Le design des sacs 10.03.53 magnifie le cuir

Lancée en France en 2020 par un jeune designer italien, la maroquinerie épurée de 10.03.53 a déjà séduit plusieurs multimarques à travers le monde. Hébergée par l’incubateur des Ateliers de Paris, elle s’apprête à ouvrir une boutique-atelier dans la capitale. Objectif : développer le made in France et une démarche circulaire.

Mozart de la maroquinerie ?

Amadeus n’aurait peut-être pas été Mozart sans l’éducation exigeante de Léopold. Et toutes proportions gardées, Luca Colosimo n’aurait pas exploité si bien ses talents de maroquinerie virtuose sans les conseils d’Oreste, son père. C’est pour rendre hommage à ce dernier, disparu en 2016, que ce jeune Italien, né à Milan, a choisi sa date de naissance – 10.03.53 – pour baptiser sa marque, imaginée en plein confinement. Quand Luca lui annonce qu’il entend intégrer une école de stylisme-modélisme, Oreste, industriel dans les accessoires de mode, y voit là une « très mauvaise idée » et lui explique qu’il « ne parviendra à faire de la mode que lorsqu’il maîtrisera la technique ». Luca commence malgré tout ses études avant d’abandonner, faute de goût pour le vêtement. En 2010, il se réoriente vers sa véritable vocation, la maroquinerie, se formant au prototypage grâce à une bourse d’étude à l’Alta Scuola di Pelletteria Italiana, une école cofondée par Gucci et Prada. Il intègre ensuite le Département Commandes Spéciales de Gucci puis le Bureau de Style. Une voie a priori royale qu’il quitte pourtant en 2012 pour suivre son propre chemin. Direction Paris, où il est d’abord free-lance maroquinerie pour les marques Caroline De Marchi, Maison Ravn puis pour Paco Rabanne, Icicle et Isabel Marant.

Un confinement bienvenu

Quand arrive le confinement, en mars 2020, il prend le temps de réfléchir et imagine dans son studio parisien trois sacs et un portefeuille, soit l’amorce de 10.03.53. Les grands principes sont là : des modèles en cuir italien de vachette, beaux évidemment mais aussi intelligents et très bien conçus. Le travail du cuir, les formes, les volumes sont au cœur de la réflexion, avec le souhait d’éviter les accessoires métalliques ornementaux que le créateur considère comme une faiblesse dans le design d’un modèle. Sa marque de fabrique est une patte en cuir, faite de pièces géométriques se chevauchant, conçue pour exercer une pression qui évite au sac de se déformer. Les quelques tons, issus du tannage végétal ou au chrome, sont aussi aux antipodes du bling-bling : beige, marron, kaki, noir. Depuis, la marque a introduit un peu de fantaisie, comme cet élégant rose framboise de l’automne-hiver 2022-23.
Pour produire, Luca a aussi bénéficié du ralentissement industriel lié au Covid-19. Lorsqu’il contacte un fabricant tunisien, fournisseur de grandes maisons de mode françaises, ce dernier accepte aussitôt de confectionner une trentaine de pièces … qui se vendront très rapidement via internet !

Ateliers de Paris

En septembre 2021, le créateur est sélectionné pour rejoindre pendant deux ans les Ateliers de Paris, l’incubateur de la capitale. Depuis, son activité décolle. Il a embauché un de ses apprentis, devenu son bras droit, et s’adosse à un commercial free-lance pour doper l’export. Dès sa première présentation sur le salon Première Classe fin 2022, 10.03.53 est sélectionnée par une quinzaine de multimarques, dont 20% en France (comme Smallable), et 80% à l’export (Japon, États-Unis…). Succès réitéré lors de sa deuxième participation en mars 2023. Son parc devrait bientôt passer à une trentaine de points de vente et de nouveaux marchés comme la Corée et le Royaume-Uni, s’ouvrir à la marque.
À l’image de sa diffusion, l’univers de 10.03.53 s’est aussi élargi, avec désormais une douzaine de modèles, parfois déclinés en deux tailles large ou mini. À côté des plus classiques, même si chacun porte la patte 10.03.53 – le Bucket (en forme de seau), le Saddle bag (sacoche de selle), le Briefcase zippé (mallette) -, citons, parmi les plus originaux, son cabas conçu comme les poupées russes, superposant trois sacs, associant, selon les saisons, cuir-raphia-coton, cuir-nylon-coton, nappa-coton, etc. Le premier permet de fermer, le deuxième d’accrocher poignée et bandoulière, tandis que le troisième, extérieur, est doté de quatre volumineuses poches. Parmi ses autres trouvailles figurent le Concrete Baguette, un sac rectangulaire doté d’un fermoir en béton extrafin, ou le Doctor, un modèle à trois soufflets, avec un minimum de découpes. Autre dernier-né, le Braided Tote, un cabas tressé dans un esprit géométrique avec des chutes de cuir trop petites pour un modèle classique, marque ses premiers pas dans l’upcycling et l’économie circulaire.

Boutique-atelier

À côté de son activité wholesale, Luca Colosimo a un autre projet bien avancé de boutique-atelier à Paris. Il espère bénéficier rapidement d’un local à prix réduit dans le XX^e arrondissement grâce à un dispositif spécifique de la Ville de Paris. Celle-ci lui permettrait d’ajouter une corde made in France et économie circulaire à son arc. L’idée serait d’y vendre des pièces uniques réalisées avec des stocks dormants de cuir. « Réaliser nos modèles existants dans l’Hexagone nous obligerait à les vendre 3 000 euros contre 500 euros, souligne-t-il. Nous allons donc fabriquer des versions upcyclées, moins coûteuses à réaliser, dans notre atelier-boutique. » 10.03.53 s’est aussi rapprochée de la plateforme de la Filière Française du Cuir, Faire De Lance, qui oriente les créateurs vers des fabricants français.

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Rédaction Sophie Bouhier de l’Ecluse