La botte camarguaise, labellisée après la charentaise
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Lors de la première édition du Sustainable Leather Forum à Paris, le 16 septembre dernier, consacré à la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), deux entreprises françaises, Tanneries Haas et Raynaud Jeune, ont présenté leur fort engagement en matière de RSE et de traçabilité en réponse aux exigences de leurs clients mais aussi par volontarisme et conviction.
« Je pense que c’est comme la prose de M. Jourdain, nous faisions de la RSE sans le savoir en travaillant sur la traçabilité, la connaissance, l’amélioration et le contrôle de la filière amont, mais aussi l’innocuité et l’amélioration des process, ou encore le développement de cuirs sans chrome. Le terme RSE est apparu il y a entre 5 et 7 ans. À l’époque c’était un sujet de plus. Désormais, il s’agit d’une démarche volontaire liée à notre propre sensibilité. Depuis 2 ou 3 ans, nous ressentons clairement une accélération des attentes dans ce domaine sous la pression de nos clients mais aussi celle de la société et de la réglementation. Nous pressentons une nouvelle accélération dans les mois à venir. La RSE a pendant longtemps été une option, elle est devenue une obligation », explique, en préambule, Jean-Christophe Muller, Directeur Général des Tanneries Haas. Cet acteur majeur de la filière veau (NDLR – la France est le premier exportateur mondial de ce type de peaux), fournisseur des plus grandes maisons de luxe lié au groupe Chanel depuis 2012, a triplé son chiffre d’affaires et sa production au cours des 25 dernières années.
Par ailleurs, elles participent activement aux travaux de traitement de l’eau et des effluents en tannerie dans le cadre du programme français de RSDE (Recherche de Substances Dangereuses dans l’Eau). « Il s’agit d’une directive européenne qui date des années 2000 au cours desquelles diverses études ont été menées pour évaluer des composants dangereux ou jugés comme tels dans les effluents. Désormais, un contrôle systématique des entreprises classées a été instauré et, en fonction du résultat, des surveillances pérennes ou temporaires sont mises en place afin de réduire la présence de ces substances dans l’eau. La Fédération Française de la Tannerie Mégisserie (FFTM) propose des aides pour supporter les coûts d’analyse assez élevés », détaille Jean Christophe Muller.
« La traçabilité en tant qu’outil pour la maîtrise de la bientraitance animale est un élément clé. C’est pourquoi, nous nous équipons tous du système de marquage laser des peaux de bovins, unique au monde, développé par CTC pour garantir l’innocuité », poursuivait le dirigeant qui profitait du forum pour inciter CTC à développer un outil similaire pour l’agneau en raison des difficultés à marquer la peau à travers la laine. Jean-Christophe Muller estime que « le bien-être animal a une incidence sur la qualité des peaux, même si, à ma connaissance, il n’existe pas d’études quantifiées sur le sujet. Néanmoins, des conditions de transport mal adaptées me semblent constituer un point critique ».
Enfin, « je pense que nos métiers sont à la veille de connaître une nouvelle révolution. Nous avons connu l’avènement du tannage au chrome au début du 20ème siècle en provenance des États-Unis, je pense que nous allons, dans les prochaines années, devoir remettre en cause tout ce que nous avons appris. Cela va être long et compliqué. Il va falloir être fort, financièrement en particulier, et il sera nécessaire de se regrouper », anticipe-t-il.
La mégisserie Raynaud Jeune est spécialisée dans le tannage à base de végétaux depuis sa création en 1921. « Nous utilisons le quebracho d’Argentine (PEFC) et du mimosa du Brésil », précise Olivier Raynaud, son Président qui représente la troisième génération à la tête de l’entreprise familiale. La PME de Mazamet compte deux unités, l’une dédiée au tannage de peaux d’agneaux et l’autre à la fabrication de semelles. À l’heure où la protection de l’environnement est devenue une préoccupation majeure des consommateurs, le dirigeant reconnaît un fort engouement pour ses produits, ce, même si le tannage végétal possède le défaut de ne pas tenir à la lumière. « Malgré le fait que nous ne soyons pas positionnés sur le marché du luxe, mais sur celui de la consommation de masse, il existe une très forte demande de la part de nos clients depuis plusieurs années », constate Olivier Raynaud qui casse une idée reçue et déclare haut et fort qu’il n’y a pas que le tannage végétal qui soit respectueux de l’environnement. Les tanneurs qui opèrent en France et en Europe travaillent globalement tous dans le respect des bonnes procédures et de la réglementation Reach ».
Au cours des dernières années, la mégisserie tarnaise multiplie les investissements dans le développement durable. Grâce à l’obtention d’une subvention ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie), elle a d’abord dressé son bilan carbone. Concernant l‘épuration de l’eau, « problème n°1 dans la tannerie-mégisserie » selon Olivier Raynaud, l’entreprise mazamétaine a doublé sa station d’épuration avec un deuxième traitement biologique pour un montant de 1 000 KE qui permet l’élimination de 95 à 99% des effluents. « C’est essentiel pour nous qui sommes situés dans la campagne et qui rejetons directement dans la rivière car, de ce fait, nous sommes soumis à des normes draconiennes en matières de rejets », explique le dirigeant. Quant à ses déchets, la mégisserie en recycle 95% puisqu’ils sont exempts de chrome. Ils sont transformés en compost fertilisant et engrais (déchets humides) ou en synderme, matériau à base de déchets de cuir (déchets secs). Concernant les émissions polluantes dans l’air, le fioul, issu de l’énergie fossile, utilisé pour chauffer l’eau ou sécher les peaux provenant d’énergie fossile a été remplacé par un bio combustible, le «Tal Oil », issu de l’économie circulaire du papier. Son utilisation a permis de diviser par deux les rejets de soufre et d’azote. « Toutes ces démarches sont très prisées par nos clients. Tous les jours des clients nous contactent ou sont fidélisés grâce à ces améliorations », s’enthousiasme Olivier Raynaud. D’ailleurs ce dernier travaille déjà sur de nouveaux projets, en particulier, l’installation de panneaux photovoltaïques pour produire et consommer sa propre électricité verte ; ou encore l’installation d’une chaudière biomasse. « Le tout dans l’objectif d’obtenir la certification du Leather Working Group (LWG), qui me semble indispensable pour rester sur le marché à long terme », estime Olivier Raynaud. Enfin, côté ressources humaines, élément qui entre dans le cadre de la RSE, Raynaud Jeune a créé, en 12 ans, plus de 25 emplois en privilégiant la main d’œuvre locale. Pourtant, d’une manière générale, le secteur de la tannerie-mégisserie éprouve des difficultés importantes pour recruter, notamment les jeunes qui préfèrent des secteurs comme l’informatique. « Les jeunes que nous essayons de recruter recherchent du sens dans leur travail et sont très sensibles au comportement de l’entreprise. Il est donc impératif d’avoir un comportement irréprochable en matière de RSE », constate Olivier Raynaud.
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Rédaction Jean-Marc Ménard
Photos © CNC – P&M
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