Les technologies innovantes entre de bonnes mains au CTC

Valantin Louis Responsable Département Technologies Innovantes CTC
Valantin Louis est Responsable du Département Technologies Innovantes ainsi que du Département Développement des Méthodes d’Essais Physiques au sein de la Direction Innovation de CTC.

Depuis bientôt deux ans, Valantin Louis pilote le Département Technologies Innovantes et Méthodes d’Essais Physiques au sein de la direction innovation de CTC dirigée par Cédric Vigier. Interview d’un expert au service de la filière cuir, chaussure, maroquinerie, ganterie française.

Quel a été votre parcours avant d’occuper le poste de responsable du département technologies innovantes à CTC ?

J’ai suivi des études d’ingénieur en génie mécanique et procédés plasturgie à l’Institut National des Sciences Appliquées (INSA) de Lyon et, dans ce cadre, j’ai eu l’opportunité de réaliser, de 2015 à 2018, mon alternance à CTC. J’ai ensuite intégré le Département Innovation de CTC afin de travailler sur la mise au point, pour les tests de qualité, d’un bras robotisé reproduisant les contraintes que subit un article de maroquinerie lors de son utilisation quotidienne. À l’issue de cette alternance, j’ai été engagé à CTC en tant que Chef de Projet Innovation pour piloter des projets autour de l’impression 3D et de l’apport de l’automatisation ou robotisation pour les secteurs du cuir, de la chaussure et de la maroquinerie. Depuis 2022, je suis Responsable du Département Technologies Innovantes et Méthodes d’Essais Physiques. Mon équipe se compose d’une dizaine d’ingénieurs et techniciens qui travaillent sur des projets de recherche variés telle la robotique, les essais innovants, la biomécanique, l’ergonomie et les mesures physiologiques, l’impression 3D, les nouveaux matériaux… Ces travaux de recherche sont menés de façon interne à CTC ou de façon plus collective, en associant des partenaires industriels, membres de CTC.

CTC Robots test maroquinerie
Robots de test en maroquinerie de CTC.

Commençons par la robotique, comment cette technologie innovante peut-elle être utilisée dans la filière du cuir ?

Il convient de définir ce qu’est une technologie innovante. À CTC, ce terme inclut toute avancée, développement ou solution nouvelle liés à la modernisation de l’outil de production et à la transformation numérique des entreprises. La mission des départements que je dirige est de permettre l’intégration de ces innovations technologiques tout au long de la filière : c’est-à-dire de la collecte de la peau brute jusqu’à l’article fini chaussure, maroquinerie ou encore ganterie. Nous pouvons citer plusieurs projets sur lesquels CTC travaille aujourd’hui, afin de renforcer la compétitivité des entreprises françaises.
En premier lieu, des projets de robotique et robotique collaborative. La robotique est envisageable pour seconder ou remplacer le travail humain sur certaines opérations pénibles dans différents métiers, tels l’aéronautique, l’agroalimentaire ou encore la santé. Cette robotique, adaptée par CTC pour l’industrie de la chaussure et de la maroquinerie, vise plusieurs objectifs. Par exemple, produire des chaussures en France avec l’aide de robots ou de machines automatisées pourrait permettre de maintenir un savoir-faire ayant tendance à disparaître. Cette approche favorise également le maintien d’un niveau de qualité de fabrication toujours constant. Ces technologies contribuent également à optimiser les étapes de production, afin de donner la possibilité aux entreprises de proposer un made in France le plus compétitif possible face à une concurrence mondiale toujours plus aiguisée. En France, aujourd’hui, plusieurs entreprises sont équipées et produisent à l’aide de ces bras robotisés, des articles de ville, de sport ou des chaussures de sécurité.
Il est important de souligner que ces technologies ne visent pas à remplacer l’humain, mais au contraire à le préserver, en le déchargeant de tâches sans valeur ajoutée, pour qu’il puisse se recentrer sur des opérations plus intéressantes et plus valorisantes. Cette démarche participe donc aussi à l’attractivité de nos métiers.
La robotique collaborative utilise, elle, un bras robotisé composé d’éléments mécaniques et de capteurs d’effort permettant de détecter et travailler en collaboration avec l’Homme. Cette technologie a été travaillée par CTC pour les métiers de la maroquinerie, afin d’assister le maroquinier dans les tâches à faible valeur ajoutée. Ainsi plusieurs preuves de concepts ont été présentées aux industriels français, telles que l’aide à la préparation à l’encollage des cuirs ou encore l’assistance au contrôle qualité des cuirs.
Toutefois, en 2023, nous sommes arrivés à la conclusion suivante. Afin de remplacer les gestes humains, réalisés sur une matière noble, hétérogène, ayant besoin de finesse et de précision, la robotique collaborative seule n’est pas totalement adaptée. Pour parvenir à des systèmes intégrables en entreprise, il faut y associer d’autres innovations, tels des capteurs d’efforts additionnels, des caméras haute définition, des éclairages LED techniques ou encore la sécurité additionnelle, ce qui rend la robotique non intégrable en atelier de maroquinerie car ces solutions sont très complexes et onéreuses. Le retour sur investissement n’est pas justifié.

CTC Simulateur marche course pied test usage chaussure
Simulateur de marche et de course à pied de CTC, pour tests d’usage de nouveaux modèles de chaussures.

Alors, en quoi la robotique présente-t-elle un intérêt pour les secteurs du cuir axés sur la tradition ?

