mode opère un retour fracassant du mauvais goût qui pousse à toutes les audaces.
À rebours du bon goût les défilés mettent savamment en lumière les revendications d’une mode qui exprime un furieux mélange de frivolité et de sérieux.
Artifices pop-glitter chez Paco Rabanne  et maximalisation chez Balenciaga travaillent avec emphase sur l’exagération des carrures et le clinquant ludiques des patchs de matières.
Porté double des sacs qui s’agrémentent de chaînes en acétate à maillons XXL, ou anses à gros tressés façon passementerie oversize chez Balmain, mais aussi tressages de joncs de cuir molletonné et multicolores chez Miu Miu, font des accessoires des it détails débridés marqueurs de styles.
Flash de couleurs fluo, clash de motifs imprimés sur cuir, chaussures extravagantes, maxi cabas bi-couleurs en nappa tressé chez Bottega Veneta, il faut attirer l’œil et faire l’objet de toutes les attentions. Avec ce chic à bâton rompu, la mode flirte avec maximalisation et extravagance.

épure formelle

A contrario, une silhouette silencieuse et immaculée s’est imposée comme pour s’opposer à tout ce vacarme. La saison est plus que jamais en quête d’une épure formelle tant pour les accessoires maroquinerie que chaussures.
Chez Jil Sander, les silhouettes presque minimalistes sont à la recherche d’une efficacité intemporelle qui travaillent sur une élégance dénuée d’artifices conceptuels.
À la tête du studio créatif, le couple Meier revendique une sobriété qui met l’accent sur l’artisanat au travers de détails en raphia. Un artisanat augmenté qui humanise l’austérité en l’empêchant d’être ennuyeuse.
Mais c’est à New York, chez Proenza Schouler et à Milan chez Bottega Veneta, que cette rigueur réussit un exercice de style qui associe avec virtuosité, souplesse effortless et vision moderniste du cuir. Un nec plus ultra essentiel et épuré, design et quotidien.

Durabilité désirable

À l’heure où le sort de la planète suscite tant de mobilisation, impossible pour la mode de négliger sa part de responsabilité. En dépit des débats sur le sujet, les collections d’été ne semblent pas être affectées par la controverse qui voudrait destituer le cuir de sa durabilité originelle. Écoconception, dispositif novateur de traçabilité, épuration des rejets d’eau, processus de tannage végétal, pigment naturel, cuir régénéré, digitalisation des plans de coupe, certification, restituent au cuir des qualités intrinsèques de durabilité vieilles de 5 000 ans !
Pour ce printemps-été 2020, on assiste donc à la mise en scène de ces engagements. Bon nombre de marques, dont la créatrice en vogue Marine Serre ont mis la nature et l’upcycling au cœur de leurs collections.  L’engagement va de pair avec le style. Le développement durable devient désirable, tant au niveau des processus de fabrication qu’au niveau du sourcing et du choix de plus en plus élargi de matières responsables.
Au moment de saluer son public à la fin du défilé de sa nouvelle collection printemps-été 2020, le jeune designer italien Tiziano Guardini, connu pour sa mode écoresponsable, portait un tee-shirt « Earth needs Heart ». Un futur qui s’écrit avec le cœur chaque jour, en pleine conscience.

Crus bourgeois

Les fashion week annoncent le chic d’une silhouette bourgeoise, qui joue avec les codes classiques d’un vestiaire bon chic bon genre. Coming out du bermuda, lequel bermuda est marié à un blouson en cuir chez Tod’s ou décliné en costume 3 pièces chez Max Mara.
La bourgeoisie qui s’encanaille c’est aussi les 70’s glorieuses annoncé chez Celine cet hiver passé. Paris et New York, continuent d’affirmer cette féminité très #MeToo, faite de piqûre sellier et de bouclerie or, où monogramme laitonné XXL, sacs en crossbody et pochettes ceintures viennent décaler des allures ultra classiques.
Tout est question de proportions et de nouveaux portés issus de l’énergie streetwear. Mini sac chez Jacquemus ou maxi cabas chez Hermès, escarpins et mocassins hybridés streetwear chez Off-White et Louis Vuitton, tailleurs working girl déconstruits et jupe en cuir monogrammée chez Fendi, autant de pièces qui transgressent tous les codes bourgeois d’une société en pleine mutation.

Street statutaire

Est-ce le streetwear qui s’empare des archétypes du classicisme bourgeois, ou est-ce les sirènes de la réussite qui institutionnalisent le streetwear comme porteur des valeurs d’un nouveau classicisme statutaire ?
Aujourd’hui, l’influence du streetwear sur le vestiaire bourgeois est devenue presque aussi forte que la réciproque. Dans les deux cas, bourgeoisie et streetwear décloisonnent les styles et se nourrissent l’un et l’autre d’une même énergie à s’emparer des codes de chacun.
On assiste chez Lacoste, plus que jamais à la création d’un nouveau modèle de mode, celui où luxe et streetwear ne font plus qu’un. Un modèle d’élégance qui associe pardessus d’été en cuir caoutchouté, mocassins blancs et polos à larges cols. Chic à souhait.

Blancs absolus

Le Comité Français de la Couleur en a fait son focus : après un début de millénaire incertain et agité, le blanc s’avère être pour la saison, un reset calme et apaisant. Sa pureté a séduit nombre de designers et s’est diffusée avec calme et volupté dans les collections.
Chez Helmut Lang et Boss les costumes dénués de couleurs sont aussi vierges que des pages blanches. Mais aussi chez The Row, Gabriela Hearst et Tom Ford. Entre Paris, Milan, Londres et New York, les défilés printemps-été 2020 s’ouvrent sur une page blanche.
C’est par le blanc optique que luxe et streetwear s’expriment de façon manifeste. Matière à une expression de style architecturé, il perfore les tiges de bottes d’été chez Off-White. Dans ce qu’il a de graphique et d’impactant, le blanc s’affiche aussi en bannière à logo chez Giambattista Valli. Tandis que le blanc se travaille tout en matelassé chez Balmain et  Chanel.
Le blanc s’impose comme valeur absolue de la saison couture et streetwear. Tels des néo-bananes, les mini-sacs se sanglent autour de la taille ou s’affichent librement en sautoirs ou en écharpe cross body. De nouveaux portés qui s’accordent aux silhouettes fortes de la saison.
Blanc clinique également en ouverture du défilé Gucci orchestré par Alessandro Michele. Electrochoc stylistique et camisole de force déroulent en première partie de défilé, une vision en blanc où sandales « Scholl » revisitées et sacs multi sangles sont vidés en substance de tout artifice décoratif.
L’utilisation raisonnée du blanc, en accessoires ou en all over relève d’une posture conceptuelle et arty.  Le jeu bipolaire entre basculement et folie douce du blanc, entre silence et exubérance, ouvre donc sur une nouvelle page blanche. C’est ce que nous retiendrons de ces défilés printemps-été 2020. 

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Rédaction Anne Liberati
Photos © Alain Gil-Gonzalez

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