À Angoulême, la FFVE et la filière cuir locale célèbrent le patrimoine automobile sur parchemin.

À l’occasion du Circuit des Remparts d’Angoulême, les lauréats du Concours d’État, organisé par la Fédération Française des Véhicules dÉpoque (FFVE), recevront tous cette année un certificat en parchemin de chèvre calligraphié à la main. Un objet unique, né d’une coopération inédite entre acteurs locaux de la filière cuir : abattoir, collecteur-négociant, tanneur et artiste, avec la FFVE, pour valoriser le cinquième quartier de façon originale. Une histoire de territoire, de savoir-faire et de transmission.

Une matière rare pour des automobiles d’exception

Les 19 et 20 septembre prochains, en marge des courses, les passionnés d’automobiles anciennes célébreront l’élégance et l’authenticité au travers des concours labellisés par la FFVE. À cette occasion, les finalistes du Concours d’État se verront remettre pour la première fois des certificats réalisés en parchemin de chèvre calligraphié à la main. Une initiative qui incarne la volonté de célébrer l’excellence du patrimoine automobile combinée à celle d’une filière cuir régionale engagée.
Née à la fin des années 60, la FFVE a étendu ces dernières années ses missions au-delà de celles de certification d’âge et d’authenticité d’automobiles anciennes, accédant ainsi au statut de véhicules de collection, pour engager des actions de valorisation et de préservation du patrimoine automobile.
La fédération mène une dizaine de programmes, portés par une cinquantaine de délégués régionaux et une trentaine d’administrateurs bénévoles. Elle fédère plus de 1 500 adhérents, dont 1 000 clubs, 500 professionnels et une cinquantaine de musées. Elle accompagne ces acteurs dans des démarches techniques ou juridiques, et valorise leur engagement via des actions comme le label « Ville et village d’accueil des véhicules d’époque », récemment attribué à Angoulême. Des conférences, en présentiel ou en webinaire, complètent ce travail de transmission.
Pour Laëtitia Gasser, Directrice de la Communication de la FFVE, le partenariat créé pour la réalisation des certificats s’inscrit dans cette volonté plus large de reconnaissance du patrimoine roulant. « Remettre un certificat en parchemin prolonge l’esprit du Concours d’État jusque dans la récompense où chaque véhicule est évalué au boulon près. Cela souligne bien l’authenticité du travail accompli », confie-t-elle. Préserver le patrimoine, c’est aussi tisser des liens entre les filières d’excellence.
Robert Ameteau, Président du Comptoir des Viandes du Centre Ouest (CO.VI.CO.), entreprise pivot dans ce projet, spécialisée dans la valorisation des peaux issues des abattoirs, explique : « le parchemin est un matériau noble, rare, exigeant. Il donne un caractère premium aux certificats, en cohérence avec la qualité du travail récompensé : celui des restaurateurs et collectionneurs de véhicules d’époque ».

Le concours d’État de la FFVE se concentre sur l’authenticité de la restauration des véhicules, les juges examinant chaque détail de carrosserie, sellerie et mécanique, au boulon près.

Valoriser l’engagement de la filière cuir locale

Ce projet trouve ses racines au sein même d’une filière cuir réunissant des acteurs de la région Nouvelle-Aquitaine, dans une logique de circuit court, de valorisation du cinquième quartier et de transmission des savoir-faire. Le parcours de la peau est rigoureux : depuis les Abattoirs Mélusins (SARL Auburtin) à Lusignan jusqu’aux ateliers de la tannerie-parcheminerie Dumas à Annonay, en passant par CO.VI.CO et enfin dans l’atelier d’Annie Bouyer, enlumineur et calligraphe, situés tous deux à Vœuil-et-Giget, à quelques kilomètres d’Angoulême.
Les Abattoirs Mélusins collectent des animaux vivants, ovins, bovins, et caprins, pour lesquels ils sont leader au plan national, procédant à l’abattage et la commercialisation des carcasses. Afin d’optimiser l’outil de production, l’entreprise familiale a développé la valorisation des peaux, qui demeure essentielle, sur un marché à l’équilibre fragile. L’entreprise bénéficie de l’intervention des Moniteurs de la Fédération Française des Cuirs et Peaux (FFCP). Un travail essentiel pour Julie Auburtin, Directrice Administrative des Abattoirs Mélusins. « Cela nous permet de nous remettre en question et de progresser sur les produits vendus. » Les opérateurs, quant à eux, sont formés aux gestes d’habillage des carcasses et de salage des peaux fraîches, contribuant à la montée en compétence des équipes et à la qualité des peaux collectées.
Une importance de la qualité du travail de préparation que les abattoirs ont aussi intégrée au travers de leur collaboration étroite avec CO.VI.CO. Donnant une dimension supplémentaire à son rôle d’intermédiaire entre ces deux métiers, Robert Ameteau a initié un rapport de transparence entre abattoirs et tanneurs.
Pour ce projet, CO.VI.CO. réalise une sélection stricte de peaux de chèvres blanches Saanen issues de la production des Abattoirs Mélusins, dont la blancheur permet d’obtenir une surface très claire, idéale pour la fabrication de parchemins destinés à la calligraphie. Les lots sont, dès leur arrivée, immédiatement stockés en froid positif à +3 degrés dans les immenses carrières souterraines de CO.VI.CO., pour une conservation optimum. Puis les peaux sont contrôlées une à une à la table, afin d’être examinées méticuleusement par un spécialiste qui détectera les moindres défauts visuels aussi bien côté poil que côté chair. « Chez CO.VI.CO., cette expertise et ce savoir-faire ancestral nous permettent de sélectionner les meilleures origines de peaux afin de satisfaire l’exigence de nos clients tanneurs, mégissiers et parcheminiers en France mais aussi à l’international. Cette rigueur garantit la réussite de projets aussi exigeants sur le long terme », détaille Robert Ameteau.

