Le sourcing international constitue un enjeu de RSE de plus en plus complexe. Cela va-t-il accélérer les relocalisations de production et pour quels marchés selon vous ?
Les lignes bougent de façon très importante parce que de nombreuses marques souhaitent rapatrier leur sourcing en Europe, voire en France. C’est une réalité que l’on constate chez bon nombre d’acteurs qui entendent rééquilibrer leur approvisionnement et leur production afin d’être moins dépendants de l’Asie. La pandémie a nettement accéléré les choses. De plus, face aux confinements répétés en Chine qui freinent les productions, le regain d’une fabrication européenne, et particulièrement au Portugal, est caractéristique sur certaines typologies d’articles. Même si certains savoir-faire spécifiques resteront en Asie comme les pièces à manches techniques ou le cachemire. Le réseau de fabricants certifiés avec lequel nous collaborons est très implanté en Europe même si notre cœur d’approvisionnement en coton biologique est situé en Inde. Nous travaillons avec la même filière de coton depuis Ekyog. La culture de coton équitable en Inde a particulièrement évolué ces dernières années, qu’il s’agisse du coton régénératif mais surtout du coton en conversion, notre combat. En effet aujourd’hui le coton biologique ne représente que 1% de la production mondiale, une part infime. Mais au début des années 2000, c’était à peine 0,01%. Certes la marge de progression est énorme mais les choses avancent même si cela nécessitera beaucoup de temps. Face au boycott du coton cultivé dans la région du Xinjiang en Chine, bon nombre d’acteurs se tournent désormais vers l’Inde mais il faut être vigilant sur la contrefaçon. Nous faisons réaliser des tests matières dans le pays producteur puis des contre-tests dans des laboratoires français. De plus, face à la flambée des prix des matières premières et la progression de la demande de coton biologique, une tension se fait jour sur cette matière. Dès lors la traçabilité et l’intégrité de l’information sont absolument nécessaires pour savoir ce qu’on achète, à qui, comment… Un certificat n’est pas gage d’authenticité, il faut investiguer sur le terrain pour comprendre et accompagner. Et ce, pas uniquement concernant la traçabilité des matières premières mais également les conditions sociales dans les usines, la confection, etc.
Quelle va être la place de la traçabilité dans la chaîne d’approvisionnement dans les années futures ?
La traçabilité des produits et la maîtrise des approvisionnements de matières premières sont les principales problématiques que rencontrent les marques. La situation a beaucoup évolué ces trois dernières années. En cette période post-Covid, nous constatons que les bonnes volontés se concrétisent de plus en plus. Et la réglementation vient conforter cette transformation et l’obligation des marques à être de plus en plus vertueuses. Mais nous n’en sommes qu’au début de l’histoire car les entreprises doivent s’organiser en interne pour intégrer des compétences. La traçabilité présente de nombreuses vertus pour les marques : mieux connaître leur supply chain, mieux acheter, mieux maîtriser leurs coûts et leur sourcing, démontrer leurs bonnes pratiques… Les enjeux de demain sont là. Et puis cela va devenir une norme. On ne pourra plus dire « Je ne savais pas ». La traçabilité doit servir à se prémunir mais également à anticiper des situations préjudiciables pour la réputation des marques et leur business model. Nous sommes en 2022 et nous sommes encore très en retard. C’est pourquoi face à ce constat, nous avons créé Footbridge. La traçabilité ne consiste pas seulement à remplir des formulaires, c’est aussi un moyen de mieux connaître ses partenaires afin de progresser ensemble. La traçabilité ne doit pas uniquement servir à se donner bonne conscience.
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