L’Institut pour les Savoir-Faire Français souhaite fédérer tous les acteurs de l’excellence hexagonale

Anne-Sophie Duroyon-Chavanne, Directrice de l’Institut pour les Savoir-Faire Français.

Directrice de l’Institut pour les Savoir-Faire Français, Anne-Sophie Duroyon-Chavanne se dévoue au soutien de l’ensemble de l’écosystème des savoir-faire d’excellence. Lequel est composé de facettes multiformes – du fait main à l’industrie de pointe. Rencontre à l’occasion du renouveau de l’Institut, ex-INMA.

Quel est votre cheminement au sein du monde des métiers d’art ?

Je suis historienne de l’art et archéologue de formation, puis je me suis spécialisée en management culturel et du patrimoine d’entreprises. Au début des années 2000, nous avons vu l’émergence de nouveaux postes de responsables du patrimoine au sein des grandes maisons, une thématique quelque peu dormante à l’époque. J’ai alors découvert des collections d’archives extraordinaires au sein de grandes maisons : le patrimoine photographique chez Chanel, puis la mise en valeur et la promotion du patrimoine historique chez Chaumet, auprès de Béatrice de Plinval qui avait tissé ce lien extraordinaire entre collections et patrimoine vivant. Au sein de ces maisons, j’ai pu valoriser les connexions entre patrimoine d’entreprise et métiers d’art. Ensuite, j’ai rejoint la Monnaie de Paris, où j’ai œuvré à la valorisation patrimoniale de l’institution, de la dernière usine de Paris et des 14 métiers d’art du métal. Ces expériences, qui m’ont conduit à la tête de l’Institut, m’ont fait croire, déjà il y a 15 ans, en l’avenir de ces notions de savoir-faire composées de métiers d’art et du patrimoine vivant. Ils racontent une histoire du passé et continuent d’évoluer sans cesse, certes différemment au fil des époques et des problématiques, mais en traversant les âges.

Visite chez J.M. Weston lors des JEMA - Photo © Romain Sarrat.

Comment s’exprime le renouveau de l’Institut qui a changé de nom – optant pour le terme « savoir-faire » plutôt que « métiers d’art », lors de ce 4ème changement d’identité depuis la création de l’association en 1889 ?

Nous sommes à l’écoute de l’ensemble de l’écosystème que nous voulons fédérer, en réalisant des enquêtes, en interrogeant le terrain. Nous souhaitons répondre aux besoins spécifiques, selon les typologies d’entreprises. Notre vocation est de maintenir le lien entre les petits ateliers et les grandes manufactures qui se créent. L’article premier de notre association, c’est la valorisation et la promotion des métiers d’art. Ceux-ci ne sont donc pas du tout abandonnés. Cela étant, nous avons aussi des entreprises où perdurent des savoir-faire d’excellence liés à la fabrication qui ne sont pas répertoriés sur la liste officielle des métiers d’art. Il faut qu’on puisse accompagner cette expertise française qui s’exporte dans le monde entier. Et pour obtenir une photographie actuelle de l’écosystème et agir au mieux, nous avons lancé l’étude Les Éclaireurs, avec Xerfi Specific et un comité de pilotage rassemblant le Comité Colbert, Terre & Fils, le ministère de la Culture et la Fondation Bettencourt Schueller. Ce qui permettra de dresser un état des lieux chiffré du poids économique réel du secteur et d’utiliser des indicateurs représentatifs de son état, à partir de données jusqu’à présent parcellaires. C’est une première pour le secteur. L’objectif est de devenir un observatoire et de continuer d’affiner les actions au service des entreprises pour répondre aux enjeux prioritaires de la transmission, de la formation, du rayonnement des métiers. En France, nous avons la chance d’avoir 281 métiers d’art. Le fait que le savoir-faire français soit reconnu dans le monde entier nous a aussi incités à changer de nom. À l’international, on comprend le terme « savoir-faire », et c’est une notion beaucoup plus forte que « know-how » ou « fine crafts ».

Philippe Atienza et Laura Puntillo, bottiers sur-mesure femme-homme accompagnés dans le cadre du programme Maîtres d'art-Élèves depuis 2023 - Photo © Alessandro Silvestri.

Pour saisir la nature de votre accompagnement des entreprises, pourriez-vous évoquer quelques actions de l’Institut ?

Les métiers d’art ont besoin de visibilité et de développer leur activité, et parfois même d’une culture entrepreneuriale peu présente dans de nombreux petits ateliers. Notre association donne des outils destinés aux besoins de chacun : chercher des financements, mieux valoriser la marque employeur et ainsi favoriser l’orientation des jeunes vers leur métier, etc. Notre activité de conseil permet la mise en relation des entreprises et porteurs de projet avec les bons partenaires selon leurs problématiques (business plan, cybersécurité, propriété intellectuelle pour les sous-traitants, etc.). Depuis 135 ans, notre mission est d’accompagner ces professionnels de l’écosystème qui manquent de temps et font face aux mutations économiques, sociales et écologiques. Les Journées Européennes des Métiers d’Art (JEMA), notamment, sont unmoment très rassembleur qui permet au grand public de comprendre à la fois le monde de la fabrication au sein d’ateliers et de grandes manufactures. Un événement qui génère beaucoup de retombées presse sur le secteur. Après avoir aussi gagné un appel à projet, nous mettrons en ligne, en 2025, une plateforme d’orientation, « Orphée », consacrée à l’entièreté de l’écosystème : métiers, formations, débouchés… Elle sera destinée aux collégiens, lycéens, étudiants et adultes en reconversion. En 2019, 45% des entreprises des métiers d’art étaient créées par des reconvertis âgés entre 35 et 45 ans, souvent des cadres… Pour une vision complète du secteur à l’attention des professionnels et du grand public, nous avons créé l’annuaire des savoir-faire d’exception pour valoriser l’intégralité des acteurs de l’écosystème :  établissements de formation, artisans d’art, maisons du luxe, fondations, organisations professionnelles, associations…

Visite chez J.M. Weston lors des JEMA - Photo © Romain Sarrat.

Que pourriez-vous dire sur la question du recrutement, un enjeu clé pour de nombreuses filières, y compris celle du cuir ?

Nous rappelons aux partenaires qu’un métier d’art est un métier qualifié. Et présenter un métier d’art qualifié et une rémunération au Smic ne fonctionnent pas. La revalorisation salariale est nécessaire. C’est un sujet sur lequel nous incitons nos partenaires à réfléchir au vu des retours lors des JEMA, un événement souvent familial, où les jeunes viennent accompagnés de leurs parents qu’il faut convaincre. La première question des parents aux JEMA et d’après nos études : « Est-ce que vous en vivez ? » Les JEMA sont une occasion extraordinaire pour répondre aux questions sur les formations, les métiers, l’entrepreneuriat dans ce secteur… De telles rencontres facilitent les vocations.

L’Institut pour les Savoir-Faire Français s’inscrit dans le contexte du lancement, l’an dernier, de la stratégie nationale en faveur des métiers d’art et du patrimoine…

La volonté de porter les savoir-faire français à l’international existe. Pour l’heure, je dirais que les entreprises pourraient probablement faire un peu de lobbying à l’international pour valoriser la richesse de notre pays. Le tourisme de savoir-faire pourrait devenir aussi une autre façon de visiter la France, forte de la présence de ces métiers qui représentent un chiffre d’affaires dans l’économie française d’environ 15 milliards d’euros. Les métiers d’art sont un acteur silencieux non négligeable de l’économie française. Surtout, il faudrait que le soutien aux savoir-faire perdure dans le temps.

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Rédaction Stéphanie Bui

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