Nathalie Lebas-Vautier pionnière engagée pour une mode éthique et durable

Nathalie Lebas-Vautier, Présidente Directrice Générale de Good Fabric, accompagne les entreprises de mode vers une production plus vertueuse.

Symposium annuel consacré à l’engagement de la filière cuir en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE), le Sustainable Leather Forum (SLF) réunira les professionnels du secteur au Palais Brongniart à Paris le lundi 12 septembre. Partenaire de l’événement organisé par le Conseil National du CuirLeather Fashion Design (LFD) donne la parole à des experts qui interviendront lors de cette journée networking. Nathalie Lebas-Vautier, CEO de Good Fabric qui accompagne les entreprises de mode vers une production plus vertueuse, nous livre son analyse sur l’évolution du sourcing matières et l’importance de la traçabilité, enjeu majeur de la RSE.

Quel est votre parcours d’entrepreneure et la raison d’être de Good Fabric ?

J’ai co-créé avec mon époux l’une des premières marques éthiques en France, Ekyog, à une période où la conscience écologique dans notre pays était vierge et les solutions industrielles à peine naissantes. C’était en 2004. Nous avons agi à contre-courant en commençant par créer une filière de coton biologique équitable avant les collections. Nous avons ouvert jusqu’à 50 magasins sur le territoire français, notre expérience nous a appris à concilier performance économique, sociétale et environnementale. Notre parcours entrepreneurial a toujours été associé à un engagement à travers notre association Humun qui soutient des actions en faveur de la nature et des hommes au-delà des objectifs économiques. Nous avons toujours privilégié une présence sur le terrain, un véritable atout, cela permet d’affiner nos convictions et d’être plus humble.
Après avoir quitté Ekyog, nous avons fondé Good Fabric en 2015 dans le but d’accompagner les entreprises de mode vers une économie et une production plus durables. Nous oeuvrons dans trois domaines d’activité. Notre premier métier concerne l’accompagnement de marques dans la définition ou l’évolution de leur stratégie RSE et ce, dans une démarche de progrès réaliste. En effet le plus difficile est finalement de rendre cette stratégie opérationnelle, particulièrement sur la traçabilité des chaînes d’approvisionnement qui sont très hétérogènes et de plus en plus opaques. Notre expertise des filières textiles éthiques et notre réseau de partenaires certifiés nous permettent par ailleurs de gérer la fabrication de collections pour nos clients, maisons de luxe comme jeunes labels. Et pour aller encore plus loin dans la démarche de traçabilité et d’analyse de cycle de vie (ACV) des produits textiles, nous avons mis au point Footbridge en 2021, une plateforme de traçabilité développée avec Tilkal, expert de la traçabilité blockchain. Cet outil permet aux marques de structurer la traçabilité de leur supply chain, de mieux maîtriser les conditions de fabrication et de répondre aux attentes de transparence des consommateurs.

Footbridge est une plateforme de traçabilité et un service d’Analyse du Cycle de Vie pour les produits textiles.

Le sourcing international constitue un enjeu de RSE de plus en plus complexe. Cela va-t-il accélérer les relocalisations de production et pour quels marchés selon vous ?

Les lignes bougent de façon très importante parce que de nombreuses marques souhaitent rapatrier leur sourcing en Europe, voire en France. C’est une réalité que l’on constate chez bon nombre d’acteurs qui entendent rééquilibrer leur approvisionnement et leur production afin d’être moins dépendants de l’Asie. La pandémie a nettement accéléré les choses. De plus, face aux confinements répétés en Chine qui freinent les productions, le regain d’une fabrication européenne, et particulièrement au Portugal, est caractéristique sur certaines typologies d’articles. Même si certains savoir-faire spécifiques resteront en Asie comme les pièces à manches techniques ou le cachemire. Le réseau de fabricants certifiés avec lequel nous collaborons est très implanté en Europe même si notre cœur d’approvisionnement en coton biologique est situé en Inde. Nous travaillons avec la même filière de coton depuis Ekyog. La culture de coton équitable en Inde a particulièrement évolué ces dernières années, qu’il s’agisse du coton régénératif mais surtout du coton en conversion, notre combat. En effet aujourd’hui le coton biologique ne représente que 1% de la production mondiale, une part infime. Mais au début des années 2000, c’était à peine 0,01%. Certes la marge de progression est énorme mais les choses avancent même si cela nécessitera beaucoup de temps. Face au boycott du coton cultivé dans la région du Xinjiang en Chine, bon nombre d’acteurs se tournent désormais vers l’Inde mais il faut être vigilant sur la contrefaçon. Nous faisons réaliser des tests matières dans le pays producteur puis des contre-tests dans des laboratoires français. De plus, face à la flambée des prix des matières premières et la progression de la demande de coton biologique, une tension se fait jour sur cette matière. Dès lors la traçabilité et l’intégrité de l’information sont absolument nécessaires pour savoir ce qu’on achète, à qui, comment… Un certificat n’est pas gage d’authenticité, il faut investiguer sur le terrain pour comprendre et accompagner. Et ce, pas uniquement concernant la traçabilité des matières premières mais également les conditions sociales dans les usines, la confection, etc.

Quelle va être la place de la traçabilité dans la chaîne d’approvisionnement dans les années futures ?

La traçabilité des produits et la maîtrise des approvisionnements de matières premières sont les principales problématiques que rencontrent les marques. La situation a beaucoup évolué ces trois dernières années. En cette période post-Covid, nous constatons que les bonnes volontés se concrétisent de plus en plus. Et la réglementation vient conforter cette transformation et l’obligation des marques à être de plus en plus vertueuses. Mais nous n’en sommes qu’au début de l’histoire car les entreprises doivent s’organiser en interne pour intégrer des compétences. La traçabilité présente de nombreuses vertus pour les marques : mieux connaître leur supply chain, mieux acheter, mieux maîtriser leurs coûts et leur sourcing, démontrer leurs bonnes pratiques… Les enjeux de demain sont là. Et puis cela va devenir une norme. On ne pourra plus dire « Je ne savais pas ». La traçabilité doit servir à se prémunir mais également à anticiper des situations préjudiciables pour la réputation des marques et leur business model. Nous sommes en 2022 et nous sommes encore très en retard. C’est pourquoi face à ce constat, nous avons créé Footbridge. La traçabilité ne consiste pas seulement à remplir des formulaires, c’est aussi un moyen de mieux connaître ses partenaires afin de progresser ensemble. La traçabilité ne doit pas uniquement servir à se donner bonne conscience.

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Rédaction Laëtitia Blin

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