Du cuir au parchemin : un savoir-faire artisanal devenu rare

Le passage de la peau brute au parchemin est orchestré par Frédéric Dumas, qui perpétue le travail de tannerie et parcheminerie de l’entreprise familiale, la tannerie Dumas, fondée en 1926 par son grand-père et dans laquelle sa fille l’a désormais rejoint. Il souligne d’emblée un point essentiel. « On confond souvent le parchemin et son imitation végétale en papier. Le parchemin est animal. Le mot « papier parchemin » est une erreur de langage entretenue par les papetiers depuis le XVIIIe siècle. » La demande pour la chèvre est majoritaire, il en produit aussi à partir d’agneau et en petites quantités de veau, de taureau, de cerf, d’autruche et propose aussi du galuchat, fabriqué à partir de peau de raie. Les clients des débuts étaient principalement des fabricants de prothèses orthopédiques et d’instruments de musique. Frédéric Dumas a fait évoluer le portefeuille clientèle vers les artisans du meuble, du design et de la décoration, à la recherche d’un matériau précieux. Utilisé en gainage sur meubles et surfaces, le parchemin sera plutôt réservé à des chantiers d’exception et des boutiques de luxe. Chez Dumas, la transformation comprend une trentaine d’opérations, dont une quinzaine en commun avec le cuir. Poils, épiderme, hypoderme sont retirés pour ne conserver que le derme. Après un séchage minutieux sur cadre métallique, la peau de chèvre parcheminée fait 4 millimètres d’épaisseur. Avec sa surface bien dégraissée et son PH neutre, le parchemin est fin prêt à être transmis à Annie Bouyer, enlumineuse qui y appose couleurs et dessins. Un travail d’orfèvre qui parachève l’objet avec élégance et unicité.

La calligraphie consacre l’union entre les acteurs

Annie Bouyer pratique l’art de l’enluminure de façon professionnelle depuis plus de 20 ans, après une carrière en tant qu’enseignante. Passionnée d’Art et d’Histoire médiévale, elle s’est formée à cet art exigeant mais aussi à celui non moins précis de la calligraphie. Cette année elle aura pour mission d’inscrire sur chaque certificat les noms des lauréats, soit une trentaine de calligraphies à réaliser, ce qui représente un véritable challenge. L’artiste prépare en effet habituellement ses peaux en les faisant tremper et en en ponçant légèrement la surface, afin d’éliminer toute trace de gras qui nuirait à l’adhérence des pigments. Une étape dont les peaux particulièrement bien dégraissées fournies par Frédéric Dumas la dispensent sans doute.
Annie Bouyer est animée par le fait de perpétuer les gestes et savoir-faire anciens, la recherche du pigment juste, qu’elle prépare longuement dans son mortier, pour ensuite peindre avec finesse et délicatesse les scènes qui l’inspirent. Elle réalise un travail précis sur l’alchimie des matériaux entre eux et prépare elle-même une encre ferro-gallique noire, selon une méthode tirée des procédés médiévaux. Réalisée à partir d’un mélange de noix de galle et de sulfate de fer, associés à une très petite quantité de gomme arabique, elle est indélébile, d’un noir profond, et se conserve extrêmement bien dans le temps.
Elle vient admirablement illustrer cette synergie entre ces acteurs de la filière, qui chacun ont contribué à façonner un objet porteur de sens. « Au-delà de l’objet, c’est une histoire de personnes de confiance, passionnées par nos métiers du cuir. Ce qui fait la réussite d’une grande filière française comme la nôtre », conclut Robert Ameteau. Les certificats remis cette année par la FFVE, au-delà la récompense, incarnent la pérennité et l’engagement d’une filière toute entière.

Inscrivez-vous à la Newsleather pour recevoir, toutes les deux semaines, un condensé de l’actualité de la filière cuir.

Rédaction Hélène Borderie

j'AIME
TWEETER
PIN IT
LINKEDIN
Cuir Invest

Consultez
les derniers articles
de la rubrique

Fermer