Notre secteur manufacturier est encore artisanal et le revendique. Le produit de qualité et haut de gamme passe par la main de la personne qui lui confère toutes ses lettres de noblesse. Cependant, à côté de la fabrication proprement dite, les technologies innovantes peuvent apporter un complément, comme le fait la robotique dans l’exécution des tests de qualité. Ceci permet d’accélérer les procédés de certification et de validation produits. L’adéquation du savoir-faire traditionnel et des nouvelles technologies est donc indispensable pour optimiser et standardiser le niveau de qualité attendu. C’est sur cet enjeu que CTC accompagne le plus les industriels aujourd’hui.

Quel rôle votre département joue-t-il dans l’intégration de la robotique dans les entreprises ?

Dans le cadre de nos projets collectifs avec nos entreprises membres, une fois les besoins parfaitement qualifiés, nous analysons dans un premier temps les technologies présentes sur le marché ou en stade de recherche, nous apportons un avis sur leur maturité et leur adéquation avec le besoin émis. Dans un second temps, nous établissons des cahiers des charges pour permettre de développer un prototype fonctionnel répondant aux besoins de nos industriels. Ensuite, nous testons cet équipement sur site afin de l’améliorer et de l’intégrer parfaitement au site de production. La diffusion de l’information pour que chaque entreprise puisse s’équiper de ce type de technologie est ensuite réalisée et CTC accompagne sur l’intégration et la formation en interne de ces nouvelles technologies. Nous sommes également garants des effets d’annonces marketing de certains proposeurs de solution en appliquant des méthodes scientifiques pour apporter des réponses argumentées et éviter les phénomènes de désinformation ou encore de greenwashing.

Quelles autres thématiques, au-delà de la robotique, votre département aborde-t-il ?

Comme évoqué en début d’article, nous travaillons sur l’ergonomie. Tout commence par une observation attentive du poste de travail, voire la réalisation de mesures biomécaniques de cette activité permettant d’évaluer les problématiques liées à l’opération concernée. L’objectif est de lister par métier les postes les plus exposés. Par la suite, des préconisations sont proposées par les experts CTC : exercices d’échauffement dédiés à l’activité, aménagements de poste ou encore de gestuelle, formations, outils ergonomiques. Dans certains cas, les recommandations et outils ergonomiques existants ne suffisent pas. CTC développe, ou fait développer, des équipements spécifiques afin de pallier les problématiques mises en évidence par les diagnostics CTC. Cette thématique requiert souvent un croisement d’expertises et pour cela, nous travaillons avec les autres services de CTC, tels que les Départements Métiers Tannerie, Maroquinerie et Chaussure. Notre laboratoire de biomécanique, le Living Lab CTC, permet de tester in situ les nouveaux modèles de chaussures. Des études sont donc régulièrement menées, afin de prouver scientifiquement que la chaussure testée a un bon impact sur la cinématique de marche ou de course de son utilisateur. Nous vérifions aussi, si à l’usage, ces paramètres changent et peuvent apporter un risque pour le consommateur final. Ce service unique que nous apportons à nos entreprises membres leur permet de rester compétitives en termes de technicité et de confort par rapport à leurs concurrents.
Les matériaux innovants constituent également un volet important de notre activité. Nous étudions la processabilité de nouvelles matières pour la chaussure et la maroquinerie et vérifions qu’elles sont conformes aux attentes du marché en termes de performances, notamment le confort et de plus en plus la durabilité. On examine également leur impact environnemental. Il convient d’être particulièrement vigilant sur ce point, car de nombreuses matières contiennent beaucoup d’éléments d’origine pétrolière. On nous consulte aussi pour trouver des solutions à des contraintes légales, comme la suppression des solvants dans les colles.
Notre dernier domaine d’étude est celui des méthodes d’essais physiques. L’objectif est de développer de nouvelles méthodes de tests à l’aide de robots ou de machines existantes. À cet égard, notre simulateur de marche et de course à pied, qui a nécessité cinq années de recherche, fait l’objet de trois thèses CIFRE et d’un brevet CTC, est considéré comme une référence de notre expertise. Il permet de simuler, en à peine deux jours, l’usure d’une chaussure après 200 kilomètres de marche. On obtient alors un indice de bio fidélité par rapport à l’usage réel, jamais atteint à ce jour dans le monde. En proposant ce service à nos entreprises membres, nous leur permettons d’accélérer leur processus de développement de nouveaux modèles ou concepts, afin de se différencier de leurs concurrents mondiaux.

L’intelligence artificielle fait-elle aussi partie de votre arsenal technologique ?

Au sein de CTC, un autre Département de la Direction Innovation est entièrement dédié à la transition numérique et à l’intelligence artificielle. Ces axes de recherche nous permettent de traiter les problématiques de la traçabilité unitaire des cuirs et des produits manufacturés, mais aussi d’objectivation des contrôles qualité tout au long des process de fabrication et de la collecte de données environnementales ou qualité, pour constituer le passeport digital d’un produit. Le passeport digital est un axe de recherche majeur sur lequel les entreprises membres ont des attentes fortes vis-à-vis de CTC.

D’après vous, sommes-nous, en France, plutôt en avance ou en retard sur le sujet des technologies ?

Nous ne sommes pas en retard, c’est certain. Je dirais que, pour l’instant, la France est dans le bon wagon du progrès technologique mais qu’il ne faut pas relâcher les efforts. Il faut continuer à investir en R&D, pour que la France puisse garder son temps d’avance qui lui est reconnu hors frontières. La concurrence internationale est forte et leurs moyens conséquents pour égaler l’excellence de notre filière. Le défi de CTC est de conserver nos entreprises dans les wagons de tête. C’est notre mission au quotidien !

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Rédaction François Gaillard

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