Stéphanie Lacoste métamorphose la matière

Elle fait partie de celles qui réinventent l’art du tissage. Stéphanie Lacoste détourne et transforme toutes sortes de matières, cuir inclus. Les projets sur mesure, réalisés dans son atelier Curiosité Textile, s’appliquent aussi bien à la mode qu’à la décoration.

Le goût de la matière et l’art du tissage

Stéphanie Lacoste a découvert sa vocation de créatrice textile à l’école Boulle. Lorsqu’elle y entre à l’âge de quinze ans, c’est à l’origine pour travailler le bois… Mais le tissage artisanal la passionne vite ! Diplômée aussi de l’école Duperré, la tisserande basée en Île-de-France se dit « habitée par la création de nouvelles matières. Je me laisse guider par elles. Je pars du fil pour donner vie à une matière inédite grâce au tissage. J’aime bien que mes tissages surprennent ». L’effet d’étonnement, en effet, n’est jamais loin avec la fondatrice de Curiosité Textile. L’atelier, conçu comme un « laboratoire d’expérimentation », porte bien son nom : il est équipé de plusieurs métiers à tisser, dont un spécifique servant à échantillonner. C’est là qu’elle explore ses « matières à tisser ». Les matières naturelles, végétales, animales sont ses préférées. Dures ou souples, traditionnelles ou atypiques, peu importe… Dans l’univers sensible construit par Stéphanie Lacoste, chacune est noble par essence. Soie, lin ou laine voisinent avec les pailles de mer « aux multiples variations naturelles », les bois tissés développés par l’atelier Beyssac basé dans la Drôme ou encore la feuille d’ardoise. Rigide par essence, elle peut donner lieu à « un tissage en volume tout en souplesse ».

Le cuir expressif

Le cuir est le « nouveau venu » au sein de la matériauthèque de Stéphanie Lacoste. « J’ai eu envie de le travailler car j’ai eu un vrai coup de cœur pour le cuir marin proposé par Ictyos. Je trouvais intéressant de tisser de grandes surfaces à partir de petites peaux. Les finitions d’Ictyos sont aussi particulièrement inspirantes. » Pour la créatrice qui tisse plutôt des matières rigides, le cuir représente un « entre-deux » à fort potentiel. « Il peut être à la fois souple et un peu plus rigide, précise-t-elle. Je peux trouver un cuir fin, épais, lisse et doux, mat ou brillant et aussi texturé, grainé… Tous ces états de surfaces offerts par les acteurs du secteur composent une palette à partir de laquelle je peux tisser et jouer avec la lumière. » Si Ictyos fait partie de ses partenaires privilégiés, Stéphanie Lacoste réalise aussi des tissages avec des cuirs fournis par ses propres clients ou bien issus de stocks dormants. Elle tire naturellement profit des chutes car, dit-elle, « je les coupe avant de les tisser ». Le cuir est fréquemment mélangé aux autres matières phares de l’atelier, la paille ou le bois. Elle l’utilise aussi déjà teint, contrairement aux fils ou à d’autres matériaux qu’elle teint elle-même avec des extraits de plantes cultivées puis séchées en France. « Les nuances du cuir inspirent mes teintures », poursuit la créatrice qui n’exclut pas de « tisser des peaux au tannage végétal ».

Personnalisation sans limite

La vision singulière de Stéphanie Lacoste interpelle, attire, séduit. Des maisons de luxe, comme Jean Paul Gaultier ou Balmain, plébiscitent ses tissages de paille ou de bois. En décembre dernier, le salon Blossom Première Vision a mis en lumière son savoir-faire à travers des pièces sur mesure en cuir ou plumes, présentées aux tisseurs, tanneurs et fabricants d’accessoires premium. Deux mois plus tôt, Curiosité Textile participait au Rendez-Vous de la Matière + Fair(e), événement parisien consacré aux matériaux innovants pour l’aménagement intérieur. Les décorateurs d’intérieur, en quête de singularité et de personnalisation, sont particulièrement sensibles à ses tressages d’exception aux motifs graphiques infinis. Telle Laura Gonzalez, en charge d’une boutique Cartier à Vienne. « Les vitrines de luxe, le secteur de l’hospitality sont notamment demandeurs de panneaux muraux », remarque Stéphanie Lacoste. Mais ses compositions dynamiques, tissés avec une grande finesse, s’accommodent d’autres usages : stores entre ombre et lumière, cloisons décoratives et même mobilier et luminaires. Le paravent qu’elle a tissé pour Emmanuel Levet Stenne a ainsi été exposé lors de la dernière Paris Design Week. L’artisanat d’art de Stéphanie Lacoste n’en finit pas de repousser les limites de la matière. « Mes nouvelles explorations de cuir tissé m’amènent à des productions plus axées vers l’accessoire, la mode. » On la croit sur parole, en attendant avec impatience de les découvrir.

Inscrivez-vous à la Newsleather pour recevoir, toutes les deux semaines, un condensé de l’actualité de la filière cuir.

Rédaction Nadine Guérin